FAYENSAL(dans la coulisse.)
Mais c'est moi! je vous dis que c'est moi!… (Entrant.)
J'ai mes entrées, que diable! Isidore, c'est connu ici, Isidore Fayensal!
DUMARSAY
Ah! c'est vous!…
FAYENSAL
Oui, mon cher Dumarsay… Vous ne m'attendiez pas si matin ?
DUMARSAY
C'est vrai… Et Mme Fayensal, donnez-moi donc des nouvelles de sa chère santé.
FAYENSAL(sans écouter.)
Comme vous voyez, ça ne va pas mal… j'ai déjà fait, ce matin, trois conseillers et un procureur.
DUMARSAY
Très bien, très bien!… Oserai-je vous demander si Mme Fayensal…
FAYENSAL(de même.)
J'espère que je suis un plaideur modèle ?… c'est-à-dire que je devrais gagner tous mes procès… à la course… Une fois une affaire entamée, plus de sommeil!… je passe mes nuits avec Barthole, je déjeune avec Cujas, et je soupe avec Papinien!… Enfin, c'est étonnant, je retrouve en moi une énergie… (AIR)
Les Anguilles, Les Jeunes Filles. En vérité, je sens renaître L'ardeur de mes jeunes printemps; Je deviens un petit salpêtre, Soir et matin, je cours les champs. Dans une activité fringante Je passe mes nuits et mes jours.
DUMARSAY
Et votre femme ?…
FAYENSAL(riant.)
Ça l'enchante!… Elle voudrait plaider toujours ! Ma chère femme, ça l'enchante. Elle voudrait plaider toujours ! (Tirant de sa poche un petit calepin.)
Ah çà! voyons où nous en sommes… Vous permettez ?… C'est ma liste de courses pour la journée… Tous les matins, Mme Fayensal me dresse un petit guide-âne, de façon que je n'ai plus qu'à aller me promener.
DUMARSAY
C'est très bien vu.
FAYENSAL(regardant son agenda.)
Le procureur, biffé… les trois conseillers, biffés… Voyons ce qu'il me reste à faire… "Passer chez Edmond…" J'y suis… Edmond, c'est vous… De l'écriture de ma femme encore !
DUMARSAY(à part.)
O imprudente Eulalie!
FAYENSAL
Nous ne vous appelons pas autrement chez nous… C'est plus intime.
DUMARSAY
Ah ! ce cher Fayensal !
FAYENSAL
Oh! ce n'est pas moi… c'est ma femme qui trouve ça… Une faiblesse… une manie… Elle s'engoue comme ça pour certains noms de baptême… Vous n'êtes pas le premier, allez.
DUMARSAY
Comment! Mme Fayensal…
FAYENSAL
Vous, passe encore : Edmond! ça n'écorche pas la bouche… Mais ne s'était-elle pas amourachée un jour d'un certain nom d'officier bavarois… Attendez donc!… voyons… Eh! parbleu! je suis bien bon!…
(Il prend une prise de tabac.)
DUMARSAY
Eh bien! ce nom ?
FAYENSAL
Je l'attends.' (Il éternue.)
Atchoumer!… Voilà!
DUMARSAY
Comment prononcez-vous ça ?
FAYENSAL
Prononcer! Allons donc!… Est-ce qu'on prononce le bavarois ?… On l'éternue. (Eternuant.)
Atchoumer !
DUMARSAY
Dieu vous bénisse!
FAYENSAL
Merci… Eh bien! elle était folle de ce nom-là!
DUMARSAY(à part.)
O Eulalie!
FAYENSAL
Ah çà! mais, je bavarde et j'oublie que mon procès se plaide aujourd'hui. Avezvous remis toutes les pièces à Lambert, mon avocat ?
DUMARSAY
Soyez tranquille, elles sont chez lui.
FAYENSAL
Et que pense-t-il de l'affaire ?
DUMARSAY
Il la croit bonne.
FAYENSAL
Parbleu!… Est-ce ma faute si tous les héritiers ne sont pas là ?… Que le filleul du défunt se présente, et je rends tout.
DUMARSAY
Et vous n'avez aucune nouvelle de cet individu ?
FAYENSAL
Pas la moindre; ça me désole.
DUMARSAY
A quelle heure se plaide votre procès ?
FAYENSAL
A deux heures… Et je compte bien…
DUMARSAY
Soyez tranquille… à deux heures (A part.)
j'irai présenter mes hommages à Mme Fayensal.
FAYENSAL
Moi, je me sauve!… Il me reste encore deux conseillers à parcourir… A tantôt!… Adieu, mon cher Edmond.
DUMARSAY(lui donnant la main.)
Au revoir, mon cher… (FAYENSAL éternue et sort au fond.)
Que le diable t'emporte!… C'est vrai, ce qu'il m'a dit… Je ne peux plus entendre éternuer!
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
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(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...