(Intérieur rustique, chez Sabouleux. — À droite, premier plan : une grande cheminée, garnie à l'intérieur d'ustensiles de cuisine, cuiller à pot, écumoire, soufflet, etc. Une marmite est accrochée à une crémaillère au-dessus du feu ; une grande bouilloire près du feu. Sur la cheminée, une tasse, un plat à barbe, une serviette. — Même côté, deuxième plan, une porte. — Au troisième plan, formant pan coupé, est une vieille porte, avec deux marches, sur laquelle est écrit : Porte du Clocher. — Au fond, porte principale, et, à gauche de celle-ci, une grande fenêtre, ouvrant sur la place du village. — À gauche, aux troisième et deuxième plans, deux portes. — Au premier plan, un buffet ; près du buffet, une table et deux chaises. — Sous la fenêtre, une autre table, sur laquelle est un tambour, un gros pain, du lard, une bouteille et un gobelet d'étain. — Sur le buffet, une bouteille et deux gobelets d'étain ; un balai entre la porte et le buffet. (SUZANNE ; PUIS PÉPINOIS, PUIS LA VOIX DE SABOULEUX) Suzanne est en costume de petite paysanne, avec des sabots ; elle est assise près de la cheminée et ratisse des carottes sur ses genoux.)
SUZANNE(chantant en ratissant les carottes)
Si je meurs, que l'on m'enterre Dans la cave où est le vin… (Parlé.)
- Cristi ! j'ai manqué de me couper !
PÉPINOIS(entrant avec une enseigne sous le bras.)
Ohé ! père Sabouleux ! père Sabouleux !
SUZANNE
Tiens ! c'est Pépinois, le perruquier… Bonjour, perruquier !
PÉPINOIS
La nourrissonne ! Bonjour… qu'est-ce que tu fais là ?
SUZANNE
Je ratisse des carottes pour la soupe de maman Sabouleux.
PÉPINOIS(riant.)
Maman Sabouleux !… Un vieux pochard de quarante-deux ans… Tambour du village et gardien du clocher…
SUZANNE
Puisque c'est ma nourrice.
PÉPINOIS
Elle y tient !… Je viens lui faire la barbe, à ta nourrice. (Appelant.)
Ohé ! père Sabouleux ! (Il pose l'enseigne près de la table du premier plan.)
VOIX DE SABOULEUX(dans la coulisse à gauche.)
Je suis dans mon lit… Je prends mon café au lait !
PÉPINOIS
Dans son lit ! à neuf heures ! (À part.)
Cristi ! quel bon état que d'être nourrice !… et dire que je ne pourrai jamais-t-être nourrice !
SUZANNE(qui a fini de ratisser ses carottes.)
Là !… j'vas mettre mes carottes dans la marmite.
(Elle va à la marmite, y met les carottes et souffle le feu.)
PÉPINOIS(riant.)
Et elle paye pour ça !… Ah ! elle est bonne ! (Air de l'Ours et le Pacha)
Pendant que l'gaillard dans son lit Comme un notaire se câline, C'est sa nourrissonn' qui l'nourrit. Et lui fricote sa cuisine ! Prrré Sabouleux ! quel bon métier ! Mais je dis qu'en bonne justice, Au lieu d'en tirer bénéfice, À sa nourrissonn' c' nourricier. Doit payer les mois de nourrice. C'est égal, si le papa savait ça !… Un Parisien qui a quarante mille livres de rente… et des breloques grosses comme ça !… y serait peu flatté. (Haut.)
Nourrissonne, qu'est-ce qui t'a réveillée ce matin ?
SUZANNE(venant à lui.)
C'est le coq… je ne sais pas ce qu'il avait à brailler comme ça ?…
PÉPINOIS(hésitant.)
Dame !… il avait… il avait… mal aux dents. (À part.)
Faut pas dire de bêtises aux enfants !
SUZANNE(qui a goûté le bouillon.)
J'ai oublié le sel.
PÉPINOIS(s'approchant de la cheminée.)
Mâtin !… ça sent bon.
SUZANNE
C'est du bouillon.
PÉPINOIS
Avec de la viande ?
SUZANNE
Qu'il est bête ! Est-ce qu'on fait du bouillon avec des briques ?
PÉPINOIS(riant.)
Ah ! ah ! ah !… Elle est gaie, la nourrissonne (Prenant une tasse sur la cheminée.)
Voyons ce bouillon ?
SUZANNE(le repoussant avec la cuiller à pot.)
À bas les pattes !
PÉPINOIS
C'est bon ! c'est bon ! (À part.)
Cette petite fille est d'un rat !… (Allant à la porte de droite.)
Ohé ! père Sabouleux !
VOIX DE SABOULEUX
De quoi ?
PÉPINOIS
J'ai rafistolé votre enseigne.
VOIX DE SABOULEUX
Veux-tu prendre la goutte ?
PÉPINOIS
Toujours.
VOIX DE SABOULEUX
Attends-moi… je m'habille.
PÉPINOIS(a Suzanne. )
J'ose dire que voilà une œuvre d'art ! (Montrant au public l'enseigne sur laquelle on lit ces mots : Allard nommé des hommes lait : Maman Sabouleux pran les nourrissons an cevraje. English spoken, et lisant :)
"À la renommée des omelettes : Maman Sabouleux prend les nourrissons en sevrage. English spoken."
SUZANNE
Qu'est-ce que ça veut dire ?
PÉPINOIS
English spoken ? Je n'en sais rien… ça se met sur les enseignes.
SUZANNE
Ça doit être pour faire essuyer les pieds
PÉPINOIS
C'est bien possible. English, essuyez… spoken, vos pieds.
SUZANNE
Alors pourquoi que t'as pas essuyé les tiens ?
PÉPINOIS
L'enseigne n'étiont pas accrochée.
SUZANNE
Eh bien, accroche-la.
PÉPINOIS
C'est juste… Après, j'aurais-t-y du bouillon ?
SUZANNE
Oui… avec une fourchette.
PÉPINOIS(remontant vers le fond pour accrocher l'enseigne.)
Cette petite fille est d'un rat !… (Il disparaît un moment hors de la porte du fond.)
SUZANNE(seule.)
Mon pot-au-feu mitonne… j'vas donner un coup de balai. Elle remonte près du buffet et prend un balai.
PÉPINOIS(rentrant.)
Ça y est… c'est accroché…
SUZANNE(lui offrant le balai.)
Tiens ! prends ça…
PÉPINOIS
Moi ? pour quoi faire ?
SUZANNE
Pour balyer…
PÉPINOIS
Ah ! mais non ! j'ai pas le temps !…
SUZANNE(l'imitant.)
"J'ai pas le temps !…" Quand il s'agit de travailler, il a toujours un cheveu dans la main, celui-là ! Elle lui met le balai dans les mains.
PÉPINOIS(éclatant.)
Nourrissonne !
SUZANNE(sur le même ton. )
Perruquier !
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...