Pantagruel
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COMMENT PANURGE, CARPALIM, EUSTHÈNES, ÉPISTÉMON, COMPAGNONS DE PANTAGRUEL, DÉCONFIRENT SIX CENTS SOIXANTE CHEVALIERS BIEN SUBTILEMENT
Ainsi qu’il disait cela, ils avisèrent six cents soixante chevaliers montés à l’avantage sur chevaux légers, qui accouraient là voir quelle navire c’était qui était de nouveau abordée au port, et couraient à bride avalée pour les prendre s’ils eussent pu. Lors dit Pantagruel : « Enfants, retirez-vous en la navire. Voyez ci de nos ennemis qui accourent, mais je vous les tuerai ici comme bêtes et fussent-ils dix fois autant ; cependant retirez-vous et en prenez votre passe-temps. » Adonc répondit Panurge : « Non, seigneur, il n’est de raison que ainsi fassiez ; mais au contraire, retirez-vous en la navire et vous et les autres, car moi tout seul les déconfirai ici, mais y ne faudra pas tarder : avancez-vous. » À quoi dirent les autres : « C’est bien dit. Seigneur, retirez-vous et nous aiderons ici à Panurge, et vous connaîtrez que nous savons faire. » Adonc Pantagruel dit : « Or, je le veux bien, mais au cas que fussiez plus faibles, je ne vous faudrai. »
Alors Panurge tira deux grandes cordes de la nef, et les attacha au tour qui était sur le tillac et les mit en terre et en fit un long circuit, l’un plus loin, l’autre dedans cetui-là, et dit à Épistémon : « Entrez dedans la navire et quand je vous sonnerai, tournez le tour sur le tillac diligentement, en ramenant à vous ces deux cordes. » Puis dit à Eusthènes et à Carpalim : « Enfants, attendez ici et vous offrez à ces ennemis franchement et obtempérez à eux, et faites semblant de vous rendre ; mais avisez que n’entrez au cerne de ces cordes : retirez-vous toujours hors. » Et incontinent entra dedans la navire, et prit un faix de paille et une botte de poudre de canon et l’épandit par le cerne des cordes, et, avec une migraine de feu, se tint auprès. Soudain arrivèrent à grande force les chevaliers et les premiers choquèrent jusques auprès de la navire, et parce que le rivage glissait, tombèrent eux et leurs chevaux, jusques au nombre de quarante et quatre. Quoi voyants les autres, approchèrent, pensants qu’on leur eût résisté à l’arrivée. Mais Panurge leur dit : « Messieurs, je crois que vous soyez fait mal, pardonnez-le nous, car ce n’est de nous, mais c’est de la lubricité de l’eau de mer, qui est toujours onctueuse. Nous nous rendons à votre bon plaisir. » Autant en dirent ses deux compagnons, et Épistémon qui était sur le tillac. Cependant Panurge s’éloignait, et, voyant que tous étaient dedans le cerne des cordes et que ses deux compagnons s’en étaient éloignés, faisants place à tous ces chevaliers qui à foule allaient pour voir la nef et qui étaient dedans, soudain cria à Épistémon : « Tire, tire. » Lors Épistémon commença tirer au tour, et les deux cordes s’empêtrèrent entre les chevaux et les ruaient par terre bien aisément avec les chevaucheurs ; mais eux, ce voyant, tirèrent à l’épée et les voulaient défaire, dont Panurge met le feu en la traînée et les fit tous là brûler comme âmes damnées : hommes et chevaux, nul n’en échappa, excepté un qui était monté sur un cheval turc, qui le gagna à fuir ; mais quand Carpalim l’aperçut, il courut après en telle hâtiveté et allégresse qu’il l’attrapa en moins de cent pas, et, sautant sur la croupe de son cheval, l’embrassa par derrière et l’amena à la navire.
Cette défaite parachevée, Pantagruel fut bien joyeux et loua merveilleusement l’industrie de ses compagnons, et les fit rafraîchir et bien repaître sur le rivage joyeusement, et boire d’autant le ventre contre terre, et leur prisonnier avec eux familièrement, sinon que le pauvre diable n’était point assuré que Pantagruel ne le dévorât tout entier, ce qu’il eût fait, tant avait la gorge large, aussi facilement que feriez un grain de dragée, et ne lui eût monté en sa bouche en plus qu’un grain de millet en la gueule d’un âne.
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