(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du rideau, les trois personnages sont au fond et jouent au tonneau.)
POMADOUR(achevant de lancer son dernier palet.)
C'est incroyable… je ne peux pas mettre dans le mille… Toujours dans le dix…
COURTIN(écrivant sur une petite ardoise.)
Je vais faire ton compte… Nous disons : Pomadour dix… trente… dix… dix… ça t'en fait soixante.
POMADOUR
Pas plus ? C'est à Piget à jouer.
PIGET
Ce n'est pas pour me vanter… mais il fait joliment chaud aujourd'hui.
POMADOUR(regardant le thermomètre qui est près de la porte de l'orangerie.)
Vingt-neuf degrés à l'ombre… Après la partie de tonneau, si vous voulez, pour nous reposer, nous arroserons un peu.
PIGET
Ah ! merci… Je ne sais pas ce que j'ai !… Tu nous as donné à déjeuner un petit vin blanc… J'ai envie de dormir.
POMADOUR
Qu'il est mollasse, ce Piget !… Voyons, de l'énergie, sacrebleu !… Songeons que la partie est sérieuse… Nous jouons cinquante centimes, et il s'agit d'une bonne œuvre… Les bénéfices seront versés intégralement à la souscription qui est ouverte dans la commune pour la construction de notre maison d'école.
COURTIN
Tiens ! c'est une jolie idée, ça !
POMADOUR
Elle est de moi. Jusqu'à présent, on apprenait à lire dans une grange… Ce n'était pas digne.
COURTIN
Oh ! pourvu qu'on apprenne !
PIGET
A-t-on déjà versé beaucoup à ta souscription ?
POMADOUR
Moi, j'ai donné vingt francs, comme propriétaire et comme notable… L'adjoint a donné quarante sous… comme adjoint… Ca fait vingt-deux francs.
COURTIN
Ils ne sont pas chauds pour l'instruction dans ta commune.
POMADOUR
C'est égal… il ne faut pas se décourager… Retenez bien ceci : plus un peuple a de lumières, plus il est éclairé.
PIGET
C'est comme les salles de bal.
POMADOUR
Et plus il est éclairé…
COURTIN
Plus il a de lumières.
POMADOUR
Voilà !… C'est à Piget à jouer.
PIGET(à part.)
Est-il rasant avec son tonneau !
(Il va jouer au fond.)
POMADOUR(à Courtin.)
Mais où est donc passé ton ami ?
COURTIN
Adolphe ?… Il est remonté dans sa chambre.
PIGET(à part.)
Lui, pas bête !
COURTIN
Il était un peu fatigué… La chaleur, le soleil… Dis donc, tu ne m'en veux pas de te l'avoir amené ?
POMADOUR
Du tout ; il est charmant, ce garçon, il m'a plu tout de suite.
COURTIN
Je l'ai rencontré au chemin de fer, je lui ai dit : "Où vas-tu comme ça ! " Il m'a répondu : "Je n'en sais rien. — Eh bien, viens avec nous chez Pomadour. — Mais je ne le connais pas. — Qu'est-ce que ça fait ?… C'est dimanche, je te présenterai…" Et il est venu.
POMADOUR
Et il a bien fait… Il m'a l'air d'un homme comme il faut… Des gants !
COURTIN
Oh ! très bien élevé !… et instruit !… et musicien !
POMADOUR
On voit tout de suite que c'est un homme du monde ; à table, il a dit à madame Pomadour que toutes les femmes étaient des roses.
PIGET
Moi, je le pensais.
POMADOUR
Joue donc !
COURTIN
Oh ! il n'est pas embarrassé pour décocher un compliment. Entre nous, c'est un homme à femmes…
POMADOUR
Mais il m'a l'air de friser la cinquantaine, ton homme à femmes…
COURTIN
Ah ! ça ne fait rien… Il sait s'arranger… À partir de trois heures, il est toujours jeune ; et puis c'est un gaillard, son système est de brusquer.
POMADOUR
Moi, je n'ai jamais pu ; je suis trop timide.
PIGET
Moi non plus, mais c'est pas par timidité.
COURTIN
Il vous a des histoires impayables !
POMADOUR
Des histoires de femmes ?
COURTIN
Oui !
POMADOUR
Salées ?
COURTIN
Oh !
POMADOUR
Nous les lui ferons raconter au dessert… J'enverrai ma femme porter des fraises chez le curé… Et qu'est-ce qu'il fait ?
COURTIN
Adolphe ?… Rien ; il va à la Bourse.
POMADOUR
Tiens, il faudra que je le consulte sur mes cinquante Saragosse. Qu'est-ce que tu penses de l'Espagne, toi ?
COURTIN
Mais, dame ! l'Espagne… C'est un pays… grandiose… par ses montagnes.
PIGET(au fond.)
J'en ai cent vingt… C'est à Courtin à jouer…
POMADOUR
Vite ! dépêche-toi !
COURTIN
Voilà ! (À part, remontant)
Dieu ! que c'est assommant !
PIGET(qui est redescendu ; à Pomadour.)
Je ne sais pas si c'est ton jambon, mais je meurs de soif.
POMADOUR
Attends ! je vais faire apporter de la bière… Jouez toujours… Je reviens !
(Il entre à droite dans la maison.)
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...
(Le théâtre représente une chambre à coucher. — Au fond, au milieu, un lit avec des rideaux. À côté, une table de nuit. À droite et à gauche du lit,...