THOMAS; puis ARTHUR
THOMAS
En voilà une aventure!… Moi qui végétais dans la compagnie d'un volatile qui n'est guère estimé… qu'aux navets, je me vois transporté tout à coup dans une mine d'or massif, et dorloté comme un petit chérubin!
FRONTIN(dans la rue.)
Canes ! canes ! canes ! canards !
THOMAS
Hein ?… (Courant à la fenêtre de gauche.)
Eh bien! voilà l'autre qui fait mon commerce… Au vol… Qu'allais-je faire!… mon bienfaiteur!
ARTHUR(entrant, et à lui-même.)
Allons, c'est une course vaine… Impossible de parvenir jusqu'à elle… Il faut que sa tante ait donné des ordres… Si, au moins, j'avais pu voir Marinette…
THOMAS(à part.)
C'est sans doute le bourgeois.
ARTHUR(l'apercevant.)
Quelqu'un dans ma livrée… Quel est ce drôle ? Qui es-tu ?
THOMAS
C'est moi!.,, votre valet de confiance.
ARTHUR
Mon valet de confiance que je ne connais pas.
THOMAS
Oh! ça ne fait rien, voilà le papier.
ARTHUR(prenant le papier.)
Voyons… Un certificat ? (Lisant pour lui-même.) (AIR)
finale de Renaudin. "A tout lecteur noble et féal," Le sieur soussigné, certifie" Qu'en matière de fourberie" Frontin n'eut jamais son égal!" (Parlé.)
Ah! tu te nommes aussi Frontin!
THOMAS
Moi ?… oui!… oui!… (A part.)
Faut pas oublier ça.
ARTHUR(continuant de lire, pendant que THOMAS examine l'appartement.)
"Sous une écorce débonnaire," Sous un masque des plus naïfs," Il sait cacher son savoir-faire," Son esprit des plus inventifs." Gardez-vous donc d'ajouter foi" A sa simplicité factice," Il est tout pétri de malice." Je l'ai chassé, voici pourquoi :" Il buvait mon vin sans mesure," Il était menteur à l'excès," Et, pour courir la créature," Pillait mon or… quand j'en avais." Mais, malgré tous ses mauvais tours," Ses défauts, ses travers, ses vices," En souvenir de ses services," Je le regretterai toujours." En foi de quoi, moi gentilhomme," Sain de corps… et fort peu d'esprit," A mon cher valet qui m'en somme," Ai voulu signer cet écrit." Selon qu'il est bien entendu," Je désire que les présentes" Lui servent de lettres patentes," En attendant qu'il soit pendu!" Le chevalier HUGUES DE MARSANS (A lui-même.)
Ce fou de chevalier… je le reconnais bien là!… (Regardant THOMAS.)
Un voleur… Qu'ai-je à craindre ?… les autres ne m'ont rien laissé… C'est un homme à expédients, je puis en avoir besoin, dans ce moment surtout. (Haut.)
Allons, drôle! je te prends… tu es à mon service.
THOMAS(s'approchant.)
Monsieur est content du certificat ?
ARTHUR
Mais oui, assez.
THOMAS
Oh! voyez-vous, monsieur, pour ce qui est de la probité…
ARTHUR
Suffît; parbleu! je t'aurais pris pour un imbécile.
THOMAS
Ça m'était bien égal, pourvu que vous me preniez… (Jetant son chapeau sous le bras.)
malpeste… (A part.)
Faut pas oublier ça!
ARTHUR
J'aurai bientôt besoin de ton ministère; ainsi, prépare tes batteries.
THOMAS
Mes batteries ?… (A part.)
Il paraît que je ferai la cuisine. (Haut.)
Elles sont toutes prêtes, mes batteries.
ARTHUR
Mais il faut d'abord que je te mette au courant de ma position; car un valet est un ami qui doit tout savoir afin de tout prévoir : tu sauras donc… (S'interrompant.)
Mon Dieu, que tu as l'air bête!
THOMAS
Hein?… (A part.)
Il est malhonnête, mais la maison est bonne. (Haut.)
Allez!
ARTHUR
Tu sauras donc que je suis amoureux fou de Mlle Camille de Sérigny, jeune fille de naissance et de fortune.
THOMAS
Elle a de quoi, je comprends, elle a de quoi.
ARTHUR
Camille est confiée à la garde d'une de ses tantes, chez laquelle je suis admis deux fois par semaine en qualité de prétendu.
THOMAS
Vous n'êtes pas malheureux, vous!… (Même jeu avec son chapeau.)
palsambleu!
ARTHUR
Ces visites courtes et rares ne pouvaient suffire à notre impatience. J'ai voulu les multiplier… (Allant à la croisée de gauche.)
Au moyen de cette longue-vue, mon regard pénètre jusqu'à l'habitation de Camille… Dès que la tante est sortie, une soubrette dévouée me fait un signal, et j'accours.
THOMAS
Comme ça, la vieille n'y voit que du feu. Bravo! j'aime ça, les vieilles qui n'y voient que du feu.
ARTHUR
Tout allait bien jusque-là… mais, depuis trois jours, personne ne paraît au balcon… aucun signal, aucunes nouvelles! (Redescendant.)
A quoi attribuer cette disgrâce ? A mon procès peut-être… Son issue seule suspendait notre mariage. (Il remet la longue-vue à THOMAS qui la tient gauchement.)
THOMAS
Vous avez un procès ?
ARTHUR
Oui; un fripon, ancien intendant de mon père, qui, épuisant tous les retours de la chicane, m'empêche depuis deux ans d'entrer en possession de mon patrimoine.
THOMAS
Eh quoi! M. votre père…
ARTHUR
Voici comme l'affaire se présente… Mais quelqu'un monte… Si c'était Marinette… Laisse-moi seul… Va déjeuner.
THOMAS
Déjeuner!… Oh! je mange si peu; mais, pour vous obéir… quelque chose de léger… un fruit, ça me suffira… C'est pour vous obéir, vous entendez bien, c'est pour vous obéir! (Il sort à droite, emportant la longue-vue.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...