(La scène se passe à Paris.)
(Un salon chez Beautendon. — Porte principale au fond - Deux portes de chaque côté. — Une petite table et un fauteuil à grand dossier au premier plan de droite. — À gauche, un fauteuil. — Au fond, appliques de buffets, chaises.)
Antoine
(un plumeau à la main, le nez en l'air, étouffant un éternuement.)
A… a… atch !… non., je n'ose pas… M. Beautendon, mon maître, m'a défendu d'éternuer dans son salon… il dit que ça fait gémir les convenances… moi je trouve cet homme-là trop véticuleux dans ce qu'il est… C'est égal ! je l'aime… à cause de sa bonne odeur…
(Air du Premier Prix)
De mes sens il fait le bonheur,
Tant il exhale un fumet qui m'embaume !
D' son état d'ancien parfumeur
Il a gardé le doux arome !
Oui, j'aim' Monsieur et sa maison me plaît,
Je les renifle à m'en rendre malade…
J' crois être ici l' groom d'un œillet,
Et demeurer dans un pot de pommade !
J' crois habiter un pot d' pommade.(Aspirant avec délices.)
Heum !… (Eternuant malgré lui.)
Atchum !
Beautendon
(entrant par la gauche, premier plan.)
Antoine ! dans mon salon !
Antoine
(confus.)
Crédié !
Beautendon
C'est donc un parti pris… un système !
Antoine
Monsieur, il fallait que ça parte !
Beautendon
(avec douceur.)
Mon ami, je sais que la nature… et loin de moi la pensée de déverser le blâme sur cette bonne mère… je sais que la nature a cru devoir nous affliger de certaines calamités dont gémissent les convenances.
Antoine
(niaisement.)
Oui, monsieur. (Le flairant, à part.)
Dieu ! embaume-t-il !
Beautendon
(continuant.)
Mais elle a permis qu'on en sentît les approches… et alors…
Antoine
Quoi qu'on fait, monsieur ?
Beautendon
On prend la clef de sa chambre, on va s'y enfermer… on y paye son tribut, le plus silencieusement possible… après quoi, on rentre dans le sein de la société avec le calme sourire d'une conscience qui a fait son devoir !
Antoine
Bien, monsieur… Une autre fois, je prendrai ma clef.
Beautendon
À la bonne heure.
Antoine
Ah ! monsieur, voilà une lettre pour vous ! c'est six sous.
Beautendon
Quel est l'incivil qui n'affranchit pas ses lettres ? (L'ouvrant.)
Après ça, il s'agit peut-être d'une forte commande… (Lisant.)
"Monsou." Qu'est-ce que c'est que ça ?
Antoine
Mon sou ? c'est un mendiant !
Beautendon
(lisant.)
"Monsou, sorti viou déis dangiers léis plus féroços… siou escapa !…" (S'interrompant.)
"Escapa ! " Escarpin, il a voulu dire ! c'est quelque cordonnier espagnol… Je me la ferai traduire… (Il la met dans sa poche.)
Savez-vous si mon fils est levé ?
Antoine
M. Godefroid ? je ne sais pas, monsieur… mais, tout à l'heure, il ronflait comme un bœuf !
Beautendon
(scandalisé.)
Juste ciel ! mon ami, quelle comparaison !
Antoine
Sans comparaison, monsieur ; après ça, il s'est peut-être levé depuis… Voulez-vous que j'aille voir ?
Beautendon
Antoine, vous me désolez.
Antoine
(redescendant,)
Moi, monsieur ?
Beautendon
Que vous ai-je dit hier au soir ?
Antoine
Vous m'avez dit d'aller acheter la Patrie.
Beautendon
Il ne s'agit pas de ça ! Je me suis efforcé, pour la dixième fois, de vous inculquer les premiers principes d'un service selon les convenances…
Antoine
Ah oui ! (À part, le flairant de près.)
Qu'il sent bon, mon Dieu !
Beautendon
Et, d'abord, un serviteur convenable ne se tient pas ainsi dans la poche de son maître… il observe une distance respectueuse…
Antoine
(reculant d'un pas.)
Oui, monsieur Beautendon.
Beautendon
Il ne dit pas, "Oui, monsieur Beautendon." Il dit, "Oui, monsieur…" tout sec.
Antoine
(riant niaisement.)
L' fait est que vous êtes seccot…
Beautendon
(s'impatientant.)
Sac à papier !… on ne dit pas à son maître : "Vous êtes seccot ! " On lui dit : "Monsieur est seccot ! " on parle à la troisième personne.
Antoine
(niaisement.)
Faites excuse, monsieur… elle n'y est pas.
Beautendon
Qui ?
Antoine
La troisième personne…
Beautendon
Mon Dieu ! quel âne !…
Antoine
(souriant.)
Ah ! monsieur, vous me manquez !… C'est égal ; j'aime Monsieur…
(Il le renifle de loin.)
Beautendon
Bien, mon ami !
Antoine
Au point que je voudrais porter Monsieur à ma boutonnière… comme une rose… (À part.)
Tant il fleure bon !
Beautendon
Très bien ! c'est cela.
Antoine
Monsieur… je vas aller voir si M. le fils à Monsieur est levé.
Beautendon
Parfait ! vous voilà convenable… Mais restez, j'ai besoin de vous… J'attends de Cambrai deux personnes du sexe qui me font l'honneur de descendre chez moi.
Antoine
Des dames ! où que nous allons loger tout ça ?
Beautendon
(montrant la porte de droite, premier plan.)
Ici, dans le petit appartement bleu tendre… le seul dont je puisse disposer… Allez le préparer… et mettez-y tous les soins imaginables…
Antoine
Soyez tranquille.
Beautendon
(le reprenant.)
Que Monsieur soit tranquille ! Ah ! vous ôterez la gravure de Daphnis et Chloé et la placerez dans ma chambre… Ces personnages portent des costumes trop lestes pour des dames…
Antoine
Ils n'en portent pas !
Beautendon
Précisément… une demoiselle ! Vous répandrez dans la chambre un flacon d'essence… moitié iris, moitié violette.
Antoine
(entrant à droite.)
Oui, monsieur.
Beautendon
Moitié iris, moitié violette !
Antoine
(dans la chambre.)
Bien, monsieur.
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Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
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