Perrichon, Daniel
DANIEL
(à part en descendant)
Il est évident que mes actions baissent… Si je pouvais…
(Il va au canapé.)
PERRICHON
(à part au fond)
Ce brave jeune homme… ça me fait de la peine… Allons, il le faut ! (Haut.)
Mon cher Daniel… mon bon Daniel… j'ai une communication pénible à vous faire.
DANIEL
(à part)
Nous y voilà !
(Ils s'asseyent sur le canapé.)
PERRICHON
Vous m'avez fait l'honneur de me demander la main de ma fille… Je caressais ce projet, mais les circonstances… les événements… votre ami, M. Armand, m'a rendu de tels services…
DANIEL
Je comprends.
PERRICHON
Car on a beau dire, il m'a sauvé la vie, cet homme !
DANIEL
Eh bien, et le petit sapin auquel vous vous êtes cramponné ?
PERRICHON
Certainement… le petit sapin… mais il était bien petit… il pouvait casser… et puis je ne le tenais pas encore.
DANIEL
Ah !
PERRICHON
Non… mais ce n'est pas tout… dans ce moment, cet excellent jeune homme brûle le pavé pour me tirer des cachots… Je lui devrai l'honneur… l'honneur !
DANIEL
Monsieur Perrichon, le sentiment qui vous fait agir est trop noble pour que je cherche à le combattre…
PERRICHON
Vrai ! vous ne m'en voulez pas ?
DANIEL
Je ne me souviens que de votre courage… de votre dévouement pour moi…
PERRICHON
(lui prenant la main.)
Ah ! Daniel ! (À part.)
C'est étonnant comme j'aime ce garçon-là !
DANIEL
(se levant.)
Aussi, avant de partir…
PERRICHON
Hein ?
DANIEL
Avant de vous quitter…
PERRICHON
(se levant.)
Comment ! me quitter ? vous ? Et pourquoi ?
DANIEL
Je ne puis continuer des visites qui seraient compromettantes pour mademoiselle votre fille… et douloureuses pour moi.
PERRICHON
Allons, bien ! Le seul homme que j'aie sauvé !
DANIEL
Oh ! mais votre image ne me quittera pas !… J'ai formé un projet… c'est de fixer sur la toile, comme elle l'est déjà dans mon cœur, l'héroïque scène de la mer de Glace.
PERRICHON
Un tableau ! Il veut me mettre dans un tableau !
DANIEL
Je me suis adressé à un de nos peintres les plus illustres… un de ceux qui travaillent pour la postérité !…
PERRICHON
La postérité ! Ah ! Daniel ! (À part.)
C'est extraordinaire comme j'aime ce garçon-là !
DANIEL
Je tiens surtout à la ressemblance…
PERRICHON
Je crois bien ! moi aussi !
DANIEL
Mais il sera nécessaire que vous nous donniez cinq ou six séances…
PERRICHON
Comment donc, mon ami ! quinze ! vingt ! trente ! ça ne m'ennuiera pas… nous poserons ensemble !
DANIEL
(vivement.)
Ah ! non… pas moi !
PERRICHON
Pourquoi ?
DANIEL
Parce que… voici comment nous avons conçu le tableau… on ne verra sur la toile que le mont Blanc…
PERRICHON
(inquiet.)
Eh bien, et moi ?
DANIEL
Le mont Blanc et vous !
PERRICHON
C'est ça… moi et le mont Blanc… tranquille et majestueux !… Ah çà ! et vous, où serez-vous ?
DANIEL
Dans le trou… tout au fond… on n'apercevra que mes deux mains crispées et suppliantes…
PERRICHON
Quel magnifique tableau !
DANIEL
Nous le mettrons au Musée…
PERRICHON
De Versailles ?
DANIEL
Non, de Paris…
PERRICHON
Ah ! oui… à l'Exposition !…
DANIEL
Et nous inscrirons sur le livret cette notice…
PERRICHON
Non ! pas de banque ! pas de réclame ! Nous mettrons tout simplement l'article de mon journal… "On nous écrit de Chamouny…"
DANIEL
C'est un peu sec.
PERRICHON
Oui… mais nous l'arrangerons ! (Avec effusion.)
Ah ! Daniel, mon ami !… mon enfant !
DANIEL
Adieu, monsieur Perrichon !… nous ne devons plus nous revoir…
PERRICHON
Non ! c'est impossible ! c'est impossible ! Ce mariage… rien n'est encore décidé…
DANIEL
Mais…
PERRICHON
Restez ! je le veux !
DANIEL
(à part)
Allons donc !
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
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