LA GAZETTE DE CYRANO
Quinze ans après, en 1655. Le parc du couvent que les Dames de la Croix occupaient à Paris. Superbes ombrages. À gauche, la maison ; vaste perron sur lequel ouvrent plusieurs portes. Un arbre énorme au milieu de la scène, isolé au milieu d'une petite place ovale. À droite, premier plan, parmi de grands buis, un banc de pierre demi-circulaire. Tout le fond du théâtre est traversé par une allée de marronniers qui aboutit à droite, quatrième plan, à la porte d'une chapelle entrevue parmi les branches. À travers le double rideau d'arbres de cette allée, on aperçoit des fuites de pelouses, d'autres allées, des bosquets, les profondeurs du parc, le ciel. La chapelle ouvre une porte latérale sur une colonnade enguirlandée de vigne rougie, qui vient se perdre à droite, au premier plan, derrière les buis. C'est l'automne. Toute la frondaison est rousse au-dessus des pelouses fraîches. Taches sombres des buis et des ifs restés verts. Une plaque de feuilles jaunes sous chaque arbre. Les feuilles jonchent toute la scène, craquent sous les pas dans les allées, couvrent à demi le perron et les bancs. Entre le banc de droite et l'arbre, un grand métier à broder devant lequel une petite chaise a été apportée. Paniers pleins d'écheveaux et de pelotons. Tapisserie commencée. Au lever du rideau, des sœurs vont et viennent dans le parc ; quelques-unes sont assises sur le banc autour d'une religieuse plus âgée. Des feuilles tombent.
Mère Marguerite, sæur Marthe, sæur Claire, les Sœurs.
SŒUR MARTHE (à Mère Marguerite)
Sour Claire a regardé deux fois comment allait
Sa cornette, devant la glace.
MÈRE MARGUERITE (à sour Claire)
C'est très laid.
SŒUR CLAIRE
Mais soeur Marthe a repris un pruneau de la tarte,
Ce matin : je l'ai vu.
MÈRE MARGUERITE (à seur Marthe)
C'est très vilain, sæur Marthe.
SŒUR CLAIRE
Un tout petit regard !
SŒUR MARTHE
Un tout petit pruneau !
MÈRE MARGUERITE (sévèrement)
Je le dirai, ce soir, à monsieur Cyrano.
SŒUR CLAIRE (épouvantée)
Non ! il va se moquer !
SŒUR MARTHE
Il dira que les nonnes
Sont très coquettes !
SŒUR CLAIRE
Très gourmandes !
MÈRE MARGUERITE (souriant)
Et très bonnes.
SŒUR CLAIRE
N'est-ce pas, Mère Marguerite de Jésus,
Qu'il vient, le samedi, depuis dix ans !
MÈRE MARGUERITE
Et plus !
Depuis que sa cousine à nos béguins de toile
Mêla le deuil mondain de sa coiffe de voile,
Qui chez nous vint s'abattre, il y a quatorze ans,
Comme un grand oiseau noir parmi les oiseaux blancs !
SŒUR MARTHE
Lui seul, depuis qu'elle a pris chambre dans ce cloître,
Sait distraire un chagrin qui ne veut pas décroître.
TOUTES LES SŒURS
Il est si drôle ! -
C'est amusant quand il vient !
- Il nous taquine ! - Il est gentil ! - Nous l'aimons bien !
- Nous fabriquons pour lui des pâtes d'angélique !
SŒUR MARTHE
Mais enfin, ce n'est pas un très bon catholique !
SŒUR CLAIRE
Nous le convertirons.
LES SŒURS
Oui ! oui !
MÈRE MARGUERITE
Je vous défends
De l'entreprendre encor sur ce point, mes enfants.
Ne le tourmentez pas : il viendrait moins peut-être !
SŒUR MARTHE
Mais… Dieu !…
MÈRE MARGUERITE
Rassurez-vous : Dieu doit bien le connaître.
SŒUR MARTHE
Mais chaque samedi, quand il vient d'un air fier,
Il me dit en entrant : « Ma scur, j'ai fait gras, hier ! »
MÈRE MARGUERITE
Ah ! il vous dit cela ?… Eh bien ! la fois dernière
Il n'avait pas mangé depuis deux jours.
SŒUR MARTHE
Ma Mère !
MÈRE MARGUERITE
Il est pauvre.
SŒUR MARTHE
Qui vous l'a dit?
MÈRE MARGUERITE
Monsieur Le Bret.
SŒUR MARTHE
On ne le secourt pas ?
MÈRE MARGUERITE
Non, il se fâcherait.
Dans une allée du fond, on voit apparaître Roxane, vêtue de noir, avec la coiffe des veuves et de longs voiles ; de Guiche, magnifique et vieillissant, marche auprès d'elle. Ils vont à pas lents. Mère
Marguerite se lève.
- Allons, il faut rentrer… Madame Madeleine,
Avec un visiteur, dans le parc se promène.
SŒUR MARTHE (bas à sæur Claire)
C'est le duc-maréchal de Grammont ?
SŒUR CLAIRE (regardant)
Oui, je crois.
SŒUR MARTHE
Il n'était plus venu la voir depuis des mois !
LES SŒURS
Il est très pris ! -
La cour! - Les camps !
SŒUR CLAIRE
Les soins du monde !
(Elles sortent. De Guiche et Roxane descendent en silence et s'arrêtent près du métier. Un temps.)
Cyrano de Bergerac est le personnage principal de la pièce "Cyrano de Bergerac" d'Edmond Rostand. C'est un homme complexe, à la fois brillant, brave et profondément romantique, mais aussi marqué...
Roxane, de son vrai nom Madeleine Robin, est l'un des personnages principaux de "Cyrano de Bergerac" d'Edmond Rostand. Elle est la cousine de Cyrano et l'objet de son amour secret....
Christian de Neuvillette est l'un des personnages principaux de "Cyrano de Bergerac" d'Edmond Rostand. C'est un jeune noble d'une grande beauté physique, mais qui manque de l'esprit et de l'éloquence...
Le comte de Guiche est l'un des principaux antagonistes dans "Cyrano de Bergerac" d'Edmond Rostand. Noble puissant et ambitieux, il représente les intrigues et les manœuvres politiques de l'époque. De...
Le Bret est un personnage important dans "Cyrano de Bergerac" d'Edmond Rostand. Il est le meilleur ami et confident de Cyrano, toujours présent pour le soutenir et le conseiller. Loyal...
Ragueneau est un personnage important et attachant dans "Cyrano de Bergerac" d'Edmond Rostand. Il est pâtissier et poète amateur, connu pour sa passion pour la poésie et son amitié avec...
Lise est un personnage secondaire mais significatif dans "Cyrano de Bergerac" d'Edmond Rostand. Elle est la femme de Ragueneau, le poète pâtissier. Son caractère et ses actions apportent un contraste...