LES MEMES, LAMBERT; puis TRONQUOY.
LAMBERT (sort de sa chambre; il a ôté sa blouse et porte un paletot élégant.)
Monsieur le baron…
FOURCHEVIF (à sa femme.)
C'est lui! (A part.)
Tiens! il s'est habillé aussi. (Haut, présentant LAMBERT à sa femme.)
Baronne… permettez-moi de vous présenter M. Etienne Lambert… un peintre très distingué… dont nous avons vu si souvent le nom dans le livret du muséum.
LAMBERT
Ah! baron! (Saluant.)
Madame…
FOURCHEVIF
Il a bien voulu faire à notre rocher l'honneur de le dessiner… et à nous le plaisir de passer quelques jours au château… (A part.)
Je soigne mon style!
LA BARONNE
Soyez le bienvenu, monsieur… Notre maison a toujours été ouverte aux artistes.
FOURCHEVIF
C'est vrai ! (Feignant l'enthousiasme.)
Oh! les artistes!
LA BARONNE
Et il me serait particulièrement agréable que vous considérassiez cette demeure comme la vôtre.
FOURCHEVIF (à part.)
"Considérassiez!" Elle soigne aussi son style.
LAMBERT
Vous me voyez confus d'un tel accueil, madame la baronne… Je le dois moins à mon mérite qu'à vos grandes habitudes d'hospitalité!…
LA BARONNE (saluant.)
Monsieur…
LAMBERT (saluant.)
Madame… (A part.)
Elle a un bon bonnet!
FOURCHEVIF (à part.)
Jusqu'à présent, ça marche très bien!
LAMBERT
Dites donc, baron?
FOURCHEVIF
Mon ami?
LAMBERT
Qu'est-ce que c'est donc que ces linges qui se balancent désagréablement sur des cordes dans la cour d'honneur?
LA BARONNE (à part.)
Ma lessive!
FOURCHEVIF
Voilà qui est fort! Des linges dans la cour d'honneur! (A sa femme.)
Savezvous, baronne, ce que ça peut être?
LA BARONNE
Je l'ignore… je ne m'occupe pas de ces détails…
FOURCHEVIF
J'allais y faire mettre des orangers… je les attends.
TRONQUOY (entre, tenant à la main de grosses épingles en bois.)
Madame la baronne, il ne reste plus que ça d'épingles, je viens en chercher…
LA BARONNE (bas à TRONQUOY.)
Tais-toi!
FOURCHEVIF (après lui avoir donné un coup de poing à la dérobée.)
Comment, faquin! c'est toi qui te permets d'étendre dans la cour d'honneur?…
TRONQUOY
Mais c'est Madame qui m'a dit…
LA BARONNE
Moi?
FOURCHEVIF (bas.)
Veux-tu te taire!
TRONQUOY (de même.)
Mais oui… ce matin…
FOURCHEVIF (de même.)
Pas un mot… ou je te chasse!…
LA BARONNE
Impertinent!
LAMBERT (à part.)
Je crois que j'ai dérangé la lessive.
FOURCHEVIF (à LAMBERT.)
On n'a jamais vu une brute pareille!
LAMBERT
C'est votre valet de chambre?
FOURCHEVIF
Oui… c'est un de mes valets de chambre.
LAMBERT
Il est bien mal tenu.
FOURCHEVIF
Tiens! il n'a pas sa livrée! c'est inouï! (Avec colère.)
Tronquoy!
TRONQUOY
Monsieur?
FOURCHEVIF
Comment oses-tu te présenter ici avec cette loque sur le dos?
LA BARONNE
C'est d'une inconvenance!…
TRONQUOY
Mais vous m'avez grondé ce matin parce que…
FOURCHEVIF
Tu ne dois jamais quitter ta livrée! Jamais!
LA BARONNE
Jamais!
TRONQUOY (étonné.)
— Ah bah! (Enchanté.)
Ça me va… je vais la remettre… Ah! j'oubliais… Le jardinier va partir… Quel prix voulez-vous vendre vos pêches?
FOURCHEVIF (toussant pour le faire taire.)
Hum! hum!
LA BARONNE (à part.)
L'imbécile !
LAMBERT
Comment! vous vendez vos pêches?
FOURCHEVIF
Moi?
LA BARONNE
Par exemple!
TRONQUOY
Celles qui ne sont pas attaquées !
FOURCHEVIF (bas à TRONQUOY.)
Veux-tu te taire! (Haut.)
Vendre mes pêches! me faire fruitier!
LA BARONNE
Voilà qui serait bouffon!
FOURCHEVIF
Cet idiot comprend tout de travers !… Je fais emballer des pêches pour un ami… pour le préfet!… Et il va les envoyer au marché, sous mon nom!… Avec des brutes pareilles, il faudrait être partout! Que je t'y reprenne!
LAMBERT
Oui… il vous faudrait un intendant!
FOURCHEVIF
Voilà! Il me faudrait un intendant! Nous en causions encore ce matin avec la baronne. (A LAMBERT.)
Vous ne connaîtriez pas quelqu'un?
LAMBERT
Si, j'ai peut-être votre affaire.
FOURCHEVIF (à part.)
Ah diable! j'ai eu tort de lui demander ça. (Haut.)
Nous en reparlerons… Baronne, veuillez donner des ordres pour qu'on débarrasse la cour d'honneur.
LA BARONNE
Soyez tranquille… (Saluant LAMBERT.)
Monsieur…
(Elle sort par le fond.)
FOURCHEVIF (à TRONQUOY.)
Va mettre ta livrée, maroufle! (A part.)
"Maroufle" est grand seigneur! (TRONQUOY sort.)
Quant à moi… je vais parler à ce jardinier qui vend mes pêches! (A part.)
Je vais lui dire de ratisser le parc! (Haut.)
Vous permettez?… A bientôt! (Il sort par le fond à droite.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...