La dame au petit chien
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LA DAME AU PETIT CHIEN - Scène XV

Eugène Labiche

LA DAME AU PETIT CHIEN - Scène XV


LES MÊMES, JOSEPH, PUIS JULIE.

JOSEPH (entrant avec une lettre.)
De la part du docteur Dardonneau…

DEFONTENAGE
Ah ! ma consultation… (Lisant.)
"Névrose héréditaire et persistante. Six semaines de séjour aux eaux d'Aix."

ROQUEFAVOUR (à part.)
A la bonne heure, je reconnais mon Dardonneau.

DEFONTENAGE
Comment !… il faut que j'aille aux eaux d'Aix… Allons donc !…

ERNESTINE
Dame !… mon ami, s'il s'agit de ta santé…

DEFONTENAGE
Je me porte comme le dôme des Invalides !…

ROQUEFAVOUR
Ne plaisantez pas… J'ai connu un homme de votre âge, affecté comme vous d'une névrose héréditaire au coude…

DEFONTENAGE
Eh bien ?…

ROQUEFAVOUR
Eh bien !… il en est devenu hydropique.

DEFONTENAGE
Ah ! mon Dieu !…

ROQUEFAVOUR (appelant.)
Joseph ! Julie !… il n'y a pas de temps à perdre !…(Julie paraît.)
Les malles de Monsieur… Monsieur part…

DEFONTENAGE
Mais… cependant…

ROQUEFAVOUR
Hydropique !… Mais soyez tranquille, nous aurons soin de la maison… nous vous écrirons tous les jours.

ERNESTINE
Tous les jours !

DEFONTENAGE
Comment, nous !… Mais j'emmène ma femme !

ROQUEFAVOUR
Ah ! Diable !…

DEFONTENAGE (passant à Ernestine.)
N'est-ce pas, ma bonne amie ?…

ERNESTINE
Dame ! si ça vous fait plaisir…

DEFONTENAGE (à part.)
C'est très fort, ce que je fais là !… (Haut à Roquefavour.)
Vous resterez avec Joseph… Vous surveillerez la domesticité… Je vous recommande les meubles… Vous battrez les fauteuils et vous tuerez les papillons…
(Pendant ce monologue, Ernestine est remontée.)

ROQUEFAVOUR (à part.)
Sapristi !… ça ne fait plus mon compte. (Se frottant le coude tout à coup et poussant un cri.)
Aïe !…

DEFONTENAGE ET ERNESTINE
Qu'avez-vous donc?…

ROQUEFAVOUR
C'est votre douleur… névrose héréditaire… Ça se gagne !

DEFONTENAGE
Comment?

ROQUEFAVOUR
Allons ! il faut que j'aille aussi aux eaux d'Aix… Nous partirons ensemble…

DEFONTENAGE
Comment !… Ah ! çà, vous avez donc de l'argent ?…

ROQUEFAVOUR
Non… mais puisque nous sommes en compte…

DEFONTENAGE
Ah ! permettez !…

ROQUEFAVOUR
Vous avez votre gage…

DEFONTENAGE (gagnant la gauche.)
C'est juste… (À part.)
Si je le laisse à Paris, il est capable de vendre les meubles ; je lui prends un billet jusqu'à Macon… et une fois là, je le lâche !…

ROQUEFAVOUR (à part.)
Il me reste quatre cents francs… et ma montre…

JOSEPH (à Ernestine.)
Madame, emmène-t-elle… Edmond?…

ERNESTINE (regardant Roquefavour.)
Oh ! non ! il est trop mal élevé…
(Joseph et Julie sont entrés avec divers effets, paletot, manteaux, malle, sac de nuit, etc.)

CHOEUR (AIR : finale de La Corneille.)
Ne balançons pas, Nous devons, c'est sage, Nous mettre en voyage; La santé nous attend là-bas.

LES DEUX DOMESTIQUES
Ne retardons pas, Vous devez, c'est sage, Vous mettre en voyage, La santé vous attend là-bas.
(FIN)


LA DAME AU PETIT CHIEN - Scène XV

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