(La salle à manger. MAÎTRE ANDRÉ, CLAVAROCHE, FORTUNIO ET JACQUELINE, À TABLE. On est au dessert.)
CLAVAROCHE
Allons ! monsieur Fortunio, servez donc à boire à madame.
FORTUNIO
De tout mon cœur, monsieur le capitaine, et je bois à votre santé.
CLAVAROCHE
Fi donc ! vous n'êtes pas galant. À la santé de votre voisine.
MAÎTRE ANDRÉ
Eh oui ! à la santé de ma femme. Je suis enchanté, capitaine, que vous trouviez ce vin de votre goût.(Il chante.)
Amis, buvons, buvons sans cesse…
CLAVAROCHE
Cette chanson-là est trop vieille. Chantez donc, monsieur Fortunio.
FORTUNIO
Si madame veut l'ordonner.
MAÎTRE ANDRÉ
Hé, hé ! le garçon sait son monde.
JACQUELINE
Eh bien ! chantez, je vous en prie.
CLAVAROCHE
Un instant. Avant de chanter, mangez un peu de ce biscuit ; cela vous ouvrira la voix, et vous donnera du montant.
MAÎTRE ANDRÉ
Le capitaine a le mot pour rire.
FORTUNIO
Je vous remercie, cela m'étoufferait.
CLAVAROCHE
Bon, bon ! Demandez à madame de vous en donner un morceau. Je suis sûr que de sa blanche main cela vous paraîtra léger.(Regardant sous la table.)
Ô ciel ! que vois-je ? vos pieds sur le carreau ! Souffrez, madame, qu'on apporte un coussin.
FORTUNIO(se levant.)
En voilà un sous cette chaise.
(Il le place sous les pieds de Jacqueline.)
CLAVAROCHE
À la bonne heure ! monsieur Fortunio ; je pensais que vous m'eussiez laissé faire. Un jeune homme qui fait sa cour ne doit pas permettre qu'on le prévienne.
MAÎTRE ANDRÉ
Oh ! oh ! le garçon ira loin ; il n'y a qu'à lui dire un mot.
CLAVAROCHE
Maintenant donc, chantez, s'il vous plaît ; nous écoutons de toutes nos oreilles.
FORTUNIO
Je n'ose devant des connaisseurs. Je ne sais pas de chanson de table.
CLAVAROCHE
Puisque madame l'a ordonné, vous ne pouvez vous en dispenser.
FORTUNIO
Je ferai donc comme je pourrai.
CLAVAROCHE
N'avez-vous pas encore, monsieur Fortunio, adressé de vers à madame ? Voyez, l'occasion se présente.
MAÎTRE ANDRÉ
Silence, silence ! Laissez-le chanter.
CLAVAROCHE
Une chanson d'amour surtout, n'est-il pas vrai, monsieur Fortunio ? Pas autre chose, je vous en conjure. Madame, priez-le, s'il vous plaît, qu'il nous chante une chanson d'amour. On ne saurait vivre sans cela.
JACQUELINE
Je vous en prie, Fortunio.
FORTUNIO(chante.)
Si vous croyez que je vais dire Qui j'ose aimer, Je ne saurais pour un empire Vous la nommer. Nous allons chanter à la ronde, Si vous voulez, Que je l'adore, et qu'elle est blonde Comme les blés. Je fais ce que sa fantaisie Veut m'ordonner, Et je puis, s'il lui faut ma vie, La lui donner. Du mal qu'une amour ignorée Nous fait souffrir, J'en porte l'âme déchirée Jusqu'à mourir. Mais j'aime trop pour que je die Qui j'ose aimer, Et je veux mourir pour ma mie, Sans la nommer.
MAÎTRE ANDRÉ
En vérité, le petit gaillard est amoureux comme il le dit ; il en a les larmes aux yeux. Allons ! garçon, bois pour te remettre. C'est quelque grisette de la ville qui t'aura fait ce méchant cadeau- là.
CLAVAROCHE
Je ne crois pas à monsieur Fortunio l'ambition si roturière ; sa chanson vaut mieux qu'une grisette. Qu'en dit madame, et quel est son avis ?
JACQUELINE
Très bien. Donnez-moi le bras, et allons prendre le café.
CLAVAROCHE
Vite, monsieur Fortunio, offrez votre bras à madame.
JACQUELINE(prend le bras de Fortunio ; bas, en sortant.)
Avez-vous fait ma commission ?
FORTUNIO
Oui, madame ; tout est dans l'étude.
JACQUELINE
Allez m'attendre dans ma chambre ; je vous y rejoins dans un instant.
(Ils sortent.)
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