(MONSIEUR ARGANTE, ÉRASTE, MAÎTRE PIERRE, LISETTE)
MONSIEUR ARGANTE
Je vous attendais ici avec impatience, mon cher enfant.
ÉRASTE
Je m'y rends avec un grand plaisir, Monsieur. Crispin vous aura dit sans doute ce que je souhaite que vous m'accordiez ?
MONSIEUR ARGANTE
Oui, je le sais, et j'y consens ; mais pourquoi cette façon ?
ÉRASTE
Monsieur, tout le monde me dit que Mademoiselle Argante est charmante et tout le monde apparemment ne se trompe pas ; ainsi quand je demande à la voir sous cet habit-ci, ce n'est pas pour vérifier si ce que l'on m'a dit est vrai ; mais peut-être, en m'épousant, ne fait-elle que vous obéir ; cela m'inquiète ; et je ne viens sous un autre nom l'assurer de mes respects, que pour tâcher d'entrevoir ce qu'elle pense de notre mariage.
MONSIEUR ARGANTE
Hé bien ! je vais la chercher.
ÉRASTE
Eh ! de grâce, n'y allez point ; je ne pourrais m'empêcher de soupçonner que vous l'auriez avertie. J'ai trouvé là-bàs des ouvriers qui demandent à vous parler ; si vous vouliez bien vous y rendre pour quelque temps.
MONSIEUR ARGANTE
Mais…
ÉRASTE
Je vous en supplie.
MONSIEUR ARGANTE
(, à part.)
Je ne saurais croire que ma fille ose m'offenser jusqu'à certain point. (À Éraste.)
Je me rends.
ÉRASTE
Il me suffira : que vous disiez à un domestique qu'un de mes amis ; qui m'a précédé, souhaiterait avoir l'honneur de lui parler.
MONSIEUR ARGANTE
Holà ! Pierrot, Lisette !
(Maître Pierre et Lisette paraissent tous deux.)
MAÎTRE PIERRE
Qu'est-ce quou nous voulez donc ?
MONSIEUR ARGANTE
Que quelqu'un de vous deux aille dire à ma fille, que voici un des amis d'Éraste, et qu'elle descende.
MAÎTRE PIERRE
Ça ne se peut pas, alle a mal à son estomac et à sa tête.
LISETTE
Oui, Monsieur ; elle repose.
ÉRASTE
Je vous assure que je n'ai qu'un mot à lui dire.
MAÎTRE PIERRE
(, à part.)
Hélas ! comme il est douçoureux.
MONSIEUR ARGANTE
Je viens de la quitter, et je veux qu'elle descende. Allez-y, Lisette. (À maître Pierre.)
Et toi, va-t'en. (À Éraste.)
Je vous laisse pour vous satisfaire.
(Il sort.)
ÉRASTE
Je vous ai une véritable obligation. (Seul.)
Ce commencement me paraît triste. J'ai bien peur que Mademoiselle Argante ne se donne pas de bon cœur.
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