SCÈNE VIII


FOURCHEVIF; puis LA BABONNE.

FOURCHEVIF (seul.)
Un bailli muré, c'est horrible! (Montrant la table qui est près du panneau.)
Dire que j'écrivais là tous les jours! (Prenant la table et l'éloignant du mur.)
Jamais je ne pourrai écrire mes quittances si près du bailli.

LA BARONNE (paraissant au fond, suivie de TRONQUOY qui porte du linge.)
Dépêchezvous, dites qu'on étende, je vais avec vous. (TRONQUOY traverse au fond.)

FOURCHEVIF (arrêtant LA BARONNE.)
Non. reste, j'ai à te parler.

LA BARONNE
Quelle figure bouleversée!

FOURCHEVIF
Si tu savais! Il est ici… je l'ai vu…

LA BARONNE
Qui ça?

FOURCHEVIF
Le dernier des Fourchevif, le vrai!

LA BARONNE
Ah! mon Dieu! qu'est-ce que tu me dis là?

FOURCHEVIF
C'est un peintre.

LA BARONNE
Donne-lui un secours.

FOURCHEVIF
Ah bien, oui ! Il est fier comme tous les nobles. (Avec rage.)
Oh ! les nobles !

LA BARONNE
Tais-toi donc, nous le sommes.

FOURCHEVIF (se calmant.)
Ah! c'est juste. Il voulait reprendre son nom.

LA BARONNE
Jamais! D'abord, qui nous prouve que c'est un Fourchevif?

FOURCHEVIF
Oh! il n'y a pas à douter… Il m'a raconté des particularités… Tu ne sais pas?(Indiquant le panneau.)
Il y a un bailli là…

LA BARONNE
Un bailli?

FOURCHEVIF
Depuis 1623, parce qu'il avait éternué!… Mais j'ai arrangé l'affaire… Il nous laisse son nom… à la condition que nous le ferons briller… que nous serons grands seigneurs!…Comme si c'était difficile!… Et il va passer quelques jours avec nous… pour nous essayer…

LA BARONNE
Comment, nous essayer?

FOURCHEVIF
Oui, et, s'il trouve que nous ne sommes pas assez gentilshommes… le pacte est rompu! Il faut l'éblouir!… il faut être splendide! Voyons, qu'est-ce que nous pourrions faire? As-tu un bon dîner?

LA BARONNE
J'ai un lièvre.

FOURCHEVIF
Fais-nous servir le gros melon.

LA BARONNE
Je le gardais pour dimanche…

FOURCHEVIF
Ça ne fait rien!… Tu as là un petit bonnet du matin… c'est bien simple… Il te faudrait une toque… avec des plumes!

LA BARONNE
Attends!… Mon bonnet de soirée! Je l'avais hier pour aller prendre le thé chez le comte de la Brossinière… Il est resté là… (Elle prend un bonnet à fleurs dans un carton et le met.)
Mais toi?… Tu ne vas pas rester avec ton paletot de la Belle Jardinière.

FOURCHEVIF
C'est juste!… Je vais mettre mon habit noir!…
(Il le prend sur son fauteuil et le met.)

LA BARONNE
Et ton pantalon relevé?…

FOURCHEVIF
A cause de la rosée… (Rabaissant son pantalon.)
Tu as raison… Soyons gentilhomme!…


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