ALIDOR
(assis sur le banc et à part.)
Allons, plumons!… plumer pour elle, c'est encore du bonheur!
(Il plume son poulet.)
MOUILLEBEC
(reprenant sa botte et venant s'asseoir à côté d'ALIDOR. — Il cire. — A part.)
Pauvre garçon, il me fait de la peine!… (Haut.)
Eh bien, monsieur le marquis, vous ne voulez donc pas que nous retournions en Bretagne?
ALIDOR
Père Mouillebec, ne me parlez pas… Tenez, vous n'avez pas pour deux liards de poésie dans le cœur; vous ne comprenez pas l'amour !
MOUILLEBEC
(furieux.)
Je comprends… je comprends que je cire des bottes… et que ça m'ennuie!
ALIDOR
Je fais bien la cuisine, moi!
MOUILLEBEC
C'est-à-dire que vous la faites mais vous nous servez de monstrueuses ratatouilles!… hier encore, cette poule au riz…
ALIDOR
Je me suis trompé… j'ai versé le riz dans les pruneaux… et la poule dans le panier au charbon…
MOUILLEBEC
De façon que nous n'avons eu ni poule, ni riz, ni pruneaux! c'est insupportable, de dîner comme
(ça.)
ALIDOR
(se levant.)
Eh bien; qu'est-ce que ça prouve?
(Il pose son poulet sur le banc.)
MOUILLEBEC
Ça prouve que vous ne savez pas faire la cuisine.
ALIDOR
(passant à gauche.)
Non, ça prouve que j'ai un petit dieu qui tire de l'arc dans ma poitrine!… j'aime, enfin!… Cette fâme!… je la vois partout! Je l'aspire, je la respire et je la soupire!… Je guette ses mies de pain pour les manger… Je dévore les feuilles de radis qu'elle laisse dans son assiette… car je lui filoute ses feuilles de radis !
MOUILLEBEC
Malheureux !
ALIDOR
Et, dans ce moment, je cherche un roux digne d'assaisonner les gants qu'elle a portés !
MOUILLEBEC
Et vous comptez me faire manger de ça?
ALIDOR
Oh! non, pas vous; ce sera pour moi… pour moi seul !… au fond des bois; je mêlerai mes soupirs d'amour aux. roucoulements des bêtes féroces!…
MOUILLEBEC
(se levant.)
Voyons, calmez-vous… calmez-vous!… Ne parlons plus de ça! Il est neuf heures… voulez-vous que nous prenions une petite leçon?
ALIDOR
(à lui-même.)
Du pain noir… et son cœur!
MOUILLEBEC
Tenez, nous allons nous régaler d'un joli petit verbe déponent…
ALIDOR
(passant à droite.)
Non! je ne veux plus lire que la Cuisinière Bourgeoise… et la Nouvelle Héloïse!
MOUILLEBEC
(insistant.)
Rien qu'un petit… sur le pouce?…
ALIDOR
Père Mouillebec, je ne voudrais pas vous contrarier… mais M. Track attend ses bottes…
MOUILLEBEC
C'est juste!… Allons, du courage! et rappelez-vous cette parole de Cicéron : Sapientia…(S'interrompant.)
Est-elle de Cicéron?
ALIDOR
Allez-y!… il vous ficherait une raclée !
MOUILLEBEC
J'y cours!… il en serait capable l'orang-outang!
(Il entre dans le pavillon en emportant les bottes.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...