MARIE
(regardant autour d'elle.)
Mais, mon père… je ne vois pas…
MONTDESIR
Ton prétendu?… nous l'attendons…
LA MARQUISE
Oui… je suis même étonnée… (A part.)
Est-il insupportable avec sa chasse! pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé! (On entend le son du cor.)
Ah! je l'entends!… c'est lui! MARIE.
Enfin!…
(Elle passe à gauche. — Alidor de Boismouchy paraît au fond, venant de la gauche; il porte une vieille veste de velours très fanée, un chapeau de paille défoncé, de gros souliers et des guêtres en cuir, montantes et crottées, il tient un fusil et un fouet. — Un piqueur le suit.)
ALIDOR
(à un de ses chiens qu'il menace du fouet et qui est hors de vue.)
Aïe donc! Cabaret!… je te vas ratisser! (A LA MARQUISE.)
Bonjour, maman… (Au piqueur.)
Lamouillette… mène les chiens au chenil… A deux heures tu me purgeras Ravaude… cette enfant a des vers.
(Le piqueur disparaît par le fond à gauche.)
LA MARQUISE
(à part.)
Mon Dieu! comme il est fait! (Haut.)
Mon fils que je vous présente…
(ALIDOR a déposé sou fusil au fond.)
MARIE
(à part.)
Lui ! je l'avais pris pour un piqueur !
LA MARQUISE
Veuillez l'excuser… costume de chasseur… (A ALIDOR.)
M. de Montdésir, dont je t'ai annoncé l'arrivée hier… (Bas.)
Dis donc quelque chose !
ALIDOR
(à MONTDESIR.)
C'est à M. de Montdésir que j'ai l'honneur de parler?
MONTDESIR
Moi-même… je…
ALIDOR
Tant mieux!… tant mieux! tant mieux!… (Il lui tourne le dos et remonte.)
Ah! dis donc,
Lamouillette…
(LA MARQUISE le retient et lui ôte son fouet qu'elle jette.)
MONTDESIR
(à part.)
Eh bien!… c'est tout?… quel drôle de gendre!
ALIDOR
(à LA MARQUISE.)
Je voulais lui dire de tremper la soupe aux chiens…
LA MARQUISE
(présentant MARIE.)
Mademoiselle Marie, qui a bien voulu accompagner son père…
(MONTDESIR fait passer MARIE près d'ALIDOR.)
ALIDOR
La petite! (A MARIE.)
Mademoiselle… voilà donc que vous êtes venue faire un tour par chez nous !
MARIE
(interdite.)
Mais… oui, monsieur.
ALIDOR
Tant mieux!… tant mieux!…, tant mieux!…
(Il tire de sa gibecière un gros morceau de pain et une tranche de lard et mange.)
MONTDESIR
(le regardant.)
Qu'est-ce qu'il fait?
MARIE
(bas, à son père.)
Papa, il mange !
MONTDESIR
(bas.)
Je le vois bien ! (A part.)
Après ça, on m'a prévenu… la première fourchette du Morbihan !
LA MARQUISE
(bas, à son fils.)
Laisse donc cela ! nous allons déjeuner !
ALIDOR
Ah ben ! non !
MARIE
(à part, regardant sou pain.)
Ah ! c'est du lard !
MONTDESIR
Vous me paraissez doué d'un bel appétit.
ALIDOR
Des fois!… j'ai l'estomac qui me grenouille !
MARIE
(étonnée.)
Grenouille?…
MONTDESIR
(bas, à sa fille.)
C'est du bas breton !
LA MARQUISE
(bas, à son fils.)
Au moins sois aimable avec ta prétendue… tu ne la regardes seulement pas…
(Elle lui ôte son pain, qu'elle pose sur la table.)
ALIDOR
Vous allez voir! (A MARIE.)
Mademoiselle est sans doute chasseur?
MARIE
Moi?… non, monsieur!
ALIDOR
Ah ben, moi, je le suis ! Ce matin, je me dis : "Puisque le papa Montdésir est arrivé… le mien… mon désir !… serait de lui faire manger un lièvre avec des petits oignons!"
MONTDESIR
C'est d'un bon sentiment !
ALIDOR
Je prends quatre chiens… Cabaret, Ramonot, Fanfare et Ravaude… celle qui est incommodée… elle a…
MONTDESIR
(vivement.)
Oui… je sais…
ALIDOR
Nous entrons sous bois… (Appelant ses chiens.)
Holà… mes bélots!… fouille! fouille!… fouille!…
(approche! approche!… froutt!)
MONTDESIR
Hein?
ALIDOR
Un grand coquin de lièvre rouge me part à soixante pas… Cabaret prend dessus… les autres rallient… (Aboyant.)
âhoup ! âhoup ! âhoup !…
MARIE
(à part.)
Il aboie !
ALIDOR
Je me dis : "Toi, j'en mangerai!" (Aboyant.)
âhoup ! âhoup ! âhoup ! âhoup !
MONTDESIR
C'est charmant!
MARIE
(à part.)
Joli talent de société !
ALIDOR
Je connais une passée à la Croix-de-la-Brosse… j'y cours! et je me dis: "Toi, j'en mangerai!…" mais pas du tout ! v'là mon galopin qui débuche au carrefour des Trois-Poteaux…
MONTDESIR
C'est fâcheux !
ALIDOR
J'y cours! et je me dis : "Toi…"
MONTDESIR
"J'en mangerai!"
ALIDOR
Mais pas du tout ! v'là qui se rembuche à la Croix-de-la-Brosse… j'y cours! mais pas du tout! V'là qui redébuche aux Trois-Poteaux!…
MONTDESIR
(à part.)
En voilà des bûches !
ALIDOR
J'y cours! chut !…
MONTDESIR
Quoi?
ALIDOR
J'entends plus rien!… pas seulement un soupir d'alouette !… perdu!…
MONTDESIR
Eh bien, après?…
ALIDOR
La chasse étant finie… je suis rentré bredouille… et me v'là!
MONTDESIR
Eh bien, elle est très gentille, votre anecdote. (ALIDOR prend une gourde pendue à son côté et boit. — Bas, à sa fille.)
Eh bien,. qu'est-ce que tu dis de ça ?
MARIE
(bas.)
Je dis que je n'épouserai jamais un monsieur qui imite aussi bien le chien !
MONTDESIR
Mais, ma fille…
MARIE
Jamais !
LA MARQUISE
(passant près de MARIE)
Vous permettez que mon fils se retire… Sa toilette est dans un désordre…
MONTDESIR
(passant près de LA MARQUISE.)
Pardon… auparavant je désirerais causer cinq minutes avec lui !
ALIDOR
Je vous rejoins, m'man!… préparez-moi mon beau gilet a ramages !…
LA MARQUISE
(à part.)
Que vont-ils se dire ?
MARIE
(à part.)
Papa va le remercier !
(LA MARQUISE entre à droite avec MARIE. — MONTDESIR les accompagne jusqu'à la porte.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...