ACTE I - Scène VIII
Courtin, Amélie
Anna
Il est fort aimable, ce M. Delaunay !
Courtin
Quel M. Delaunay ?
Anna
Eh bien, le jeune homme qui sort d'ici.
Courtin
Ah oui ! sa cravate est très bien mise… ça doit lui prendre beaucoup de temps… À propos de cravate… je viens d'en acheter deux… (Dépliant un papier.)
Comment trouves-tu ça ?
Anna
Ah ! c'est trop épais.
Courtin
J'ai demandé du solide… Dans le commerce, il nous faut du solide ! (Les remettant dans sa poche.)
Je prierai ta sœur de me les ourler. Ah çà ! où est donc ton mari ?… Je ne l'ai pas encore vu…
Anna
Il ne tardera pas à se lever.
Courtin
Comment, se lever ?
Anna
Oui… Il n'est pas très matinal.
Courtin
À dix heures !
Anna
Et puis, hier, nous avons eu une journée très fatigante… Nous sommes allés voir une exposition de camélias…
Courtin
Qu'est-ce que c'est que cela ?… Des fleurs ?…
Anna
Ah ! il y en avait de magnifiques !… Après, Georges m'a accompagnée chez ma modiste… et, en revenant, nous avons fait trois visites… trois !… et tout cela à pied !
Courtin
Parbleu !… j'arrive bien de la gare d'Ivry.
Anna
Et, le soir, nous sommes allés au Gymnase voir la pièce nouvelle.
Courtin
Des camélias ! des modistes !… Eh bien, et ses affaires… quand les fait-il ?
Anna
Quelles affaires ?
Courtin
Sa place ! son bureau !… ou son comptoir ! car je ne sais pas au juste ce qu'il fait… Dans ses lettres, il ne m'en parle jamais… Quand il t'a demandée en mariage, il a été convenu que M. de Vatinelle prendrait une occupation… Je n'aurais jamais voulu d'un gendre oisif ! Voyons, que fait-il ?
Anna
Ne te fâche pas !… D'abord il touche nos loyers…
Courtin
Ca, c'est bien. Après ?
Anna
Après ?… Il m'aime !
Courtin
Il t'aime !… c'est un devoir… mais ce n'est pas une profession !
Anna
Puisque nous sommes heureux !
Courtin
Heureux ! sans rien faire !… C'est-à-dire que j'ai un gendre qui se croise les bras !
Anna
Mon bon père…
Courtin
Ah ! voilà qui est fort !… Le gendre de la maison Courtin de Caen !… Mais ça ne me va pas !… ça ne peut pas m'aller… nous ne sommes pas convenus de ça !
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