ARTHUR, seul; puis FRONTIN.
ARTHUR(à la croisée de gauche, regardant dans une longue-vue.)
Depuis deux jours aucun signal, et pas de nouvelles. Camille serait-elle malade ?… Rien ne paraît… Oh! il faut que j'aille moi-même… Holà!… quelqu'un!… Labrie, Frontin, Bourguignon!… Frontin! Frontin!
FRONTIN(arrivant par la droite.)
M. le comte a appelé ?
ARTHUR
Enfin, en voilà toujours un!
FRONTIN
Le premier et le dernier.
ARTHUR
Comment ?
FRONTIN
Les autres ont pris leur volée.
ARTHUR
Mais c'est impossible!… Quel motif?…
FRONTIN
Ils prétendent que vous leur devez une année de gages et que vous êtes ruiné. C'est un motif de cinquante écus par tête.
ARTHUR
Eh bien! tant mieux!… je ne les regrette pas… Des ivrognes, des paresseux; j'aurais fini un jour ou l'autre par chasser cette canaille-là. Je n'aurais gardé que toi, Frontin.
FRONTIN
M. le comte est trop bon, mais…
ARTHUR
Oui, ton service me plaît. Je t'aime, Frontin! Tu es dévoué, fidèle…
FRONTIN
Cependant, monsieur…
ARTHUR
Tiens, ta conduite m'attendrit… A compter d'aujourd'hui, je double tes gages.
FRONTIN
Pardon, vous me les avez déjà doublés la semaine dernière.
ARTHUR
Eh bien! je les double encore!… Ah çà! voilà qui est plaisant!… Est-ce que je ne suis pas le maître de couvrir d'or un valet actif, honnête, zélé ?…
FRONTIN(à part.)
Il n'y a que ce moyen!… (Pleurant.)
Hi! hi! Hi!…
ARTHUR
Eh bien! tu pleures ?
FRONTIN
C'est la douleur, monsieur, de quitter un maître qui sait si bien m'apprécier.
ARTHUR
Mais pourquoi t'en vas-tu ?
FRONTIN
Je renonce au monde… Je me fais ermite.
ARTHUR
Toi ?
FRONTIN
Oui, monsieur; c'est l'aspect de votre maison qui m'a inspiré cette pieuse idée. (AIR)
La Robe et les Bottes. De votre cave en contemplant le vide, Et du buffet la triste humilité, J'ai mieux compris, dans cette vie aride, Que tout n'était que vanité! Aussi, du néant qui l'enserre, Mon estomac, sondant la profondeur. S'est détaché des choses de la terre Pour s'élancer vers un monde meilleur.
ARTHUR(à part.)
Le faquin se moque de moi! (Haut.)
Ah! tu veux me quitter ? et tu fais de l'esprit! Je vous apprendrai, marauds, que vous n'avez pas le droit de laisser un gentilhomme dans l'embarras. Et, d'abord, tu restes, je te garde.
FRONTIN
Mais, monsieur…
ARTHUR
Assez! je le veux! Ce n'est pas que je tienne à toi plus qu'à un autre : un coureur de tripots, un ivrogne, un libertin, qui vend mes habits après les avoir portés, déshonorés peut-être!…Le nieras-tu? (Montrant son habit.)
Voilà ce qui me reste de ma garde-robe!… Encore si tu étais bon à quelque chose!…
FRONTIN
Vous m'accorderez pourtant quelques petits talents…
ARTHUR
Oui, un entre autres, qui te mènera tout droit sur les galères de Sa Majesté… celui d'imiter la signature des honnêtes gens!
FRONTIN
Il faut tout imiter des honnêtes gens… La calligraphie est un art!
ARTHUR
Et les faussaires des fripons!
FRONTIN
Mais, alors, pourquoi tenez-vous tant à moi ?
ARTHUR
Ce n'est pas à toi que je tiens!… c'est à la matière qui est dans cette livrée, qui porte mes billets, brosse mes habits et ouvre la porte quand on frappe. Au reste, écoute : si tu fais mine de quitter cette maison, je te coupe les deux oreilles !… et tu sais que je ne menace pas en vain!… (En remontant la scène.)
Cependant il te reste un moyen de conquérir ta liberté; trouve-moi, pour remplir ta place, un autre coquin dans ton genre, et, comme je ne puis que gagner au change, s'il me plaît… beaucoup… peut-être alors serai-je assez bon pour te jeter à la porte. Tu m'as entendu ?
FRONTIN
Parfaitement.
ARTHUR(regardant à la croisée de gauche avec la longue-vue.)
Rien encore!… Oh! je n'y tiens plus!… Allons, Frontin, mon ami, le front haut et la pose opulente… cela donne bon air à la maison !
(Il sort par le fond.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...