"Claudine à Paris" est un roman de Colette qui suit les aventures de Claudine, une jeune fille pleine de vie et d'énergie, alors qu'elle se retrouve à Paris. Le récit explore son passage de la vie tranquille de province à l'effervescence urbaine de la capitale française. Claudine est en quête de sensations fortes et se laisse emporter par les plaisirs de la ville, découvrant des aspects variés de la société parisienne et de ses habitants. L'histoire met en lumière ses rencontres avec des personnalités colorées, des artistes, des intellectuels et des bourgeois qui peignent un tableau vivant de la vie parisienne des premières décennies du XXe siècle.
Au fil des pages, Claudine se confronte à des enjeux identitaires, notamment en naviguant entre son éducation de jeune fille et ses désirs d'indépendance et d'émancipation. Son charme et sa vivacité attirent des admirateurs, mais elle se débat aussi avec les conventions sociales et les attentes des autres. Sa capacité à séduire et à manipuler, tout en restant fidèle à son esprit rebelle, crée des situations à la fois drôles et tragiques. L'ironie est omniprésente, alors que Claudine utilise son intelligence pour se jouer des circonstances tout en mesurant les répercussions de ses actions.
L'œuvre est également une satire des moeurs de son époque, où Colette observe avec un regard acerbe les travers de ses contemporains. Le texte est imbibé d'une sensualité palpable, reflet de la vision libérée de l'auteur sur la sexualité, l'amour et la quête de plaisir. Claudine, en tant que personnage principal, incarne ce mélange de naïveté et de sophistication, oscillant entre une grande liberté et la pression des normes sociales. À travers les yeux de Claudine, le lecteur découvre une vision de la féminité complexe, où la quête du bonheur est entremêlée de défis personnels et d'interrogations sur le rôle des femmes dans la société.
Au cours de ses pérégrinations, Claudine explore aussi le monde de l'écriture et de l'art, se questionnant sur son avenir et sa place dans ce milieu créatif. Les descriptions des lieux, des rencontres et des émotions vécues par Claudine sont riches et évocatrices, transportant le lecteur dans une atmosphère vibrante et pleine de nuances. La narration est teintée d'une sensibilité qui révèle les aspirations et les contradictions des personnages, rendant l'œuvre non seulement une chronique d'une époque mais aussi un fervent plaidoyer pour l'émancipation et l'affirmation personnelle.
Chapitre I
Extrait
Aujourd’hui, je recommence à tenir mon journal, forcément interrompu pendant ma maladie, ma grosse maladie, — car je crois vraiment que j’ai été très malade !Je ne me sens pas encore trop solide à présent, mais la période de fièvre...
Chapitre II
Extrait
Le voyage, l’arrivée, le commencement de l’installation se perdent dans une brume de détresse. L’appartement sombre, entre deux cours, de cette rue Jacob sale et pauvre, me laissa dans une torpeur navrée. Sans bouger, je vis arriver, une à une,...
Chapitre III
Extrait
Papa, que j’ai orienté sur ma tante Cœur, exprime les jours suivants des velléités de m’emmener chez elle en visite. Je jette de grands cris pour l’effrayer :— Aller chez ma tante ? Ben, voilà une idée ! Avec les...
Chapitre IV
Extrait
Y a pas, y a pas, il faut rendre visite à ma tante Cœur, sinon, elle se fâchera avec nous quand elle nous saura depuis si longtemps à Paris, et je déteste les brouilles de famille. Papa ayant émis l’idée...
Chapitre V
Extrait
Eh bien, ce n’est pas si terrible de sortir seule dans Paris. J’ai rapporté de ma petite course à pied des observations très intéressantes : 1o il fait plus, beaucoup plus chaud qu’à Montigny ; 2o on a le dedans...
Chapitre VI
Extrait
À quatre heures, aujourd’hui, Marcel est venu me voir « tiré à quatre chevaux » au dire de Mélie. Je l’accueille comme le soleil, et je le mène au salon, où il s’amuse beaucoup de la disposition des meubles et...
Chapitre VII
Extrait
Ma gaieté n’a pas duré. J’ai eu une brusque rechute de nostalgie fresnoise et scolaire. Et pourquoi ? À cause de Bérillon ; à cause de ce crétin de Bérillon ; de cet idiot de Bérillon. J’ai épousseté, dans mon...
Chapitre VIII
Extrait
Je retourne chez tante Cœur dans ma petite robe simple en drap bleu, je n’en ai pas encore d’autres convenables. Et puis, si je « forcis » comme c’est probable, celles que je me commanderais trop tôt éclateraient. (Voyez-vous cette...
Chapitre IX
Extrait
Tante Wilhelmine est venue me voir, je n’étais pas là. Elle a causé avec papa, me raconte Mélie, et elle était « hors d’état » de me savoir sortie seule (sans doute elle n’ignore pas que les élèves des Beaux-Arts...
Chapitre X
Extrait
Mon cousin l’oncle est venu ce matin voir papa qui, d’abord furibond parce qu’on le dérange, s’humanise tout de suite, parce que ce Renaud a le don de plaire et de désarmer. Au grand jour, il a davantage de cheveux...
Chapitre XI
Extrait
— Papa, je vais au concert tout à l’heure. Dépêche-toi un peu. Je sais bien que les œufs sur le plat, refroidis, sont un mets des dieux, mais, tout de même, hâte-toi.— Créature inférieure ! déclame papa, en haussant les...
Chapitre XII
Extrait
Je suis retournée voir tante Wilhelmine, dimanche, à son jour.L’omnibus passe devant chez Luce… j’ai craint de la rencontrer. Elle n’hésiterait pas devant une scène de larmes en public, et je me sens les nerfs mal solides.Ma tante, aplatie par...
Chapitre XIII
Extrait
Marcel est revenu. Aujourd’hui, son vêtement gris, d’un gris à émouvoir les tourterelles, se complète d’une cravate bouton d’or, bizarre ; un crêpe de chine tourné autour du col blanc dont ne se voit plus qu’un liséré mince, une cravate...
Chapitre XIV
Extrait
Le soir, après dîner, je lis, vague et absente, pendant que papa fume en chantonnant des mélopées sauvages, et que Mélie rôde, soupesant ses mamelles. La chatte, ballonnée, énorme, a refusé de dîner ; elle ronronne sans motif, le nez...
Chapitre XV
Extrait
Mal. Mal partout. Mal délicieux d’une qu’on a rouée de coups ou de caresses. Les mollets tremblants, les mains froides, la nuque engourmie. Et mon cœur se hâte, tâche d’égaler en vitesse le tic tac de ma petite montre… puis...
Chapitre XVI
Extrait
L’après-midi est dure à passer quand même. Il ne peut pas ne pas venir. À trois heures, je joue les panthères en cage, et mes oreilles deviennent longues…À quatre heures moins vingt, un coup de sonnette très faible. Mais je...
