Dom Lope, Cassandre, Flore
Dom Lope
C'étoit peu que toujours son devoir trop fidèle
Contre ma passion eût combattu pour elle,
Quand pour la mériter je crois voir quelque jour,
Un fier motif d'honneur s'oppose à mon amour,
Et quoi qu'à mes soupirs son cœur soit favorable,
Cet honneur, ce devoir, tout est inexorable.
Dures extrémités ! Qui le croiroit, ma sœur,
Que le Ciel me traitât avec autant de rigueur,
Que pouvant espérer d'avoir pour moi le père,
La vertu de la fille à mes vœux fut contraire,
Et seule mit obstacle au plus charmant espoir
Que jamais un amant eut droit de concevoir ?
Je la perds, mais hélas ! Perdant tout avec elle,
La façon de la perdre est pour moi si cruelle,
Que toute ma constance et frémit et s'abat
Aux menaces d'un coup dont elle craint l'éclat.
Ce n'est point un rival dont l'amour préférée
Me dérobe une foi si saintement jurée,
Ce n'est point un vieillard dont l'ordre impérieux
Arrache à mon espoir un bien si précieux.
Sans qu'un Rival l'y porte, ou qu'un père l'ordonne,
Elle même s'engage, elle même se donne,
Et par ce sacrifice, à son honneur offert,
Veut être digne au moins de l'amant qu'elle perd.
Rigoureuse faveur ! Tyrannique maxime !
Cassandre
Sa résolution mérite qu'on l'estime,
Et son cœur par l'amour vainement combattu
M'oblige en vous plaignant d'admirer sa vertu.
Dom Lope
Vous devez davantage aux troubles de mon âme.
Votre amitié, ma sœur, a fait naître ma flamme,
Et je n'ai pu la voir si souvent avec vous,
Sans voir, sans découvrir cet éclat vif et doux,
Cette vertu modeste, et ce rare mérite
Dont le charme à l'amour secrètement invite,
Et de tant de beautés voyant l'illustre appas,
Puisque j'avois un cœur, pouvois-je n'aimer pas ?
Ainsi quelques ennuis où cet amour m'expose,
M'ayant laissé la voir, vous en êtes la cause,
Et pour moi vos bontés agiroient lâchement,
De plaindre en moi le frère, et négliger l'amant.
Voyez-la donc, ma sœur, cette fille adorable,
Montrez-lui ce respect toujours inébranlable,
Ce feu tenu secret avec que tant de soin,
Qu'il n'a souffert que vous jusqu'ici de témoin ;
Mais c'est ce qui me perd, sans ce fâcheux silence
Alonse en eut reçu l'entière confidence,
Et ne m'eût pas réduit par ces cruels avis
À mourir de douleur si je les vois suivis.
C'est lui, ma sœur, c'est lui qui propose à Dom Sanche
Cet odieux hymen où l'un et l'autre penche :
Mais si mon désespoir doit enfin éclater,
Pour mon Rival peut-être il est à redouter.
Cassandre
Quoi que de ses avis vous ayez à vous plaindre,
Voyez-le, cet Alonse, avant que d'en rien craindre,
Il vous cherche par tout avec empressement.
Dom Lope
C'est à votre prière ? Avoués franchement.
Cassandre
Vous pourrez de lui-même apprendre le contraire.
Dom Lope
Votre hymen prés de lui me rend injuste frère,
Et les biens de Fernand n'ayant pu vous charmer,
C'est moi qui vous contraints, c'est moi qu'il faut blâmer ?
Cassandre
S'il vous peint mon malheur comme un malheur extrême,
C'est sur ce que Fernand en dit tout haut lui-même,
Qui tenant et l'amour et l'hymen à mépris,
N'eut jamais rien conclu s'il n'eût été surpris.
Encore tout de nouveau j'apprends qu'il s'ose plaindre
Qu'Enrique à cet hymen lui seul l'a su contraindre,
Et que sa violence et son emportement
L'ont forcé par surprise à cet engagement.
Il le fait bien paroître, on a pris la journée
Qui doit hâter ma mort par ce triste hyménée,
Dans deux jours mon malheur sous ses lois me réduit,
Et bien loin de me voir, il semble qu'il me fuit.
Si pour une maîtresse il porte un cœur sans flamme,
Quel amour espérer quand je serai sa femme ?
N'importe, c'en est fait, ayant reçu sa foi
Un lâche repentir est indigne de moi,
Et de tous les malheurs, un cœur qui se possède
Dans sa propre vertu voit toujours le remède.
Dom Lope
Ce sentiment, ma sœur, est bien digne de vous,
Je sais que de tout temps vous fuyez un époux,
Et votre aversion nous a trop fait paroître
Que vous craignez en lui de ne trouver qu'un maître.
J'ai parlé pour Fernand, mais sachez aujourd'hui
Que votre intérêt seul m'a fait parler pour lui.
Enrique est violent, et voyant qu'il vous traite,
Malgré tous mes avis, moins en sœur qu'en sujette,
Appuyant un hymen qu'on l'a vu rechercher,
Au pouvoir d'un tyran j'ai crû vous arracher,
Et qu'enfin dans le choix d'un sort toujours contraire
Vous souffririez plutôt d'un époux que d'un frère.
Je vous ai donc pressée, et je vois à regret
Que j'ai lieu de m'en faire un reproche secret.
La froideur de Fernand me surprend et m'afflige,
Mais à quoi que pour vous la Nature m'oblige,
Lui faire proposer de rompre cet accord
Serait porter Enrique à conspirer sa mort.
Mais Dieux, vois-je Jacinte, ou si mon œil s'abuse ?
Cassandre
Les différents sont doux qui font naître une excuse.
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