DELPHINE, DUMOUFLARD, puis VERTCHOISI
DUMOUFLARD (arrêtant DELPHINE qui se dispose à suivre la société.)
Pardon, Mademoiselle…
DELPHINE
Monsieur?
DUMOUFLARD
Votre oncle m'a autorisé à vous demander un moment d'entretien…
DELPHINE
Si c'est pour me parler de la gaieté française… je vous préviens que je l'apprécie fort peu… ma pensée habite d'autres régions…
DUMOUFLARD (à part.)
Diable!
DELPHINE
Monsieur est membre de la Société du Caveau, sans doute?
DUMOUFLARD
Pardonnez-moi… je n'ai pas assez d'esprit pour cela…
DELPHINE
Dans tous les cas, vous êtes un rude adversaire de la poésie.
DUMOUFLARD
Moi! je l'aime beaucoup dans les livres.
DELPHINE
Dans les Grands-livres peut-être?
DUMOUFLARD
Ah! Mademoiselle, c'est un calembour.
DELPHINE
Un calembour!… ah!…
DUMOUFLARD
Que voulez-vous? on ne se refait pas… j'aime ce qui est simple, vrai, naturel… et dans la conversation je n'admets pas qu'un monsieur prenne une lyre pour me dire : "Comment vous portez-vous?" Aussi permettez-moi de vous parler sans phrases… honnêtement, des espérances que monsieur votre oncle…
DELPHINE
En effet… on m'a parlé de cela… il paraît que nos fortunes se sont rencontrées… et qu'elles brûlent de se conduire à l'autel!
DUMOUFLARD
Ah! Mademoiselle, voilà un vilain sentiment! je ne me suis informé que de votre caractère, de vos goûts afin de les mieux satisfaire… on m'a dit que vous aimiez les fleurs… j'ai fait planter des rosiers tout autour de ma petite maison… j'y ai travaillé moi-même…
DELPHINE
Oh! les rosiers!
DUMOUFLARD
Plaît-il?
DELPHINE
Les rosiers sont des petits bâtons qui tiennent la place des asperges…
DUMOUFLARD
Ah bah! et moi qui ai fait arracher mes asperges pour y planter des rosiers!… qu'à cela ne tienne,
Mademoiselle! nous arracherons les rosiers et nous replanterons des asperges… de poétiques asperges!
DELPHINE
C'est inutile, Monsieur…
DUMOUFLARD
Comment !
DELPHINE
Je ne puis vous épouser… La profession que vous exercez…
DUMOUFLARD
Hein!…
DELPHINE
Est honorable sans doute… mais elle ne saurait faire vibrer en moi que la corde de l'estime…
DUMOUFLARD (à part.)
Aïe ! la corde de l'estime !
DELPHINE
C'est trop peu, vous en conviendrez, pour ce sublime duo des âmes qu'on nomme le mariage…
DUMOUFLARD (à part.)
Elle a aussi sa petite lyre…
(VERTCHOISI paraît au fond.)
DELPHINE
Enfin j'aime un artiste…
DUMOUFLARD
Ah! bah!
VERTCHOISI (au fond.)
Ah! bah!
DELPHINE
Un homme qui symbolise la femme dans cette image suave : "Une goutte de rosée endormie dans le sein d'un pavot."
VERTCHOISI (à part.)
Hein! ma phrase!… elle m'aime!… c'est une affaire superbe !
(Il se cache.)
DUMOUFLARD
Mon Dieu, Mademoiselle, je n'ai rien à répondre à cela… mais si je ne craignais d'abuser… je vous raconterais l'histoire d'une pauvre petite fleur des champs qu'on a eu la maladresse de laisser tomber dans un flacon de musc…
DELPHINE (blessée.)
Monsieur…
DUMOUFLARD
Pardon… je ne vous la raconterai pas… La délicatesse me fait un devoir de me retirer… je trouverai un prétexte pour repartir ce soir. (La saluant.)
Mademoiselle…
DELPHINE (saluant.)
Monsieur…
DUMOUFLARD (sortant.)
Pauvre enfant, c'est dommage!
(Il sort à droite, deuxième plan.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...