(Les précédents, FRONTIN et autres domestiques avec des bougies.)
Monsieur Damis (démasqué, à madame Argante, et en riant.)
Vous voyez bien qu'on ne me recevrait pas au couvent.
Madame Argante
Quoi ! c'est vous, monsieur ? (À Éraste.)
Et ce fripon-là, que fait-il ici ?
Monsieur Damis
Ce fripon-là, c'est mon fils, à qui, tout bien examiné, je vous conseille de donner votre fille.
Madame Argante
Votre fils ?
Monsieur Damis
Lui-même. Approchez, Éraste ; tout ce que j'ai entendu vient de m'ouvrir les yeux sur l'imprudence de mes desseins. Conjurez madame de vous être favorable ; il ne tiendra pas à moi qu'Angélique ne soit votre épouse.
Éraste (se jetant aux genoux de son père.)
Que je vous ai d'obligation, mon père ! Nous pardonnerez-vous, madame, tout ce qui vient de se passer ?
Angélique (embrassant les genoux de madame Argante.)
Puis-je espérer d'obtenir grâce ?
Monsieur Damis
Votre fille a tort ; mais elle est vertueuse, et à votre place je croirais devoir oublier tout, et me rendre.
Madame Argante
Allons, monsieur, je suivrai vos conseils, et me conduirai comme il vous plaira.
Monsieur Damis
Sur ce pied-là, le divertissement dont je prétendais vous amuser, servira pour mon fils.
(DIVERTISSEMENT)
Vous qui sans cesse à vos fillettes
Tenez de sévères discours, (bis.)
Mamans, de l'erreur où vous êtes
Le dieu d'amour se rit et se rira toujours. (bis.)
Vos avis sont prudents, vos maximes sont sages ;
Mais malgré tant de soins, malgré tant de rigueur,
Vous ne pouvez d'un jeune cœur
Si bien fermer tous les passages,
Qu'il n'en reste toujours quelqu'un pour le vainqueur.
Vous qui sans cesse, etc.
(VAUDEVILLE)
Mère qui tient un jeune objet
Dans une ignorance profonde,
Loin du monde,
Souvent se trompe en son projet.
Elle croit que l'amour s'envole
Dès qu'il aperçoit un argus.
Quel abus !
Il faut l'envoyer à l'école.
La beauté qui charme Damon
Se rit des tourments qu'il endure,
Il murmure ;
Moi, je trouve qu'elle a raison.
C'est un conteur de fariboles,
Qui n'ouvre point son coffre-fort.
Le butor !
Il faut l'envoyer à l'école.
"Si mes soins pouvaient t'engager,
Me dit un jour le beau Sylvandre,
D'un air tendre…
— Que ferais-tu ?" dis-je au berger.
Il demeura comme une idole,
Et ne répondit pas un mot.
Le grand sot !
Il faut l'envoyer à l'école.
Claudine un jour dit à Lucas :
"J'irai ce soir à la prairie ;
Je vous prie
De ne point y suivre mes pas."
Il le promit, et tint parole.
Ah ! qu'il entend peu ce que c'est !
Le benêt !
Il faut l'envoyer à l'école.
L'autre jour à Nicole il prit
Une vapeur auprès de Blaise ;
Sur sa chaise
La pauvre enfant s'évanouit.
Blaise, pour secourir Nicole,
Fut chercher du monde aussitôt,
Le nigaud !
Il faut l'envoyer à l'école.
L'amant de la jeune Philis
Étant près de s'éloigner d'elle,
Chez la belle
Il envoie un de ses amis.
"Vas-y, dit-il, et la console."
Il se fie à son confident.
L'imprudent !
Il faut l'envoyer à l'école.
Aminte, aux yeux de son barbon,
À son grand neveu cherche noise ;
La matoise
Veut le chasser de la maison.
L'époux la flatte et la cajole,
Pour faire rester son parent :
L'ignorant !
Il faut l'envoyer à l'école.
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