SYLVAIN (paraissant au fond, à gauche.)
Monsieur Cocarel?
COCAREL
Hein ! que voulez-vous ?
SYLVAIN
C'est moi; je viens pour la soirée.
COCAREL
Ah ! très bien ! (A part.)
L'ami d'Anatole… son remplaçant. (Haut.)
Attendez, il faut que je vous examine…
(Il va au pupitre déposer ses papiers.)
SYLVAIN (à part, étonné.)
II va m'examiner !
COCAREL (revenant.)
Voyons! tournez-vous !… pas mal!… pas mal !… votre gilet est bien… mais le pantalon n'est pas de la première fraîcheur…
SYLVAIN
Dame !… on met ce qu'on a.
COCAREL
Oh ! mon ami ! il manque un bouton à votre habit… Ah ! je n'aime pas ça !
SYLVAIN (à part.)
En voilà un qui épluche ses invités !
COCAREL
Vous passerez au vestiaire… on vous en remettra un.
SYLVAIN (à part.)
Tiens ! on est raccommodé !
COCAREL
Je n'ai pas besoin de vous recommander de la tenue, de la réserve… un langage châtié, pas de mots équivoques, d'allusions grossières…
SYLVAIN
Oui… faut pas dire de bêtises aux dames.
COCAREL
Autre chose! on passera des glaces… des bonbons assortis… vous n'y toucherez pas.
SYLVAIN (étonné.)
Ah !
COCAREL
Vous n'avez droit qu'à une brioche et à une tasse de thé.
SYLVAIN
Je n'aime pas le thé… c'est fadasse !
COCAREL
Fadasse! voilà un mot que je n'aime pas… dites: "Le docteur me le défend…"
Soyez homme du monde, palsambleu ! attendez !
(Il va à la table et prend une paire de gants dans le tiroir.)
SYLVAIN (à part, et passant.)
Ah bien voilà un drôle de bonhomme ! il fait passer des glaces et il défend à ses invités d'en prendre !
COCAREL (revenant avec une paire de gants blancs.)
Tenez… voici vos gants…
SYLVAIN (surpris.)
Des gants !
COCAREL
Ayez-en soin… il faut que ça fasse deux fois… n'en mettez qu'un… vous tiendrez l'autre à la main… (Lui donnant de l'argent.)
Plus vos cinq francs.
SYLVAIN
Comment ! cinq francs ?
COCAREL
Ne discutons pas, je vous prie !… cinq francs les cavaliers et trois francs les dames… c'est ce que je donne… c'est l'usage !
SYLVAIN (mettant l'argent dans sa poche.)
Si c'est l'usage… (A part.)
Cinq et dix-sept que j'ai… ça fait vingt-deux… Après le bal de l'Opéra, je m'offrirai à souper.
COCAREL (refermant le tiroir de la table.)
Vous direz à Anatole que je ne suis pas content de lui… il augmente ses prix.
SYLVAIN
Qui ça, Anatole ?
COCAREL
Eh bien, votre ami…
SYLVAIN
Je ne connais pas d'Anatole.
COCAREL
Comment !… mais, alors, qui est-ce qui vous envoie?
SYLVAIN
C'est papa… il m'a dit de venir chez vous… je suis venu.
COCAREL
Ah ! je comprends !… Monsieur votre père désire vous marier…
SYLVAIN
Je ne sais pas…
COCAREL
C'est évident !… je vous demande mille pardons… Je vous ai pris pour un de mes… Vous êtes un client… un fils de famille…
SYLVAIN
Je suis le fils à papa.
COCAREL (lui reprenant le gant que SYLVAIN est en train de mettre.)
Rendez-moi les gants et les cinq francs !
SYLVAIN
Ah ! il faut rendre… (Rendant les gants et les cinq francs. A part.)
Quelle drôle de soirée !
COCAREL (le faisant passer.)
Asseyez-vous… Je vais vous inscrire sur mon grand livre… là se trouvent les plus beaux partis de France.
(COCAREL ouvre le cadenas de son grand livre qui fait un cric-crac très bruyant.)
SYLVAIN
Faudra graisser ça !
COCAREL
Veuillez avoir l'obligeance de me donner vos nom et prénoms.
SYLVAIN (à part.)
Qu'est-ce que je risque ? (Haut.)
Sylvain-Jérôme Colladan…
COCAREL (se ravisant.)
Ah ! pardon ! déposez-vous les cinq louis ?
SYLVAIN
Ah non, par exemple !
COCAREL
C'est pour les premières démarches.
SYLVAIN
Papa va venir; il m'a donné rendez-vous…
COCAREL
Ici ? Très bien ! nous traiterons ensemble cette question.
JOSEPH (entrant de gauche.)
Monsieur, voici vos invités qui arrivent!…
COCAREL (il referme son livre.)
Ces dames sont là… je vais les grouper.
SYLVAIN
Dites donc!… groupez-moi avec!…
COCAREL (à SYLVAIN.)
Venez !… venez !…
(Ils sortent par le fond.)
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