ARTHUR, puis THOMAS, puis MARINETTE.
ARTHUR(seul.)
L'effronté coquin!… oser me proposer… Après tout, cette démarche est d'un bon augure… Fayensal n'est pas homme à transiger, s'il n'était sûr d'avance…
THOMAS(rentrant par la droite, la longue-vue à l'œil, et cherchant.)
Où diable mettent-ils le garde-manger ?
ARTHUR
Que fais-tu donc là ?
THOMAS(s'avançant timidement.)
Pardon, monsieur; nous n'avons pas encore causé de nos petites conditions… Je suis nourri ?
ARTHUR
Mais oui.
THOMAS
Pardon, monsieur; vous m'avez dit tout à l'heure : Frontin, va déjeuner…
ARTHUR
Eh bien! tu as fini… Pouah! tu sens le vin!
THOMAS
Moi ? je n'ai encore trouvé qu'un macaron.
ARTHUR
Mais tu es gris!
THOMAS(regardant son habit.)
Je suis gris ?… (A part.)
Je me serai frotté quelque part… (Haut.)
Pardon, monsieur…
ARTHUR
Eh! tu me fatigues! tu m'impatientes!… Va te promener!…
THOMAS
Là, là, là!… ne vous fâchez pas!… Je suis nourri, n'est-ce pas ?… Du moment que je suis nourri, ça me suffit… (A part.)
Il ne s'agit que de trouver le garde-manger.
MARINETTE(arrivant par le fond.)
Ah ! je vous rencontre…
ARTHUR
Arrive donc!… je t'attendais avec une impatience… Et Camille, quelles nouvelles ?
MARINETTE
Mauvaises, monsieur le comte… Depuis trois jours, je suis cloîtrée, gardée à vue, impossible de sortir! Ma maîtresse est dans les larmes… on ne veut plus que vous nous épousiez!
ARTHUR
Comment! est-ce que la tante s'opposerait ?…
MARINETTE
Elle et tout le monde.
THOMAS
Ah! il y a du grabuge ?
ARTHUR
Sans doute… mais que faire ?… Allons, Frontin, te voilà dans ton élément!… De l'intrigue, mon garçon, de l'intrigue!
THOMAS
Volontiers, volontiers !
MARINETTE
Un nouveau valet!
(Faisant le tour de THOMAS pour le regarder.)
THOMAS(à part.)
Qu'est-ce qu'elle a donc à valser autour de moi, la petite ? MARINETTE, lui prenant le menton. Vous avez fait venir ça par le coche… M'est avis que le gibier ne paiera pas les frais du voyage.
(Elle se retrouve au milieu.)
THOMAS(à ARTHUR.)
Vous avez fait venir du gibier par le coche ?
MARINETTE(éclatant.)
Ah! ah! ah! la plaisante acquisition!… Au reste, je lui apporte de la besogne… (A THOMAS distrait.)
Voilà la chose : ma maîtresse a un frère, un frère aîné.
ARTHUR
Ecoute donc, Frontin, cela te regarde.
THOMAS
On y est, on y est!
MARINETTE
C'est du consentement de ce frère que dépend le mariage de ton maître avec Mlle de Sérigny.
THOMAS(à part.)
Il dit que ça me regarde, ça regarde le frère.
MARINETTE
Eh bien ! M. de Sérigny, que nous avions vu jusqu'alors favorable à cette union, lui est maintenant tout à fait hostile.
ARTHUR
Mais pourquoi ?
MARINETTE
Impossible de le faire expliquer; il est venu nous déclarer, il y a trois jours, que vous étiez le dernier homme auquel il voulût marier sa sœur.
ARTHUR
Mais c'est impossible!… il ne me connaît pas; nous ne nous sommes jamais rencontrés… Comprends-tu cela, Frontin ?
THOMAS
C'est un véritable écheveau… Et puis, la petite parle trop vite.
MARINETTE
Comment! vous ne trouvez pas de motif…
ARTHUR
Mais puisque je ne l'ai jamais vu!
THOMAS(criant.)
Puisqu'il ne l'a jamais vu, qu'on vous dit!… (A part.)
Elle est sourde, la petite!
MARINETTE
Alors je ne sais plus que penser!
THOMAS
Parbleu! c'est bien malin!… moi non plus… (A part.)
Elle est bête, la petite! (Haut.)
Si nous parlions d'autre chose!
ARTHUR(à lui-même.)
Cette prévention subite… cette haine sans me connaître… il y a làdessous un mystère…
THOMAS(à MARINETTE.)
Y a du chiendent!… y a du chiendent!
ARTHUR
Mais je l'éclaircirai… Et d'abord, je verrai M. de Sérigny… c'est décidé… Frontin, je vais sortir.
MARINETTE
Soyez prudent!
ARTHUR
Sois tranquille. (A THOMAS, lui montrant son habit.)
Cet habit me déplaît; tu m'en trouveras un autre.
THOMAS
Oui, monsieur… La clé ?…
ARTHUR
Hein ?
THOMAS
De votre garde-robe… pour l'habit…
ARTHUR
Tu n'as pas saisi… Je n'ai pas d'autre habit… on m'a volé… Charge-toi d'y pourvoir.
THOMAS
Bien, bien… le premier tailleur venu… La clé ?…
ARTHUR
Mais quelle clé ?
THOMAS
De votre coffre-fort… parce qu'avec de l'argent…
ARTHUR(gaiement.)
De l'argent ? Est-ce que j'en ai !
THOMAS
Comment ?
MARINETTE(riant.)
Puisqu'il n'en a pas !
THOMAS
J'entends bien, mais… (Se rappelant, à part.)
Ah! bon! le tic! je suis prévenu.
ARTHUR
Au fait, tu m'y fais songer… l'argent est le nerf de la guerre… Tu mettras vingt-cinq louis dans mes poches… De l'or, tu entends ? de l'or…
THOMAS
De l'or!…
ARTHUR
Oui, tu en feras.
THOMAS(à part.)
Faire de l'or ! il me prend pour un apothicaire !
ARTHUR(regardant sa montre.)
Je te donne une heure… Pour toi, c'est une bagatelle.
THOMAS(à part.)
Bagatelle!… lui aussi… bagatelle!
ARTHUR(à MARINETTE.)
Dis à ta maîtresse de ne pas perdre courage; qu'elle se repose sur moi et sur Frontin… (A FRONTIN.)
Je vais à ma toilette… Mon habit dans un quart d'heure… je compte sur toi. Adieu, Marinette. (Il sort a droite.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...