GARGARET(offrant le bouquet à Blanche.)
Puisqu'elle n'en veut pas… On dirait qu'elle me fuit.
BLANCHE
Un peu d'émotion… Vous comprenez, une jeune fille.
GARGARET
Nous avons tous passé par là !… moi, la première fois que j'ai serré la main d'une femme, mon cœur battait… il me semblait que je frappais à la porte d'un dentiste… (Changeant de ton.)
Mais comprenez-vous mon premier témoin qui n'arrive pas ?
BLANCHE
D'où vient-il ?
GARGARET
Il vient des Ardennes. (On entend tousser violemment, au-dehors.)
BLANCHE
Ah ! j'entends le marquis.
GARGARET
Je reconnais sa quinte. (Le marquis entre par le fond, il est en grand costume.)
LE MARQUIS(toussant toujours.)
Gargaret, bonjour ! Bon jour, Gargaret !
GARGARET
Ah ! vous avez là un mauvais rhume.
BLANCHE
Vous devriez voir votre médecin, mon ami.
LE MARQUIS
Mon médecin est un âne… il me soigne pour un asthme… (Avec colère.)
Un asthme !… C'est un cure-dent que j'ai avalé il y a quatre ans… il m'est resté dans le pharynx… Quand le temps change, il remue, et ça me fait tousser.
GARGARET(admirant les décorations du marquis.)
Ah ! mon compliment… Toute cette petite quincaillerie vous va très bien.
LE MARQUIS
Ces distinctions m'ont été offertes par l'État de Mosquitos, mon pays natal… (Il tousse.)
BLANCHE
Non ! ne parlez pas !
LE MARQUIS
Si ! je veux parler… En échange des services exceptionnels que je lui ai rendus.
GARGARET
Ah ! quels services ?
LE MARQUIS
J'ai découvert sous le 87e degré de longitude ouest… une montagne de guano… Immédiatement je fus nommé commodore et créé marquis y Fuentès de Papaguanos.
GARGARET
Pour ça ?
LE MARQUIS
Comment, pour ça ! Malheureux, sais-tu ce que c'est que le guano ?
GARGARET
Parbleu !
LE MARQUIS
Eh bien, dis-le !
GARGARET
Le guano, c'est… (Il s'arrête.)
BLANCHE
J'espère bien qu'il n'osera pas le dire.
GARGARET
Pourquoi ça ?… Le guano, ce sont des inconvenances d'oiseaux… qu'on réduit en poudre pour l'agriculture.
LE MARQUIS
J'aime cette définition… Mais il ne suffit pas de découvrir une montagne de guano, il faut savoir l'exploiter. (Il tousse.)
BLANCHE
Mon ami, ne parlez pas.
LE MARQUIS
Si, je veux parler !… c'est mon cure-dent. Je présentai à mon gouvernement un projet, un plan et un prospectus… Immédiatement je fus nommé ambassadeur.
GARGARET
Bigre ! on avance vite dans le guano.
LE MARQUIS
J'obtins en outre le privilège d'accorder certaines distinctions aux nobles cœurs qui font prospérer l'entreprise…
GARGARET
Des décorations !… Vous en avez beaucoup dans votre pays ?
LE MARQUIS
Nous en avons quarante-deux… sans compter celle de la Grande Pivoine jaune, que j'ai seul le droit d'infliger.
GARGARET
Ah ! vous avez le droit… ? Ce cher oncle !
LE MARQUIS
Elle coûte cinquante francs.
GARGARET
Ça suffit. (À part.)
J'y renonce !…
JULIETTE
paraissant au fond. On apporte une dépêche pour M. Gargaret.
GARGARET
De mon premier témoin sans doute… J'y cours. (À part.)
Cinquante francs pour une pivoine… merci ! (Il sort par le fond.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
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