Chéri
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Chapitre VI

Colette

Chapitre VI

Mme Peloux avait dû parler beaucoup et longtemps, avant l’entrée de Léa. Le feu de ses pommettes ajoutait à l’éclat de ses grands yeux qui n’exprimaient jamais que le guet, l’attention indiscrète et impénétrable. Elle portait ce dimanche-là une robe d’après-midi noire à jupe très étroite, et personne ne pouvait ignorer que ses pieds étaient très petits ni qu’elle avait le ventre remonté dans l’estomac. Elle s’arrêta de parler, but une gorgée dans le calice mince qui tiédissait dans sa paume et pencha sa tête vers Léa avec une langueur heureuse.

— Crois-tu qu’il fait beau ? Ce temps ! ce temps ! Dirait-on qu’on est en octobre ?

— Ah ! non ?… Pour sûr que non ! répondirent deux voix serviles.

Un fleuve de sauges rouges tournait mollement le long de l’allée, entre des rives d’asters d’un mauve presque gris. Des papillons souci volaient comme en été, mais l’odeur des chrysanthèmes chauffés au soleil entrait dans le hall ouvert. Un bouleau jaune tremblait au vent, au-dessus d’une roseraie de bengale qui retenait les dernières abeilles.

— Et qu’est-ce que c’est, clama Mme Peloux soudain lyrique, qu’est-ce que c’est que ce temps, à côté de celui qu’ils doivent avoir en Italie !

— Le fait est… Vous pensez !… répondirent les voix serviles.

Léa tourna la tête vers les voix en fronçant les sourcils :

— Si au moins elles ne parlaient pas, murmura-t-elle.

Assises à une table de jeu, la baronne de la Berche et Mme Aldonza jouaient au piquet. Mme Aldonza, une très vieille danseuse, aux jambes emmaillotées, souffrait de rhumatisme déformant, et portait de travers sa perruque d’un noir laqué. En face d’elle et la dominant d’une tête et demie, la baronne de la Berche carrait d’inflexibles épaules de curé paysan, un grand visage que la vieillesse virilisait à faire peur. Elle n’était que poils dans les oreilles, buissons dans le nez et sur la lèvre, phalanges velues…

— Baronne, vous ne coupez pas à mon quatre-vingt-dix, chevrota Mme Aldonza.

— Marquez, marquez, ma bonne amie. Ce que je veux, moi, c’est que tout le monde soit content.

Elle bénissait sans trêve et cachait une cruauté sauvage. Léa la considéra comme pour la première fois, avec dégoût, et ramena son regard vers Mme Peloux.

« Au moins, Charlotte a une apparence humaine, elle…

— Qu’est-ce que tu as, ma Léa ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette ? interrogea tendrement Mme Peloux.

Léa cambra sa belle taille et répondit :

— Mais si, ma Lolotte… Il fait si bon chez toi que je me laisse vivre… » tout en songeant : « Attention… la férocité est là aussi… » et elle mit sur son visage une impression de bien-être complaisant, de rêverie repue, qu’elle souligna en soupirant :

— J’ai trop mangé… je veux maigrir, là ! Demain, je commence un régime.

Mme Peloux battit l’air et minauda :

— Le chagrin ne te suffit donc pas ?

— Ah ! Ah ! Ah ! s’esclaffèrent Mme Aldonza et la baronne de la Berche. Ah ! Ah ! Ah !

Léa se leva, grande dans sa robe d’automne d’un vert sourd, belle sous son chapeau de satin bordé de loutre, jeune parmi ces décombres qu’elle parcourut d’un œil doux :

— Ah ! là là, mes enfants… donnez-m’en douze, de ces chagrins-là, que je perde un kilo !

— T’es épatante, Léa, lui jeta la baronne dans une bouffée de fumée.

— Madame Léa, après vous ce chapeau-là, quand vous le jetterez ? mendia la vieille Aldonza. Madame Charlotte, vous vous souvenez, votre bleu ? Il m’a fait deux ans. Baronne, quand vous aurez fini de faire de l’œil à Madame Léa, vous me donnerez des cartes ?

— Voilà, ma mignonne, en vous les souhaitant heureuses !

Léa se tint un moment sur le seuil du hall, puis descendit dans le jardin. Elle cueillit une rose de Bengale qui s’effeuilla, écouta le vent dans le bouleau, les tramways de l’avenue, le sifflet d’un train de Ceinture. Le banc où elle s’assit était tiède et elle ferma les yeux, laissant le soleil lui chauffer les épaules. Quand elle rouvrit les yeux, elle tourna la tête précipitamment vers la maison, avec la certitude qu’elle allait voir Chéri debout sur le seuil du hall, appuyé de l’épaule à la porte…

« Qu’est-ce que j’ai ? » se demanda-t-elle.

Des éclats de rire aigus, un petit brouhaha d’accueil dans le hall, la mirent debout, un peu tremblante.

« Est-ce que je deviendrais nerveuse ? »

— Ah ! les voilà, les voilà, trompettait Mme Peloux.

Et la forte voix de basse de la baronne scandait :

— Le p’tit ménage ! Le p’tit ménage !

Léa frémit, courut au seuil et s’arrêta : elle avait, devant elle, la vieille Lili et son amant adolescent, le prince Ceste, qui venaient d’arriver.

Peut-être soixante-dix ans, un embonpoint d’eunuque corseté, — on avait coutume de dire de la vieille Lili qu’ « elle passait les bornes » sans préciser de quelles bornes il s’agissait. Une éternelle gaîté enfantine éclairait son visage, rond, rose, fardé, où les gros yeux et la très petite bouche, fine et rentrée, coquetaient sans honte. La vieille Lili suivait la mode, scandaleusement. Une jupe à raies, bleu révolution et blanc, contenait le bas de son corps, un petit spencer bleu béait sur un poitrail nu, à peau gaufrée de dindon coriace ; un renard argenté ne cachait pas le cou nu, en pot de fleurs, un cou large comme un ventre et qui avait aspiré le menton…

— C’est effroyable, pensa Léa. Elle ne pouvait détacher son regard de quelque détail particulièrement sinistre, le « breton » de feutre blanc, par exemple, gaminement posé en arrière sur la perruque de cheveux courts châtain rosé, ou bien le collier de perles, tantôt visible et tantôt enseveli dans une profonde ravine qui s’était autrefois nommée « collier de Vénus »…

— Léa, Léa, ma petite copine ! s’écria la vieille Lili en se hâtant vers Léa. Elle marchait difficilement sur des pieds tout ronds et enflés, ligotés de cothurnes et de barrettes à boucles de pierreries, et s’en congratula la première :

— Je marche comme un petit canard ! c’est un genre bien à moi ! Guido, ma folie, tu reconnais Madame de Lonval ? Ne la reconnais pas trop, ou je te saute aux yeux…

Un enfant mince à figure italienne, vastes yeux vides, menton effacé et faible, baisa vite la main de Léa et rentra dans l’ombre, sans mot dire. Lili le happa au passage et lui plaqua la tête contre son poitrail grenu, en prenant l’assistance à témoin.

— Savez-vous ce que c’est, Madame, savez-vous ce que c’est ? C’est mon grand amour, ça, Mesdames !

— Tiens-toi, Lili, conseilla la voix mâle de Mme de la Berche.

— Pourquoi donc ? Pourquoi donc ? fit Charlotte Peloux.

— Par propreté, dit la baronne.

— Baronne, tu n’es pas aimable ! Sont-ils gentils, tous les deux ! Ah ! soupira-t-elle, ils me rappellent mes enfants.

— J’y pensais, dit Lili avec un sourire ravi. C’est notre lune de miel aussi, à nous deux Guido ! On vient pour savoir des nouvelles de l’autre jeune ménage ! On vient pour lui faire raconter tout.

Mme Peloux devint sévère :

— Lili, tu ne comptes pas sur moi pour te raconter des grivoiseries, n’est-ce pas ?

— Si, si, si, s’écria Lili en battant des mains. Elle essaya de sautiller, mais parvint seulement à soulever un peu ses épaules et ses hanches. C’est comme ça qu’on m’a, c’est comme ça qu’on me prend ! Le péché de l’oreille ! On ne me corrigera pas. Cette petite canaille-là en sait quelque chose !

L’adolescent muet, mis en cause, n’ouvrit pas les lèvres. Ses prunelles noires allaient et venaient sur le blanc de ses yeux comme des insectes effarés. Léa, figée, regardait.

— Madame Charlotte nous a raconté la cérémonie, bêla Mme Aldonza. Sous la fleur d’oranger, la jeune dame Peloux était un rêve.

— Une madone ! Une madone ! rectifia Charlotte Peloux de tous ses poumons, soulevée par un saint délire. Jamais, jamais on n’avait vu un spectacle pareil ! Mon fils marchait sur des nuées ! Sur des nuées !… Quel couple ! Quel couple !

— Sous la fleur d’oranger… tu entends, ma folie ? murmura Lili… Dis donc, Charlotte, et notre belle-mère ? Marie-Laure ?

L’œil impitoyable de Mme Peloux étincela.

— Oh ! elle… Déplacée, absolument déplacée… Tout en noir collant, comme une anguille qui sort de l’eau ; les seins, le ventre, on lui voyait tout ! tout !

— Mâtin ! grommela la baronne de la Berche avec une furie militaire.

— Et cet air de se moquer du monde, cet air d’avoir tout le temps du cyanure dans sa poche et un demi-setier de chloroforme dans son réticule ! Enfin, déplacée, voilà le mot ! Elle a donné l’impression de n’avoir que cinq minutes à elle — à peine la bouche essuyée : « Au revoir, Edmée, au revoir, Fred » et la voilà partie !

La vieille Lili haletait, assise sur le bord d’un fauteuil, sa petite bouche d’aïeule, aux coins plissés, entr’ouverte :

— Et les conseils ? jeta-t-elle.

— Quels conseils ?

— Les conseils, — ô ma folie, tiens-moi la main ! — les conseils à la jeune mariée ? Qui les lui a donnés ?

Charlotte Peloux la toisa d’un air offensé.

— Ça se faisait peut-être de ton temps, mais c’est un usage tombé.

Gaillarde, la vieille se mit les poings sur les hanches :

— Tombé ? tombé ou non, qu’est-ce que t’en peux savoir, ma pauvre Charlotte ? On se marie si peu, dans ta famille !

— Ah ! Ah ! Ah ! s’esclaffèrent imprudemment les deux ilotes…

Mais un seul regard de Mme Peloux les consterna.

— La paix, la paix, mes petits anges ! Vous avez chacune votre paradis sur la terre, que voulez-vous de plus ?

Et Mme de la Berche étendit une forte main de gendarme pacificateur entre les têtes congestionnées de ces dames. Mais Charlotte Peloux flairait la bataille comme un cheval de sang :

— Tu me cherches, Lili, tu n’auras pas de mal à me trouver ! Je te dois le respect et pour cause, sans quoi…

Lili tremblait de rire du menton aux cuisses :

— Sans quoi, tu te marierais rien que pour me donner un démenti ? C’est pas difficile de se marier, va ! Moi, j’épouserais bien Guido, s’il était majeur !

— Non ? fit Charlotte qui en oublia sa colère.

— Mais !… Princesse Ceste, ma chère ! la piccola principessa ! Piccola principessa ! c’est comme ça qu’il m’appelle, mon petit prince !

Elle pinçait sa jupe et tournait, découvrant une gourmette d’or à la place probable de sa cheville.

— Seulement, poursuivit-elle mystérieusement, son père…

Elle s’essoufflait, et appela du geste l’enfant muet qui parla bas et précipitamment, comme s’il récitait :

— Mon père, le duc de Parese, veut me mettre au couvent si j’épouse Lili…

— Au couvent ! glapit Charlotte Peloux. Au couvent, un homme !

— Un homme au couvent ! hennit en basse profonde Mme de la Berche. Sacrebleu, que c’est excitant !

— C’est des sauvages, lamenta Aldonza en joignant ses mains informes.

Léa se leva si brusquement qu’elle fit tomber un verre plein.

— C’est du verre blanc, constata Mme Peloux avec satisfaction. Tu vas porter bonheur à mon jeune ménage. Où cours-tu ? il y a le feu chez toi ?

Léa eut la force d’esquisser un petit rire cachotier :

— Le feu, peut-être… Chut ! pas de questions ! mystère…

— Non ? du nouveau ? pas possible !

Charlotte Peloux piaulait de convoitise.

— Aussi, je te trouvais un drôle d’air…

— Oui, oui ! dites tout ! jappèrent les trois vieilles.

Les paumes à bourrelets de Lili, les moignons déformés de la mère Aldonza, les doigts durs de Charlotte Peloux avaient saisi ses mains, ses manches, son sac de mailles d’or. Elle s’arracha à toutes ces pattes et réussit à rire encore avec un air taquin :

— Non, c’est trop tôt, ça gâterait tout, c’est mon secret !…

Et elle s’élança dans le vestibule. Mais la porte s’ouvrit devant elle et un ancêtre desséché, une sorte de momie badine la prit dans ses bras :

— Léa, ma belle, embrasse ton petit Berthellemy, ou tu ne passeras pas !

Elle cria de peur et d’impatience, souffleta les os gantés qui la tenaient, et s’enfuit.

Ni dans les avenues de Neuilly, ni dans les allées du Bois, bleues sous un rapide crépuscule, elle ne s’accorda le loisir de penser. Elle grelottait légèrement et remonta la glace de l’automobile. La vue de sa maison nette, de sa chambre rose et de son boudoir, trop meublé et fleuri, la réconfortèrent :

— Vite, Rose, une flambée dans ma chambre !

— Le calo est pourtant à soixante-dix comme en hiver : Madame a eu tort de ne prendre qu’une bête de cou. Les soirées sont traîtres.

— La boule dans le lit tout de suite, et pour dîner une grande tasse de chocolat bien réduit, un jaune d’œuf battu dedans, et des rôties, du raisin… Vite, mon petit, je gèle. J’ai pris froid dans ce bazar de Neuilly…

Couchée, elle serra les dents et les empêcha de claquer. La chaleur du lit détendit ses muscles contractés, mais elle ne s’abandonna point encore et le livre de comptes du chauffeur Philibert l’occupa jusqu’au chocolat, qu’elle but bouillant et mousseux. Elle choisit un à un les grains de chasselas en balançant la grappe attachée à son bois, une longue grappe, d’ambre vert devant la lumière…

Puis, elle éteignit sa lampe de chevet, s’étendit à sa mode favorite, bien à plat sur le dos, et se laissa aller.

« Qu’est-ce que j’ai ? »

Elle fut reprise d’anxiété, de grelottement. L’image d’une porte vide l’obsédait : la porte du hall flanquée de deux touffes de sauges rouges.

« C’est maladif, » se dit-elle, « on ne se met pas dans cet état-là pour une porte. »

Elle revit aussi les trois vieilles, le cou de Lili, la couverture beige que Mme Aldonza traînait partout avec elle depuis vingt ans.

« À laquelle des trois me faudra-t-il ressembler, dans dix ans ? »

Mais cette perspective ne l’épouvanta pas. Pourtant, son anxiété augmentait. Elle erra d’image en image, de souvenir en souvenir, cherchant à s’écarter de la porte vide encadrée de sauges rouges. Elle s’ennuyait dans son lit et tremblait légèrement. Soudain un malaise, si vif qu’elle crut d’abord physique, la souleva, lui tordit la bouche, et lui arracha, avec une respiration rauque, un sanglot et un nom :

— Chéri !

Des larmes suivirent, qu’elle ne put maîtriser tout de suite. Dès qu’elle reprit de l’empire sur elle-même, elle s’assit, s’essuya le visage, ralluma la lampe.

« Ah ! bon, » fit-elle. « Je vois. »

Elle prit dans la console de chevet un thermomètre, le logea sous son aisselle.

« Trente-sept. Donc, ce n’est pas physique. Je vois. C’est que je souffre. Il va falloir s’arranger. »

Elle but, se leva, lava ses yeux enflammés, se poudra, tisonna les bûches, se recoucha. Elle se sentait circonspecte, pleine de défiance contre un ennemi qu’elle ne connaissait pas : la douleur. Trente ans de vie facile, aimable, souvent amoureuse, parfois cupide, venaient de se détacher d’elle et de la laisser, à près de cinquante ans, jeune et comme nue. Elle se moqua d’elle-même, ne perçut plus sa douleur et sourit :

« Je crois que j’étais folle tout à l’heure. Je n’ai plus rien. »

Mais un mouvement de son bras gauche, involontairement ouvert et arrondi pour recevoir et abriter une tête endormie, lui rendit tout son mal et elle s’assit d’un saut.

— Eh bien ! ça va être joli, dit-elle à voix haute, sévèrement.

Elle regarda l’heure et vit qu’il était à peine onze heures. Au-dessus d’elle, le pas feutré de la vieille Rose passa, gagna l’escalier de l’étage mansardé, s’éteignit. Léa résista à l’envie d’appeler à son aide cette vieille fille déférente.

— Ah ! non, pas d’histoires à l’office, n’est-ce pas ?

Elle se releva, se vêtit chaudement d’une robe de soie ouatée, se chauffa les pieds. Puis elle entr’ouvrit une fenêtre, tendit l’oreille pour écouter elle ne savait quoi. Un vent humide et plus doux avait amené des nuages, et le Bois tout proche, encore feuillu, murmurait par bouffées. Léa referma la fenêtre, prit un journal dont elle lut la date :

« Vingt-six octobre. Il y a un mois juste que Chéri est marié. »

Elle ne disait jamais « qu’Edmée est mariée ».

Elle imitait Chéri et n’avait pas encore compté pour vivante cette jeune ombre de femme. Des yeux châtains, des cheveux cendrés, très beaux, un peu crépus, — le reste fondait dans le souvenir comme les contours d’un visage qu’on a vu en songe.

« Ils font l’amour en Italie, à cette heure-ci, sans doute. Et ça, ce que ça m’est égal…»

Elle ne fanfaronnait pas. L’image qu’elle se fit du jeune couple, les attitudes familières qu’elle évoqua, le visage même de Chéri, évanoui pour une minute, la ligne blanche de la lumière entre ses paupières sans force, tout cela n’agitait en elle ni curiosité, ni jalousie. En revanche, la convulsion animale la reprit, la courba, devant une encoche de la boiserie gris-perle, la marque d’une brutalité de Chéri…

« La belle main qui a laissé ici sa trace s’est détournée de toi à jamais… »

— Ce que je parle bien ! Vous allez voir que le chagrin va me rendre poétique !

Elle se promena, s’assit, se recoucha, attendit le jour. Rose, à huit heures, la trouva assise à son bureau et écrivant, spectacle qui inquiéta la vieille femme de chambre.

— Madame est malade ?

— Couci, couça, Rose. L’âge, tu sais… Vidal veut que je change d’air. Tu viens avec moi ? L’hiver s’annonce mauvais, ici, on va aller manger un peu de cuisine à l’huile, au soleil.

— Où ça donc !

— Tu es trop curieuse. Fais seulement sortir les malles. Tape-moi bien mes couvertures de fourrure…

— Madame emmène l’auto ?

— Je crois. Je suis même sûre. Je veux toutes mes commodités, Rose. Songe donc, je pars toute seule : c’est un voyage d’agrément.

Pendant cinq jours, Léa courut Paris, écrivit, télégraphia, reçut des dépêches et des lettres méridionales. Et elle quitta Paris laissant à Mme Peloux une courte lettre qu’elle avait pourtant recommencée trois fois :

« Ma chère Charlotte,

« Tu ne m’en voudras pas si je pars sans te dire au revoir, et en gardant mon petit secret. Je ne suis qu’une grande folle !… Bah ! la vie est courte, au moins qu’elle soit bonne.

« Je t’embrasse bien affectueusement. Tu feras mes amitiés au petit quand il reviendra.

« Ton incorrigible,
« Léa.

« P.-S. — Ne te dérange pas pour venir interviewer mon maître d’hôtel ou le concierge, personne ne sait rien chez moi. »


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