Cassandre
À Madrid, où j'étois alors chez une tante,
Je menois une vie et paisible et contente,
Et mes frères en Flandre, en de nobles emplois,
Laissoient à mes désirs la liberté du choix,
Alors qu'un Cavalier dans un péril extrême
Osa m'en dégager en s'y jetant lui-même,
Et par ce grand service engagea ma raison
À souffrir de mon cœur l'aimable trahison,
Il me vit, je le vis, et trop reconnoissante,
Pensant n'être rien plus, je me sentis amante.
Je ne vous dirai point par quels soins, par quels vœux
Il disposa mon âme à répondre à ses feux,
Ni quel rapport d'humeurs l'une à l'autre assorties,
Forma de nos esprits les douces sympathies,
Ce seroit retracer dedans mon souvenir
Des traits mal effacez qu'il tâche de bannir,
Vous saurez seulement que quoi que je supprime,
Rien de honteux pour moi ne m'acquit son estime,
Et que l'ayant connu généreux et discret,
Je ne pus refuser de le voir en secret.
Mais quoi qu'il me jurât entière obéissance,
Il sut avec tant d'art me cacher sa naissance,
Que m'opposant toujours quelque obligeant refus,
M'ayant appris son nom, je ne sus rien de plus,
Si ce n'est que pour vaincre un destin trop contraire,
Un voyage d'un an se trouvoit nécessaire,
Et qu'alors plus heureux et plus digne de moi,
Il se feroit connoître aussi bien que sa foi.
Que vous dirai-je enfin ? Sans savoir davantage
Il fallut consentir à ce triste voyage,
Et sur un élément le plus traître de tous,
Abandonner aux vents mon espoir le plus doux.
Il partit, et le ciel pour comble de misères
Fit suivre son départ du retour de mes frères,
Ah !
Jacinte
Si par ce récit…
Cassandre
Achevons, ce n'est rien.
Jugez par ce retour quel malheur fut le mien.
À me tyranniser leur amitié consiste,
Un parti se présente, ils pressent, je résiste,
Ils parlent pour un autre, et par trop de rigueur
Leur gloire s'intéresse à garder une sœur.
Je recule toujours, tandis le temps se passe,
Déjà mon triste cœur frémit de sa disgrâce,
Et dans le sort douteux d'un amant qu'il attend,
Met son moindre supplice à le croire inconstant,
Quand sur moi la Fortune achevant son ouvrage,
Par celui d'un parent on m'apprend son naufrage,
Ils s'étoient embarquez dans le même vaisseau,
Et la mer de tous deux fut l'injuste tombeau.
Ah Dieux !
Jacinte
Votre douleur semble toujours s'accroître.
Cassandre
Hélas ! À tous moments je crois le voir paroître,
Je l'entends qui se plaint d'avoir été trahi,
Que quoi qu'après deux ans j'ai trop tôt obéi,
Que Fernand… Juste ciel ! Pardonnez ma foiblesse,
À ce funeste nom ma constance me laisse,
Approchez-moi d'un siège, et souffrez qu'aux abois
Ma flamme…
Jacinte
La douleur lui suffoque la voix,
Flore vient de sortir, quel conseil dois-je prendre ?
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