La Sensitive
-
ACTE III - Scène II

Eugène Labiche

ACTE III - Scène II


(LES MÊMES, LAURE (CHAPEAU DE PAILLE ROND, COSTUME ÉLÉGANT.))

LAURE
Ah !… bonjour, messieurs.

CLAMPINAIS CHALANDARD ET BALISSAN(saluant.)
Madame…

LAURE
Bonjour, papa.

ROTHANGER(l'embrassant avec effusion. )
Ma fille !

MADAME ROTHANGER(de même.)
Ma fille !

LAURE
Qu'avez-vous donc ?

MADAME ROTHANGER
Rien… le plaisir de te voir…

CLAMPINAIS(à part.)
Pauvre betite !… elle n'havre pas rencontré les atouts dans son jeu !

LAURE
Tiens, maman, voici le second volume… c'est bien intéressant… Rocambole vient de se marier… les nouveaux époux se retirent dans leur chambre, et…

MADAME ROTHANGER
Et ?… et quoi ?

LAURE
La suite au troisième volume. Tu me le donneras ce soir…

MADAME ROTHANGER(à part.)
Réduite à lire des romans !… La voilà mariée à un cabinet de lecture !

CHALANDARD(à part.)
Je ne l'avais pas regardée, la cousine… elle est ahurissante de beauté !

CLAMPINAIS(à part.)
Son betit œil il m'allume malgré moâ-même !

BALISSAN(à part.)
Mon Dieu ! que je l'aime !

LAURE
Et votre rhume, monsieur Balissan ?

BALISSAN
Merci, mademoiselle… ça va mieux… j'ai eu cette nuit une crise salutaire.

CLAMPINAIS(à part.)
Je le gonnais, son grise !

LAURE
Maman, viens du côté de la volière… je donnerai à manger à mes tourterelles.

MADAME ROTHANGER(vivement.)
Non !… n'allons pas à la volière !

LAURE
Pourquoi ?

MADAME ROTHANGER
À cause de la rosée… (À Rothanger.)
La vue de ses tourterelles… (Haut.)
Allons voir ma corbeille de pétunias.

LAURE
Soit !

MADAME ROTHANGER(à Rothanger.)
Les fleurs sont muettes. (Haut.)
Venez-vous, Rothanger ?

ROTHANGER
Je vous suis… (À part.)
Comment me procurer une mèche ?… Si je pouvais, par son domestique… ENSEMBLE Air de Mangeant (valse des Bâtons dans les roues)

CLAMPINAIS CHALANDARD, BALISSAN
Quels yeux charmants ! quelle taille adorable ! Quelle douceur brille dans tous ses traits ! Et le cousin me paraît bien coupable De négliger de semblables attraits.

MADAME ROTHANGER
Ah ! pour son cœur montrons-nous secourable, Et de l'amour cachons-lui les secrets, La tourterelle est éloquente en diable, Les pétunias sont beaucoup plus discrets.

LAURE
Le temps pour nous se montre favorable, L'air du matin est si pur et si frais ! La promenade et son calme adorable Ont pour mon cœur de séduisants attraits.

ROTHANGER
Pour son amour montrons-nous secourable, Et consultons les oracles secrets. Je vais bientôt, de cet époux coupable, Connaître enfin les sinistres projets. (M. et Mme Rothanger et Laure sortent par le fond.)


Autres textes de Eugène Labiche

29 degrés à l'ombre

(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...

Un pied dans le crime

(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....

Un monsieur qui prend la mouche

Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....

Un monsieur qui a brûlé une dame

(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...

Un mari qui lance sa femme

(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...



Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2025