I
Lorsqu’à l’antique Olympe immolant l’Évangile,
Le préteur, appuyant d’un tribunal fragile
Ses temples odieux,
Livide, avait proscrit des chrétiens pleins de joie,
Victimes qu’attendaient, acharnés sur leur proie,
Les tigres et les dieux ;
Rome offrait un festin à leur élite sainte ;
Comme si, sur les bords du calice d’absinthe
Versant un peu de miel,
Sa pitié des martyrs ignorait l’énergie,
Et voulait consoler par une folle orgie
Ceux qu’appelait le ciel.
La pourpre recevait ces convives austères ;
Le falerne écumait dans de larges cratères
Ceints de myrtes fleuris ;
Le miel d’Hybla dorait les vins de Malvoisie,
Et, dans les vases d’or, les parfums de l’Asie
Lavaient leurs pieds meurtris.
Un art profond, mêlant les tributs des trois mondes,
Dévastait les forêts et dépeuplait les ondes
Pour ce libre repas ;
On eût dit qu’épuisant la prodigue nature,
Sybaris conviait aux banquets d’Épicure
Ces élus du trépas.
Les tigres cependant s’agitaient dans leur chaîne ;
Les léopards captifs de la sanglante arène
Cherchaient le noir chemin ;
Et bientôt, moins cruels que les femmes de Rome,
Ces monstres s’étonnaient d’être applaudis par l’homme,
Baignés de sang humain.
On jetait aux lions les confesseurs, les prêtres.
Telle une main servile à de dédaigneux maîtres
Offre un mets savoureux.
Lorsqu’au pompeux banquet siégeait leur saint conclave,
La pâle mort, debout, comme un muet esclave,
Se tenait derrière eux.
II
Ô rois ! comme un festin s’écoule votre vie.
La coupe des grandeurs, que le vulgaire envie,
Brille dans votre main ;
Mais au concert joyeux de la fête éphémère
Se mêle le cri sourd du tigre populaire
Qui vous attend demain !
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