VALBRUN, MARGUERITE.
VALBRUN
C'est vous, Mademoiselle Marguerite! Venez, c'est le ciel qui vous envoie.
MARGUERITE
Comment, le ciel ? c'est ma cousine. Est-ce que M. de Prévannes est parti ?
VALBRUN
Oui, il vient de partir… ah ! qu'il est heureux!… vous ne songez qu'à lui… vous l'aimez… Eh bien ! sachez donc…
MARGUERITE
Oh ! je l'aime… je l'aime ! halte là ! Vous décidez bien vite des choses. Mais qu'avez-vous, bon Dieu ? Vous me feriez peur.
VALBRUN
Sachez qu'on nous trahit tous deux.
MARGUERITE
Qui, tous deux ?
VALBRUN
Vous et moi.
MARGUERITE
Et qui est le traître ?
VALBRUN
C'est mon perfide ami, voire indigne amant!…
MARGUERITE
Oh !… Oh !… voilà des expressions !… C'est encore M. de Prévannes que vous baptisez de cette façon-là ?
VALBRUN
Oui, lui-même.
MARGUERITE
Vous voulez rire.
VALBRUN
Non pas, je n'en ai nulle envie.
MARGUERITE
El quelle est celte raison ?
VALBRUN
Tenez, Mademoiselle, lisez ce billet.
MARGUERITE(lisant.)
"Si je veux vous en croire, madame…"
VALBRUN
Voyez, je vous prie, voyez, mademoiselle, s'il était possible de s'attendre…
MARGUERITE(lisant.)
"Que rien ne retarde plus mon bonheur…"
VALBRUN
Qu'en pensez-vous ? À quelle femme ose-t-on écrire d'un pareil style ? Y a-t-il rien au monde de plus impertinent, de plus insolent ?
MARGUERITE
À dire vrai…
VALBRUN
N'est-il pas visible que, pour écrire ainsi à une femme, il faut s'en supposer le droit ? et encore peut-on l'avoir jamais ? Et la comtesse tolère un pareil langage ! Mademoiselle, il faut nous venger !
MARGUERITE(lisant toujours.)
"Mais est-ce assez de me le dire !…"
VALBRUN
Vous lisez attentivement.
MARGUERITE
Oui, je m'écoute lire… Et vous voulez que nous nous vengions? Comment cela?
VALBRUN
En les abandonnant, en rompant sans mesure avec eux. Ils nous trompent et se jouent de nous. — Si vous ressentez comme moi un tel outrage, oublions deux ingrats… Acceptez ma main.
MARGUERITE(avec distraction.)
Votre main ?
VALBRUN
Oui, j'ose vous l'offrir, et, si vous daignez l'accepter, je veux consacrer ma vie entière à effacer le souvenir odieux d'une trahison qui doit vous révolter.
MARGUERITE(lisant toujours.)
Vous me consacrez votre vie entière ?…
VALBRUN
Oui, je vous le jure, et quand je donne ma parole, moi…
MARGUERITE
Où avez-vous trouvé cette lettre ?
VALBRUN
Dans mon chapeau; c'est-à-dire non ; dans le sien, car il s'est trahi par maladresse.
MARGUERITE
Dans son chapeau !
VALBRUN
Oui, là, sur cette chaise.
MARGUERITE
Monsieur de Valbrun, on s'est moqué de vous.,
VALBRUN
Que voulez-vous dire ? Cette lettre…
MARGUERITE
Celle lettre ne peut être qu'une plaisanterie.
VALBRUN
Une plaisanterie ! Elle serait étrange. Et qui vous le fait supposer ? Est-ce un complot, un piège qu'on me tend ? Parlez, en êtes-vous instruite?
MARGUERITE
Pas le moins du monde ; mais c'est clair comme le jour.
VALBRUN
Comment ! Expliquez-vous, de grâce. Si c'est un piège, et si vous le savez…
MARGUERITE
Non, je ne sais rien, mais j'en suis sûre.(Relisant la lettre.)
"Si je veux vous en croire, madame…" Ah ! ah ! ah !(Elle rit.)
Et vous prenez cela, ah ! ah ! pour argent comptant!… ah! ah! mon Dieu, quelle folie !… et vous croyez que ma cousine… que M. de Prévannes… ah ! ciel !… et vous ne voyez pas que c'est impossible… ah ! ah !…
VALBRUN
En vérité, je ne vois pas…
MARGUERITE(riant toujours.)
Ah! ah ! ah ! ce pauvre baron… qui ne voit pas… qui ne s'aperçoit pas… Ah ! ah ! à cause de cela… Votre sérieux me fera mourir de rire, et vous voulez m'épouser, ah! ah!… je vous demande pardon, mais c'est malgré moi… Ah ! ah ! mais c'est impossible !… Cela n'a pas le sens commun !… ah ! ah !…
VALBRUN
Ma foi, mademoiselle, en vous montrant cette lettre, je ne croyais pas tant vous égayer. Mais qu'il y ait un piège ou non là-dessous…
MARGUERITE
Puisque je vous dis que je n'en sais rien.
VALBRUN
Et je sais, moi, ce que j'ai à faire. Adieu, mademoiselle Marguerite.
MARGUERITE
Où allez-vous ? Venez avec moi, chez ma cousine ; tout s'éclaircira.
VALBRUN
Votre cousine, je ne la reverrai de mes jours… ni vous non plus… ni aucune personne… excepté une… Riez, si vous voulez!… Je souhaite que vous n'appreniez jamais ce qu'une trahison peut nous faire souffrir !… Ah !… je suis navré ! désespéré !… Malheur à lui ! malheur à moi !… Adieu, adieu, mademoiselle !
MARGUERITE
Ecoutez donc.
VALBRUN
Adieu, adieu !
Un caprice, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1837, explore les subtilités des sentiments et les jeux d’amour dans un cadre bourgeois. L’histoire met en scène...
On ne saurait penser à tout, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1849, explore les petites absurdités de la vie conjugale et les quiproquos liés aux...
On ne badine pas avec l’amour, drame en trois actes écrit par Alfred de Musset en 1834, raconte une histoire d'amour tragique où les jeux de séduction et de fierté...
Louison, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1849, met en scène une situation légère et pleine de malice autour des thèmes de l’amour, de la jalousie...
Lorenzaccio, drame romantique écrit par Alfred de Musset en 1834, raconte l’histoire de Lorenzo de Médicis, surnommé Lorenzaccio, un jeune homme partagé entre ses idéaux de liberté et le cynisme...