Barberine
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ACTE III - Scène I

Alfred de Musset

ACTE III - Scène I


(ROSEMBERG , KALÉKAIRI .)

ROSEMBERG
Tu disais donc, ma belle enfant, que tu te nommes Kalékairi ?

KALÉKAIRI
Mon père l'a voulu.

ROSEMBERG
Fort bien ; — et ta maîtresse n'est pas visible ?

KALÉKAIRI
Elle s'habille, elle s'habille longtemps. Elle a dit de la prévenir.

ROSEMBERG
Ne te hâte pas, Kalékairi. Si je ne me trompe, ce nom-là est pour le moins turc ou arabe.

KALÉKAIRI
Kalékairi est née à Trébizonde, mais elle n'est pas venue au monde pour la pauvre place qu'elle occupe.

ROSEMBERG
Es-tu mécontente de ton sort ? — As-tu à te plaindre de ta maîtresse ?

KALÉKAIRI
Personne ne s'en plaint.

ROSEMBERG
Parle-moi franchement.

KALÉKAIRI
Qu'appelez-vous franchement ?

ROSEMBERG
Dire ce que l'on pense.

KALÉKAIRI
Lorsque Kalékairi ne pense à rien, elle ne dit rien.

ROSEMBERG
C'est à merveille.(À part.)
Voilà une petite sauvage qui n'a pas l'air trop rébarbatif.(Haut.)
Ainsi donc, tu aimes ta maîtresse ?

KALÉKAIRI
Tout le monde l'aime.

ROSEMBERG
On la dit très belle.

KALÉKAIRI
On a raison.

ROSEMBERG
Elle est coquette, j'imagine, puisqu'elle fait de si longues toilettes ?

KALÉKAIRI
Non, elle est bonne.

ROSEMBERG
Pourquoi donc alors te plaignais-tu d'être dans ce château ?

KALÉKAIRI
Parce que la fille de ma mère devait avoir beaucoup de suivantes, au lieu d'en être une elle-même.

ROSEMBERG
J'entends, — quelques revers de fortune.

KALÉKAIRI
Les pirates m'ont enlevée.

ROSEMBERG
Les pirates ! conte-moi cela !

KALÉKAIRI
Ce n'est pas un conte, cela fait pleurer. Kalékairi n'en parle jamais.

ROSEMBERG
En vérité !

KALÉKAIRI
Non, pas même avec ma perruche, pas même avec mon chien Mamouth, pas même avec le rosier qui est dans ma chambre.

ROSEMBERG
Tu es discrète, à ce que je vois.

KALÉKAIRI
Il le faut.

ROSEMBERG
C'est mon sentiment. As-tu fait ici ton apprentissage ?

KALÉKAIRI
Non, je suis allée à Constantinople, à Smyrne et à Janina, chez le pacha.

ROSEMBERG
Ah ! ah ! toute jeune que tu es, tu dois avoir quelque usage du monde.

KALÉKAIRI
J'ai toujours servi près des femmes.

ROSEMBERG
C'est bien suffisant pour apprendre. — Or ça, belle Kalékairi, si ta maîtresse me reçoit bien, je compte passer ici quelque temps. Si j'avais besoin de tes bons offices, — serais-tu d'humeur à m'obliger ?

KALÉKAIRI
Très volontiers.

ROSEMBERG
Bien répondu. Tiens, en ta qualité de Turque, tu dois aimer la couleur des sequins. Prends cette bourse, et va m'annoncer.

KALÉKAIRI
Pourquoi me donnez-vous cela ?

ROSEMBERG
Pour faire connaissance. Va m'annoncer, ma chère enfant.

KALÉKAIRI
Il n'était pas besoin des sequins.


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