(LA MARÉCHALE, LA DUCHESSE.)
LA MARÉCHALE
Quoi ! vous prenez au grave un propos si léger ? Faites-vous un chagrin d'un ennui passager ?
LA DUCHESSE
Madame, il a raison. — J'ai tort, je suis coupable… Je devrais obéir,… et j'en suis incapable. Tout ce qu'il dit est vrai ; la faute en est à moi. Je le blesse, le fâche, et je ne sais pourquoi.
LA MARÉCHALE
Vous sentez, dites-vous, qu'il faut qu'on obéisse, Et vous ne savez pas d'où vous vient un caprice ?
LA DUCHESSE
Non ; lorsque mon cœur parle, il raisonne bien mal. Je ne sais quel effroi, quel sentiment fatal, Né de ce triste cœur ou dans ma pauvre tête, Près de lui par moments me saisit et m'arrête. Je voudrais lui complaire et sortir avec lui, Songer à ma parure, oublier mon ennui, Puisqu'il le veut, enfin, essayer d'être belle, Et tout cela me cause une frayeur mortelle. Je sens trembler ma main quand je lui prends le bras… Quelqu'un est entre nous, que je ne connais pas.
LA MARÉCHALE
Ma belle, y songez-vous ? quelle est votre pensée ? Parlez-vous, à votre âge, en femme délaissée ? Avez-vous un reproche à faire à votre époux ? Qu'est-ce donc ?
LA DUCHESSE
Je ne sais.
LA MARÉCHALE
Quelqu'un est entre vous ? Une femme, à coup sûr ; vous est-elle connue ? Parlez.
LA DUCHESSE
Je n'en sais rien, mais j'en suis convaincue.
LA MARÉCHALE
Ainsi, pour quatre mots, vous vous désespérez, Et ce qui vous chagrine, au fond, vous l'ignorez. Dirait-on pas vraiment, à voir votre tristesse, Qu'un grand secret bien noir vous trouble et vous oppresse ? Et c'est un bal manqué qui produit tout cela ! J'en avais, à vingt ans, de ces gros chagrins-là. Ne vous en plaignez pas ! Vos pleurs me font envie. Quand vous saurez un jour ce que c'est que la vie, Ces pleurs, si doucement et sitôt répandus, Vous les regretterez, et n'en verserez plus.
LA DUCHESSE
Oui, si cela vous plaît, vous en pouvez sourire ; Mais en sont-ils moins vrais, madame, et peut-on dire, Quand la souffrance est là, qu'on souffre sans raison ? LA
LA MARÉCHALE
Tout aveu d'une peine aide à sa guérison. Laissez-vous être vraie, et sachons ce mystère.
LA DUCHESSE
Je n'ai point de secret. Que puis-je dire ou taire ?
LA MARÉCHALE
Bah ! quand ce ne serait qu'un caprice d'enfant, Est-ce que près de moi votre cœur se défend ? Qui vous fait hésiter et manquer de courage ? Est-ce la défiance ? est-ce mon rang, mon âge ? Est-ce mon amitié dont vous vous éloignez ? Est-ce la maréchale ou moi que vous craignez ? De grâce, allons.
LA DUCHESSE
Je sais combien vous êtes bonne, Mais je ne puis parler.
LA MARÉCHALE
Alors, je vous l'ordonne. Votre mère, Lucile, à son dernier soupir, Vous a léguée à moi. — Vous devez obéir.
LA DUCHESSE
J'obéirai toujours, et de toute mon âme ; Mais, encore une fois, je ne sais rien, madame, Si ce n'est ma souffrance, et mon amour pour lui.
LA MARÉCHALE
S'il est vrai, mon enfant…(À Lisette qui entre.)
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