(FRONTIN LISETTE.)
FRONTIN
Tu sois la bienvenue , Lisette ! On t'attend avec impatience dans cette maison.
LISETTE
J'y entre avec une satisfaction dont je tire un bon augure. J'étais chez lui quand ses associés y sont venus mettre garnison.
LE CHEVALIER
Eh bien !
FRONTIN
Eh bien, monsieur, ils m'ont aussi arrêté et fouillé, pour voir si par hasard je ne serois point chargé de quelque papier qui pût tourner au profit des créanciers… (Montrant la baronne.)
Ils se sont saisis, à telle fin que de raison, du billet de madame, que vous m'avez confié tantôt.
LE CHEVALIER
Qu'entends-je ? juste ciel !
FRONTIN
Ils m'en ont pris encore un autre de dix mille francs, que M. Turcaret avoit donné pour l'acte solidaire, et que M. Furet venoit de me remettre entre les mains.
LE CHEVALIER
Eh ! pourquoi, maraud ! n'as-tu pas dit que tu étois à moi ?
FRONTIN
Oh ! vraiment, monsieur, je n'y ai pas manqué. J'ai dit que j'appartenois à un chevalier ; mais, quand ils ont vu les billets, ils n'ont pas voulu me croire.
LE CHEVALIER
Je ne me possède plus ; je suis au désespoir !
LA BARONNE
Et moi, j'ouvre les yeux. Vous m'avez dit que vous aviez chez vous l'argent de mon billet. Je vois par là que mon brillant n'a point été mis en gage ; et je sais ce que je dois penser du beau récit que Frontin m'a fait de votre fureur hier au soir. Ah ! chevalier, je ne vous aurois pas cru capable d'un pareil procédé… (Regardant Lisette.)
J'ai chassé Marine parce qu'elle n'étoit pas dans vos intérêts, et je chasse Lisette parce qu'elle y est… Adieu ; je ne veux de ma vie entendre parler de vous.
(Elle se retire dans l'intérieur de son appartement.)
La pièce "Crispin rival de son maître", écrite par Alain-René Lesage et jouée pour la première fois en 1707, est une comédie en un acte et en prose. Elle met...