(LE COMMISSAIRE PUIS FLOCHE ET DEUX AGENTS)
LE COMMISSAIRE
Breloc ! Breloc ! Est-ce que je sais, moi, si cet homme-là s'appelle Breloc ! A la rigueur, moi aussi, je pourrais m'appeler Breloc ! Si on les écoutait, ils s'appelleraient tous Breloc !
(Allant à la fenêtre.)
Saperlipopette, il vient un vent par cette fenêtre !
(A ce moment, bruit à la cantonade. La porte s'ouvre violemment, livrant passage à Floche, qui se débat entre deux gardiens de la paix.)
FLOCHE
Le commissaire ! Où est le commissaire ? Je veux parler au commissaire !
LE COMMISSAIRE
(aux agents.)
Qu'est-ce qu'il y a ?
FLOCHE
C'est vous le commissaire ?
LE COMMISSAIRE
Oh ! pas tant de bruit, s'il vous plaît. Vous parlerez quand je vous y inviterai. De quoi s'agit-il,
Lagrenaille ?
L'AGENT LAGRENAILLE
C'est monsieur qui faisait de l'esclandre à l'angle de la rue de Dunkerque et du faubourg
Poissonnière, en débinant la République. Comme les passants assemblés concouraient de toutes parts au désordre de la rue, nous avons hâté le pas, mon collègue et moi, et avons engagé monsieur à satisfaire de bonne grâce aux lois de la circulation. Sur le refus qu'il nous opposa, nous l'avons pris par le bras, sans violence, et l'avons amené au commissariat.
LE COMMISSAIRE
A-t-il fait de la rébellion ?
L'AGENT LAGRENAILLE
Non, monsieur le commissaire.
LE COMMISSAIRE
Vous a-t-il injuriés ?
L'AGENT LAGRENAILLE
Du tout.
FLOCHE
Je n'avais pas de raison pour être malhonnête avec des agents comme il faut. Quant à de la rébellion, j'aime trop l'autorité pour n'en avoir pas le respect.
LE COMMISSAIRE
Voilà un principe de conduite auquel vous auriez dû vous conformer plus tôt.
FLOCHE
Par exemple ?
LE COMMISSAIRE
Quand les agents vous ont prié de circuler.
FLOCHE
(discret, mais ironique.)
Oh çà !…
LE COMMISSAIRE
Quoi, oh çà ?
FLOCHE
Je dis : oh çà !… Dire : "oh çà !", c'est le droit de tout le monde.
LE COMMISSAIRE
Oui, mais ce qui n'est le droit de personne, c'est de se livrer, comme vous l'avez fait, à des démonstrations publiques et de tenir à haute voix des propos séditieux.
FLOCHE
La République me dégoûte.
LE COMMISSAIRE
Ce n'est pas une raison suffisante pour que vous essayiez d'en dégoûter les autres.
FLOCHE
(concis et éloquent.)
Ça, encore !…
(Il rit.)
LE COMMISSAIRE
Quoi, ça encore ?
FLOCHE
Je dis : "Ça encore !…" Ça vous choque ?
LE COMMISSAIRE
Oui, ça me choque ; et puisque vous le prenez comme ça, le paysage va changer d'aspect.
(Aux agents.)
Je vous remercie.
(Sortie des agents. Un temps.)
LE COMMISSAIRE
(entre ses dents.)
"Ça encore !…"
(Haussement d'épaules. - Il prend une feuille de papier, trempe sa plume dans l'encre et se dispose à écrire.)
Comment vous appelez-vous ?
FLOCHE
Floche.
LE COMMISSAIRE
Avec ou sans S ?
FLOCHE
Sans S.
LE COMMISSAIRE
Vos prénoms ?
FLOCHE
Jean-Edouard. Domicile : rue des Vieilles-Haudriettes, 129.
LE COMMISSAIRE
Votre profession ?
FLOCHE
Je n'en ai pas. J'ai un petit capital qui travaille pour moi.
LE COMMISSAIRE
Vous êtes décoré ?
FLOCHE
Qui ? Moi ? Non.
LE COMMISSAIRE
Alors, ça ?
(Il désigne le large ruban rouge qui pare la boutonnière de Floche.)
FLOCHE
Ça ? C'est un pense-bête.
(Il rit.)
J'ai la mémoire assez indocile, je vous dirai. Elle a tendance à faire l'école buissonnière, si bien que je suis contraint de lui mettre un licou. D'où ce ruban qui la rappelle, quand le besoin s'en fait sentir, au sentiment de sa mission. C'est nouveau et ingénieux, supérieur au mouchoir corné, qui perd toute efficacité si vous n'êtes affligé du rhume de cerveau, et à l'épingle sur la manche qui a le tort de vous signaler comme étourneau à la raillerie des imbéciles.
LE COMMISSAIRE
Soit ! mais si ce ruban ne vous signale pas à la raillerie des imbéciles, il peut vous signaler à l'attention des juges et vous valoir six mois de prison. Enlevez-moi ça ! hein.
(Floche retire le ruban.)
Votre âge ?
FLOCHE
(s'asseyant.)
Avez-vous idée d'un poète composant une tragédie dans un salon où un professeur de piano ferait des gammes du matin au soir ?
(Stupéfaction du commissaire.)
Non, n'est-ce pas ? Eh bien ma mémoire est à l'image de ce poète : elle est logée en un cerveau où le génie fait trop de musique.
LE COMMISSAIRE
Vous êtes un faiseur d'embarras. Je vous invite à garder pour vous vos phrases à panache dont je n'ai que faire, et à répondre à mes questions. Je vous demande quel âge vous avez.
FLOCHE
Vingt-cinq ans.
LE COMMISSAIRE
Plaît-il ?
FLOCHE
Vingt-cinq ans.
LE COMMISSAIRE
Comment, vingt-cinq ans !… Vous avez vingt-cinq ans ?
FLOCHE
Oui.
LE COMMISSAIRE
(rectifiant.)
Vous les avez eus.
FLOCHE
C'est bien pourquoi je les ai gardés.
LE COMMISSAIRE
Drôle de raisonnement !
FLOCHE
Drôle en quoi ? Il est logique comme une démonstration d'algèbre, lumineux comme un clair de lune et simple comme une âme d'enfant. J'ai eu vingt-cinq ans ! Oui, parbleu ! Seulement, le jour où je les eus, je me suis dit à moi-même : "Bel âge ! Tenons-nous-y !" Je m'y suis donc tenu, je continue à m'y tenir, et je m'y tiendrai jusqu'à ce que mort s'ensuive, avec votre permission.
(Un silence.)
LE COMMISSAIRE
Un mot. Il est bien entendu que vous ne vous moquez pas de moi ?
FLOCHE
Je ne vois rien dans mes allures, dans ma tenue ni dans mon langage, qui puisse vous autoriser à une supposition semblable.
LE COMMISSAIRE
C'est que, précisément…
FLOCHE
J'attendais l'objection. Elle était fatale en un temps où la raison se promenant gravement par les rues, la tête en bas et les jambes en l'air, on en est venu petit à petit à ne plus distinguer nettement ce qui est le vrai de ce qui est le faux, puis à prendre le faux pour le vrai, l'ombre pour la lumière, le soleil pour la lune et le bon sens pour l'égarement. C'est ainsi que ma femme, qui est devenue folle au contact d'un air saturé de folie, tire des plans pour me faire fourrer à Charenton.
(Il s'égaye.)
LE COMMISSAIRE
(faussement étonné.)
Se peut-il !… Elle aurait une punaise dans le bois de lit ?
FLOCHE
Et un rat dans la contrebasse !
LE COMMISSAIRE
(à part.)
Je suis fixé.
(Haut.)
Monsieur.
FLOCHE
Le cas de cette malheureuse, qui est, à peu de chose près, celui de la foule tout entière, devait naturellement tenter l'esprit de logique et d'analyse d'un moraliste équilibré. Aussi ai-je conçu le projet de l'étudier tout au long, avec ses effets et ses causes, en un ouvrage intitulé : le Daltonisme mental…
LE COMMISSAIRE
Monsieur…
FLOCHE
… ouvrage d'une haute portée philosophique…
LE COMMISSAIRE
Sans doute, mais…
FLOCHE
… fruit de mes réflexions, filles elles-mêmes de mes longues veilles…
LE COMMISSAIRE
Mon Dieu…
FLOCHE
… et dont je prendrai la liberté de vous développper les grandes lignes. Monsieur…
(Il s'interrompt.)
Pardon.
(Il se lève et gagne le fond du théâtre.)
LE COMMISSAIRE
(vaguement inquiet, à part.)
Oh ! mais il m'embête, cet homme-là ! - Ah çà ! il ferme la porte !
(Il se précipite, mais déjà Floche est redescendu en scène, la lèvre fleurie d'un sourire.)
FLOCHE
Vous voyez : je fais comme chez moi.
LE COMMISSAIRE
En effet, et c'est le tort que vous avez. - Ma clef.
FLOCHE
Votre clef ?
LE COMMISSAIRE
Oui ; ma clef !
FLOCHE
Quelle clef ?
LE COMMISSAIRE
La clef de cette serrure.
FLOCHE
Eh bien ?
LE COMMISSAIRE
Rendez-la-moi.
FLOCHE
(très doucement.)
Non.
LE COMMISSAIRE
Non ?
FLOCHE
Non.
LE COMMISSAIRE
Pourquoi ?
FLOCHE
Parce que j'aime mieux la garder dans ma poche. Vous n'avez aucun intérêt à ce que cette porte soit ouverte, et moi, j'en trouve un grand à ce qu'elle soit fermée. Je veux bien, vous, magistrat officiel, vous mettre dans le secret des dieux ; mais l'aller confier au hasard d'une porte qui peut s'entrebâiller sans bruit, l'aller jeter en pâture à l'oreille indiscrète du premier goussepin qui passe, c'est une autre paire de manches. - Monsieur, le vent de folie qui souffle de toutes parts prend naissance dans un quiproquo : dans le malentendu survenu entre la Nature qui commande, et l'Homme qui n'exécute pas ; entre les intentions bien arrêtées de l'une et l'interprétation à rebrousse-poil de l'autre.
LE COMMISSAIRE
(pris de la bravoure des poltrons qui se jettent à l'eau.)
Si vous ne me rendez pas ma clé, à l'instant même, j'appelle à l'aide, j'enfonce la porte, et je vous fais expédier à l'infirmerie du Dépôt, ficelé comme un saucisson. Vous avez compris ?
FLOCHE
A merveille.
(Il met la main à sa poche, tire un revolver et en braque le canon sur le commissaire.)
Si vous dites un mot, si vous faites un geste, si vous cessez un seul instant de me regarder dans le blanc de l'oeil, je vous envoie six coups de revolver par le nez et je vous fais éclater la figure comme une groseille à maquereau !… Qui est-ce qui m'a bâti un fou furieux pareil ?
LE COMMISSAIRE
Ah, c'est moi le… ?
FLOCHE
Silence ! ou ça va mal tourner. Je suis bon enfant, mais je n'aime pas les fous !
LE COMMISSAIRE
(terrifié.)
Je comprends ça !
FLOCHE
Le fou, c'est mon ennemi d'instinct, entendez-vous ?… c'est ma haine, c'est ma rancune ! La vue d'un fou suffit à me mettre hors de moi, et quand je tiens un fou à portée de ma main, je ne sais plus, non, je ne sais plus, de quoi je ne serais pas capable !
LE COMMISSAIRE
(à part.)
C'est la crise ! Je suis dans de beaux draps.
(Les deux hommes se regardent dans les yeux. Le commissaire, visiblement, ne donnerait pas deux sous de sa peau. Mais, dans l'instant où il commence à recommander son âme à Dieu :)
FLOCHE
(partant d'un grand éclat de rire.)
Savez-vous que pour un commissaire, vous êtes plutôt sujet au trac ?
LE COMMISSAIRE
(qui ne comprend plus.)
Moi ?
FLOCHE
Vous en avez eu, une peur !
LE COMMISSAIRE
Je vous assure…
FLOCHE
Allons, ne faites pas le modeste. Vous en tremblez encore comme de la gelée de veau !
(Un peu moqueur.)
Comment, vous n'avez pas compris que je vous faisais une farce ?… Ai-je donc la figure d'un homme qui caresse de mauvais desseins ?
LE COMMISSAIRE
Non, certes ! Mais c'est ce…
FLOCHE
Ce quoi ?
LE COMMISSAIRE
Ce revolver. Un malheur est si vite arrivé, comme on dit !
FLOCHE
Vous dites des enfantillages. Une arme n'est dangereuse qu'aux mains d'un maladroit, et je suis maître de la mienne comme un bon écrivain est maître de sa langue. Songez que je vous crève un as à vingt-cinq pas, ou que je vous guillotine une pipe, le temps de compter jusqu'à quatre !
LE COMMISSAIRE
(feignant le plus vif intérêt.)
Vraiment ?
FLOCHE
Vraiment ! D'ailleurs, vous allez en juger.
LE COMMISSAIRE
Hein ? Quoi ? Qu'est-ce que vous allez faire ?
FLOCHE
Vous allez voir. Ne bougez pas.
(Il rompt de quelques pas et braque son revolver sur le commissaire aux cent coups.)
LE COMMISSAIRE
(qui ne veut rien savoir.)
Non ! Non !
FLOCHE
Ne bougez donc pas, crebleu ! Je vous dis qu'il n'y a pas de danger. La balle va vous passer au ras de l'oreille gauche ; vous allez l'entendre siffler ; c'est très curieux. Attention !… Une !… Deux !…
LE COMMISSAIRE
(lancé dans des sauts de cabri.)
Je ne veux pas ! Je ne veux pas !
FLOCHE
(retombant sans transition de l'accalmie à la fureur.)
Nom de Dieu d'imbécile ! Buse ! Brute ! Une seconde de plus, le coup partait ; je lui logeais une balle dans la peau !
(Hors de lui.)
Et vous croyez que, des êtres pareils, la société ne ferait pas mieux de les détruire ? Tenez,(Tirant la lame de sa canne à épée.)
je ne sais ce qui me retient de vous clouer au mur comme une chauve-souris avec vingt pouces de fer dans le ventre !
LE COMMISSAIRE
(réfugié derrière sa table.)
Ça recommence ? Après le feu, le fer ?… Zut ! à la fin ! C'est assommant ! On ne peut pas être tranquille une minute, avec vous !
FLOCHE
(laissant tomber son épée.)
Insensé !
LE COMMISSAIRE
Eh non !
FLOCHE
Grelot vide ! Timbre fêlé ! Tête sans cervelle !
LE COMMISSAIRE
Je vous jure que vous êtes dans l'erreur. Vous vous faites, de mes facultés, une idée qui n'est pas la bonne.
FLOCHE
Je sais ! Vous êtes le fou traditionnel, classique, celui qui prêche et qui vend la sagesse. Mais, pauvre idiot, tout, en vous, tout respire et trahit la démence !… depuis la bouffonnerie de votre accoutrement jusqu'à l'absurdité sans nom de votre visage !
LE COMMISSAIRE
Trop aimable !
FLOCHE
(qui est venu à la table.)
Et puis, qu'est-ce que c'est que toute cette paperasserie ? Ça ne sert à rien !
LE COMMISSAIRE
Mais si.
FLOCHE
Mais non ! Erreur de vos sens abusés !
(Il rafle le tas de procès-verbaux, pièces à légaliser, etc., etc., et sème le tout par les libres espaces.)
LE COMMISSAIRE
Oh ! cré nom !
FLOCHE
(qui est venu se poster devant le cartonnier.)
Et ces cartons !… Ça n'a aucune utilité.
LE COMMISSAIRE
Permettez !
FLOCHE
Illusions !… Chimères !…
(Il dit, et les cartons, violemment arrachés à l'étreinte de leurs alvéoles, voltigent, à leur tour, par les airs, en lâchant des torrents d'affaires à l'instruction.)
LE COMMISSAIRE
(consterné.)
Ah ! c'est gai !
(Soudain :)
FLOCHE
(avisant le feu qui flambe en la cheminée.)
Et ça !
LE COMMISSAIRE
Quoi ça ?
FLOCHE
(désignant l'âtre.)
Ça !
LE COMMISSAIRE
C'est du feu.
FLOCHE
(les bras au ciel.)
Du feu !
(Eclatant d'un rire épileptique.)
Du feu au mois de janvier !
LE COMMISSAIRE
Eh bien ?
FLOCHE
(au public.)
Est-il bête ! Alors non ? Vous ne comprenez pas qu'à moins d'être un énergumène, on ne doit faire de feu que pendant les grandes chaleurs ?
LE COMMISSAIRE
A cause ?
FLOCHE
(solennel.)
A cause que la Nature, qui, seule et toujours, a raison, exige que l'homme ait chaud l'été, comme elle veut qu'il ait froid l'hiver ! Eteignez-moi ce brasier.
LE COMMISSAIRE
Non.
FLOCHE
(d'un ton d'un monsieur qui ne plaisante pas.)
Vous ne voulez pas l'éteindre ?
LE COMMISSAIRE
(persuadé.)
Si !
(Il se lève ; se dirige lentement vers la cheminée. Un temps.)
FLOCHE
Et au trot !
(Le commissaire se hâte. Une carafe est sur la cheminée. Il la prend, et de son contenu inonde les bûches du foyer. Sur quoi :)
FLOCHE
La nature ordonne que, l'hiver, l'homme soit exposé à mourir de congestion pulmonaire, phtisie galopante, pleurésie, pneumonie et autres. Ouvrez cette fenêtre.
LE COMMISSAIRE
Non.
FLOCHE
(menaçant.)
Vous ne voulez pas l'ouvrir ?
LE COMMISSAIRE
Si.
(Il se dirige à petits pas vers la fenêtre.)
FLOCHE
Et que ça ne traîne pas !
(Le commissaire, épouvanté, gagne la fenêtre, qu'il ouvre toute grande. Ceci fait :)
FLOCHE
Enfin, elle veut et commande que l'homme, l'hiver, ait les pieds gelés. (Enlevez vos godillots.)
LE COMMISSAIRE
Ah ! non !
FLOCHE
(l'arme braquée.)
Vous ne voulez pas les enlever ?
LE COMMISSAIRE
Si.
(Scène muette. Le commissaire, résigné et navré, se décide à ôter ses chaussures. Mimique de Floche qui attend. A la fin, les souliers enlevés et déposés côte à côte près des pieds libérés de leur propriétaire, le fou s'en empare, et, à toute volée, les envoie, par la fenêtre ouverte, voir au dehors si le printemps s'avance. Là-dessus :)
FLOCHE
(avisant le placard où l'on a vu le commissaire puiser une pelletée de coke au commencement de l'acte.)
Qu'est-ce que c'est que ça ?
LE COMMISSAIRE
Le placard au charbon.
FLOCHE
Bien. Entrez-y.
LE COMMISSAIRE
Vous dites ?
FLOCHE
Je dis : "Entrez-y !"
LE COMMISSAIRE
Mais…
FLOCHE
(formidable.)
Vous ne voulez pas ?
LE COMMISSAIRE
(vaincu, donc convaincu.)
Je ne fais que ça.
(D'un pas de condamné à mort, le pauvre commissaire s'achemine vers le placard dont Floche lui tient la porte ouverte. Là, courte hésitation. Brusquement, d'une main agacée, Floche le saisit par le fond de sa culotte, l'envoie dans le noir, ramène la porte et la verrouille.)
(Puis il redescend la scène, va au bureau du commissaire, prend son chapeau haut de forme et rétablit les huit reflets après avoir apposé dans le fond de la coiffe un coup du timbre à tampon. Il se coiffe. D'une pichenette il fait disparaître un grain de poussière égaré sur sa manche, puis, automatiquement, en faisant aller les bras, il manoeuvre en criant : une, deux ; une, deux. Il ouvre la porte, voit les deux agents de garde, les salue poliment et sort.)
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