(ADÈLE la tête appuyée sur ses deux mains ; CLARA, entrant.)
CLARA
Adèle !…
ADÈLE
Eh bien ?
CLARA
Je quitte Antony.
ADÈLE
Antony ! toujours Antony !… Eh bien ! que me veut-il ?
CLARA
Il va s'en aller aujourd'hui.
ADÈLE
Il est tout à fait rétabli ?
CLARA
Oui ; mais il est si triste…
ADÈLE
Mon Dieu !
CLARA
Tu as été bien cruelle envers lui. Depuis cinq jours qu'il t'a sauvée, à peine si tu l'as revu, et toujours devant M. Olivier… Tu as peut-être raison. Oui, c'est un devoir que t'imposent les titres d'épouse et de mère… Mais, Adèle, ce malheureux souffre tant… il a droit de se plaindre. Un étranger eût obtenu de toi plus d'égards, plus de soins… Ne crains-tu pas que tant de réserve ne lui fasse soupçonner que c'est pour toi-même que tu crains de le revoir ?
ADÈLE
Le revoir ! Oh ! mon Dieu ! où est donc la nécessité de le revoir ? Oh ! vous me perdrez tous deux ; et alors, toi aussi, tu me diras comme les autres : Pourquoi l'as-tu revu ?… Clara, toi qui es heureuse près d'un mari qui t'aime et que tu as épousé d'amour, toi qui craignais de le quitter quinze jours pour les venir passer près de moi, je conçois que mes craintes te paraissent exagérées… Mais moi, seule avec ma fille, isolée avec mes souvenirs, parmi lesquels il en est un qui me poursuit comme un spectre… Oh ! tu ne sais pas ce que c'est que d'avoir aimé et de n'être pas à l'homme qu'on aimait !… Je le retrouve partout au milieu du monde… Je le vois là, triste, pâle, regardant le bal. Je fuis cette vision, et j'entends à mon oreille une voix qui bourdonne… c'est la sienne. Je rentre, et, jusqu'auprès du berceau de ma fille… mon cœur bondit et se serre… et je tremble de me retourner et de le voir… Cependant, oui, en face de Dieu, je n'ai à me reprocher que ce souvenir… Eh bien ! il y a quelques jours encore, voilà ce qu'était ma vie… je le redoutais absent ; maintenant qu'il est là, que ce ne sera plus une vision, que ce sera bien lui que je verrai… que ce sera sa voix que j'entendrai… Oh ! Clara, sauve-moi ; dans tes bras, il n'osera pas me prendre… S'il est permis à notre mauvais ange de se rendre visible, Antony est le mien.
CLARA
Écoute, et toutes tes craintes cesseront bientôt. Il quitte Paris ; seulement, je te le répète, il veut te revoir auparavant, te confier un secret duquel dépend son repos, son honneur… puis il s'éloignera pour toujours… il l'a juré sur sa parole…
ADÈLE
Eh bien ! non ! non ! ce n'est pas lui qui doit partir, c'est moi… Ma place, à moi, est près de mon mari… c'est lui qui est mon défenseur et mon maître… il me protégera, même contre moi ; j'irai me jeter à ses pieds, dans ses bras… Je lui dirai : Un homme m'a aimée avant que je fusse à toi… il me poursuit… je ne m'appartiens plus, je suis ton bien : je ne suis qu'une femme ; peut-être seule n'aurais-je pas eu de force contre la séduction… me voilà, ami, défends-moi ! défends-moi !
CLARA
Adèle, réfléchis. Que dira ton mari ? comprendra-t-il ces craintes exagérées ? Que risques-tu de rester encore quelque temps ?… Eh bien ! alors…
ADÈLE
Et si alors le courage de partir me manque ; si, quand j'appellerai la force à mon aide, je ne trouve plus dans mon cœur que de l'amour… la passion et ses sophismes éteindront un reste de raison, et puis… Oh ! non, ma résolution est prise… c'est la seule qui puisse me sauver… Clara prépare tout pour ce départ.
CLARA
Eh bien ! alors laisse-moi t'accompagner, je ne veux pas que tu partes seule.
ADÈLE
Non, non, je te laisse ma fille ; la route est longue et fatigante : je ne dois pas exposer cette enfant ; reste près d'elle. Il est neuf heures et demie… qu'à onze ma voiture soit prête : surtout le plus grand secret… Oui, je le recevrai… maintenant je ne le crains plus… Ma sœur, mon amie, je me confie à toi ; tu auras aidé à me sauver… Oh ! dis-moi donc que j'ai raison.
CLARA
Je ferai ce que tu voudras.
ADÈLE
Bien… laisse-moi seule à présent… rentre à onze heures… je saurai en te voyant que tout est prêt, et tu n'auras besoin de me rien dire : pas un signe, pas un mot qui puisse lui faire soupçonner… Oh ! tu ne le connais pas !
CLARA
Tout sera prêt.
ADÈLE
À onze heures.
CLARA
À onze heures.
ADÈLE
Je ne te demande plus maintenant que le temps d'écrire quelques lignes.
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