Scène XIII
(COCAREL, PUIS CATULLE)
COCAREL
Non ! mais c'est fou !… mais c'est qu'il n'y a aucune raison !… et avec ça, elle ne veut rien entendre, impossible de m'expliquer. Aussi que le diable emporte cette Adélaïde ! Comment me tirer de là, mon Dieu !
CATULLE
C'est stupide ! J'arrive d'une brasserie du quartier d'où l'on m'a mis à la porte. Il paraît qu'on ne laisse pas entrer les collégiens. C'est vexant pour l'uniforme.
COCAREL (à part. )
Oui ! ah, quelle idée !… (Haut.)
Ah ! bien ! tu arrives à propos, je puis avoir confiance en toi, n'est-ce pas ?
CATULLE
Pourquoi ?
COCAREL
Enfin, je puis avoir confiance ?… Oui, eh bien ! tu vas me rendre un service.
CATULLE
Volontiers. Quoi ?
COCAREL
Tu vas faire la cour à ma femme.
CATULLE
Moi ?
COCAREL
Oui !… je t'en prie.
CATULLE
Ah ! elle est bonne, celle-là ! Ce n'est pas sérieux ?…
COCAREL
Rien de plus sérieux !
CATULLE
Allons donc ! tu n'y penses pas. Moi ! faire la cour à Laurence !… d'abord, je ne saurais pas…
COCAREL (incrédule. )
Ah bien !
CATULLE
Qu'est-ce que je lui dirais, enfin ?
COCAREL
Eh bien ! qu'est-ce que tu dis d'habitude dans ces cas-là ? Enfin, qu'est-ce que tu dis aux femmes quand tu veux leur faire la cour ?
CATULLE
Eh bien, je leur dis : "cristi ! vous êtes chouette, vous ! Vous devez être rudement chic en maillot !"
COCAREL
Diable ! c'est un peu raide !
CATULLE
Eh bien ! ça me réussit, à moi.
COCAREL
Oui ? Mais enfin, cela n'est pas le cas. Non, tu lui diras que tu l'aimes,… que tu la trouves charmante… est-ce que je sais, moi ?
CATULLE (avec une moue de dédain. )
Oui, une panade.
COCAREL
Enfin, tu trouveras. Mais tout cela, bien entendu, en tout bien, tout honneur.
CATULLE (désappointé. )
Ah !
COCAREL
Comment ! "ah !…"
CATULLE
Ah !… bien. C'est égal !… C'est une drôle d'idée que tu as là !
COCAREL
Ça, c'est mon affaire ! Allons, je rentre chez moi,… je te laisse, courage !
(Il rentre chez lui.)