ACTE II - Scène IX


Armand ; puis Madame Perrichon ; puis Henriette

ARMAND
À la bonne heure ! il n'est pas banal, celui-là ! (Apercevant madame Perrichon qui entre de la gauche.)
Ah ! madame Perrichon !

MADAME PERRICHON
Comment ! vous êtes seul, monsieur ? Je croyais que vous deviez accompagner ces messieurs.

ARMAND
Je suis déjà venu ici l'année dernière, et j'ai demandé à M. Perrichon la permission de me mettre à vos ordres.

MADAME PERRICHON
Ah ! monsieur… (À part.)
C'est tout à fait un homme du monde !… (Haut.)
Vous aimez beaucoup la Suisse ?

ARMAND
Il faut bien aller quelque part.

MADAME PERRICHON
Oh ! moi, je ne voudrais pas habiter ce pays-là… il y a trop de précipices et de montagnes… Ma famille est de la Beauce…

ARMAND
Ah ! je comprends.

MADAME PERRICHON
Près d'Étampes…

ARMAND
(à part)
Nous devons avoir un correspondant à Étampes ; ce serait un lien. (Haut.)
Vous ne connaissez pas M. Pingley, à Étampes ?

MADAME PERRICHON
Pingley ?… c'est mon cousin ! Vous le connaissez ?

ARMAND
Beaucoup. (À part.)
Je ne l'ai jamais vu !

MADAME PERRICHON
Quel homme charmant !

ARMAND
Ah ! oui !

MADAME PERRICHON
C'est un bien grand malheur qu'il ait son infirmité !

ARMAND
Certainement… c'est un bien grand malheur !

MADAME PERRICHON
Sourd à quarante-sept ans !

ARMAND
(à part)
Tiens ! il est sourd, notre correspondant ? C'est donc pour ça qu'il ne répond jamais à nos lettres.

MADAME PERRICHON
Est-ce singulier ? c'est un ami de Pingley qui sauve mon mari !… Il y a de bien grands hasards dans le monde.

ARMAND
Souvent aussi on attribue au hasard des péripéties dont il est parfaitement innocent.

MADAME PERRICHON
Ah ! oui… souvent aussi on attribue… (À part.)
Qu'est-ce qu'il veut dire ?

ARMAND
Ainsi, madame, notre rencontre en chemin de fer, puis à Lyon, puis à Genève, à Chamouny, ici même, vous mettez tout cela sur le compte du hasard ?

MADAME PERRICHON
En voyage, on se retrouve…

ARMAND
Certainement… surtout quand on se cherche.

MADAME PERRICHON
Comment ?

ARMAND
Oui, madame, il ne m'est pas permis de jouer plus longtemps la comédie du hasard ; je vous dois la vérité, pour vous, pour mademoiselle votre fille.

MADAME PERRICHON
Ma fille !

ARMAND
Me pardonnerez-vous ? Le jour où je la vis, j'ai été touché, charmé… J'ai appris que vous partiez pour la Suisse… et je suis parti.

MADAME PERRICHON
Mais alors, vous nous suivez ?…

ARMAND
Pas à pas… Que voulez-vous !… j'aime…

MADAME PERRICHON
Monsieur !

ARMAND
Oh ! rassurez-vous ! j'aime avec tout le respect, toute la discrétion qu'on doit à une jeune fille dont on serait heureux de faire sa femme.

MADAME PERRICHON
(perdant la tête, à part.)
Une demande en mariage ! et Perrichon qui n'est pas là ! (Haut.)
Certainement, monsieur… je suis charmée… non, flattée !… parce que vos manières… votre éducation… Pingley… le service que vous nous avez rendu… mais M. Perrichon est sorti… pour la mer de Glace… et aussitôt qu'il rentrera…

HENRIETTE
(entrant vivement.)
Maman !… (S'arrêtant.)
Ah ! tu causais avec M. Armand ?

MADAME PERRICHON
(troublée)
Nous causions, c'est-à-dire oui ! nous parlions de Pingley ! monsieur connaît Pingley. — N'est-ce pas ?

ARMAND
Certainement, je connais Pingley !

HENRIETTE
Oh ! quel bonheur !

MADAME PERRICHON
(à Henriette.)
Ah ! comme tu es coiffée !… et ta robe ! ton col ! (Bas.)
Tiens-toi donc droite !

HENRIETTE
'étonnée. '
Qu'est-ce qu'il y a ?
'Cris et tumulte au-dehors. '
Ah ! mon Dieu !

ARMAND
Ces cris…


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