(MADAME POMADOUR, ADOLPHE.)
ADOLPHE
Je m'ennuie dans son orangerie : il y fait une chaleur ! (Apercevant les bouteilles sur la table.)
Ah ! de la bière.
(Il boit plusieurs verres coup sur coup.)
MADAME POMADOUR(au fond.)
Pauvre homme !… j'éprouve pour lui… ce que je n'avais jamais éprouvé… Il me semble que je l'aime !… mais je ne veux pas qu'on le tue !…
ADOLPHE
Ah ! ça va mieux.
MADAME POMADOUR(l'apercevant.)
Lui !
ADOLPHE(à part.)
Elle ! (Haut.)
Ah ! vraiment, madame, je suis honteux de me présenter devant vous, et je ne sais comment me faire pardonner ma… petite vivacité de tantôt.
MADAME POMADOUR
Ah ! monsieur, c'est bien mal !
ADOLPHE
Ah ! oui, surtout de s'être laissé pincer.
MADAME POMADOUR
Mais non, monsieur, c'est votre conduite qui est impardonnable.
ADOLPHE
Que voulez-vous !… Avec une pareille température…
MADAME POMADOUR
Comment ?
ADOLPHE
Vingt-neuf degrés à l'ombre ! Il faut tenir compte de cela.
MADAME POMADOUR
Je n'ai pas envie de rire, monsieur ; vous allez vous battre avec mon mari ?
ADOLPHE
Dame, puisqu'il me cherche querelle.
MADAME POMADOUR
M. Pomadour est père de famille… il a une femme…
ADOLPHE
Charmante !
MADAME POMADOUR
Et un fils… qui est au collège… il travaille très bien… ses notes sont excellentes.
ADOLPHE
Mon compliment, madame ; c'est une grande satisfaction pour les parents.
MADAME POMADOUR
Plus tard, cet enfant aura besoin de son père pour le guider dans le monde.
ADOLPHE
C'est un devoir.
MADAME POMADOUR
Pauvre enfant ! Le voyez-vous, abandonné à lui-même, seul, sans soutien, sans appui…
ADOLPHE
Oh ! vous vous exagérez…
MADAME POMADOUR
Tandis que vous, vous êtes célibataire, aucun lien ne vous rattache à l'existence.
ADOLPHE
Ah ! permettez…
MADAME POMADOUR
Lesquels ?
ADOLPHE
Mais les femmes, les truffes et la musique.
MADAME POMADOUR
Cela ne compte pas… Donc, vous êtes complètement inutile sur cette terre.
ADOLPHE
Ah ! pardon ! Si vous me connaissiez mieux, j'aurais la prétention de vous faire changer d'avis.
MADAME POMADOUR
Enfin, monsieur, après ce qui s'est passé… je crois avoir le droit d'espérer que vous ne vous défendrez pas.
ADOLPHE
Encore ! Ah ! permettez, madame, on m'a déjà fait cette gracieuse proposition… et j'ai eu le regret de la refuser.
MADAME POMADOUR(avec éclat.)
Comment, monsieur, vous auriez le courage de tuer un homme après lui avoir ravi sa femme ?
ADOLPHE
D'abord, je ne lui ai rien ravi du tout… je le regrette.
MADAME POMADOUR
J'avais cru pouvoir compter sur vous… j'espérais avoir affaire à un galant homme.
ADOLPHE
Voyons, madame, raisonnons un peu… Vous me proposez de me laisser larder à discrétion par M. votre mari… ce n'est pas très aimable, ça !
MADAME POMADOUR
Mais il a une femme, lui !
ADOLPHE
Mais j'en ai plusieurs, moi !
MADAME POMADOUR
Alors vous me refusez ?
ADOLPHE
Douloureusement !… (À part.)
Elle est gentille, mais dame !…
MADAME POMADOUR
Est-ce que vous savez tirer l'épée ?
ADOLPHE
Je ne suis pas maladroit… je fais des armes tous les deux jours… pour maigrir.
MADAME POMADOUR
Ah ! mon Dieu ! et Pomadour qui n'y connaît rien.
ADOLPHE
Mais il y a une chose bien simple… Qu'il renonce à ce duel… Je ne lui en veux pas, moi.
MADAME POMADOUR
Il ne manquerait plus que ça !… Renoncer à ce duel… maintenant… c'est impossible ! il deviendrait la risée de ses amis… et puis, pour moi-même… je l'avoue… ça me flattait.
ADOLPHE
Ah !
MADAME POMADOUR
Parce que je croyais que vous ne vous défendriez pas.
ADOLPHE
Vous êtes bien bonne.
MADAME POMADOUR
Mais, au moins… personne ne peut nous entendre… (Avec mystère.)
Me promettez-vous de ne pas lui faire de mal ?
ADOLPHE
Oh ! ça !… je ferai mon possible… mais je ne puis rien garantir.
MADAME POMADOUR
Comment ?
ADOLPHE
Vous comprenez… s'il se jette sur moi… je tends le bras… il est embroché !
MADAME POMADOUR
Ah ! mon Dieu ! mais je ne veux pas !… Pauvre homme !… (Avec câlinerie.)
Voyons, monsieur Adolphe… si je vous en priais bien… vous qui êtes si aimable avec les dames…
ADOLPHE
Comment le savez-vous ?
MADAME POMADOUR
Votre inconvenance de ce matin le prouve assez.
ADOLPHE(à part.)
Elle est adorable !
MADAME POMADOUR
Vous ne lui ferez pas de mal, n'est-ce pas ?
ADOLPHE
À une condition…
MADAME POMADOUR
Laquelle ?
ADOLPHE
Personne ne peut nous entendre… (Passant à droite.)
Vous me rendez…
MADAME POMADOUR
Quoi ?
ADOLPHE
Mon inconvenance de ce matin.
MADAME POMADOUR
Oh ! jamais !
ADOLPHE
Et je vous promets… dût-il m'en coûter la vie…
MADAME POMADOUR
Vous ne le toucherez pas ?
ADOLPHE
Non, je ne ferai que parer.
MADAME POMADOUR
Mais, si vous parez toujours, il ne vous touchera jamais.
ADOLPHE
Naturellement.
MADAME POMADOUR
Eh bien, alors ?
ADOLPHE
Quoi ?
MADAME POMADOUR
Ce sera un duel ridicule.
ADOLPHE
Infructueux.
MADAME POMADOUR
On se moquera de nous…
ADOLPHE
Dame ! je ne sais plus que vous proposer, moi… Voyons, voulez-vous que je lui fasse seulement une petite piqûre à la main ?
MADAME POMADOUR
Oh ! non !
ADOLPHE
Une simple égratignure… Vous mettrez dessus un peu de taffetas d'Angleterre.
MADAME POMADOUR
Par exemple ! Il portera son bras en écharpe… pour le monde !
ADOLPHE
Seulement, recommandez-lui bien de ne pas se jeter sur moi.
MADAME POMADOUR
C'est convenu… il ne bougera pas.
ADOLPHE(lui prenant la taille.)
Et maintenant, exécutez-vous.
MADAME POMADOUR
Oh ! c'est bien pour lui, allez !… car je vous déteste, je vous déteste, je vous exècre ! (Passant à droite, avec impatience.)
Voyons, dépêchez-vous !
(Adolphe l'embrasse. Pomadour paraît au fond.)
ADOLPHE
Est-elle pressée !
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...
(Le théâtre représente une chambre à coucher. — Au fond, au milieu, un lit avec des rideaux. À côté, une table de nuit. À droite et à gauche du lit,...