Scène XI

Tourterot
(entrant par la gauche.)
(Trémolo à l'orchestre)
Le voilà !… le voilà !… je viens de l'apercevoir de ma fenêtre !

Poupardin
Qui Ca ?

Tourterot
Mon fils ! Mon présomptif !

Gélinotte
Son présomptif !

Camille
(effrayée.)
Ah ! papa, sauvons-nous !

César
(entrant, élégamment vêtu et se jetant dans les bras de son père.)
Mon père !
(Ensemble)
(Air)

César
Sans vous, là-bas ma vie
Etait remplie (bis)
D'ennui mortel !
J'ai pris la fuite,
Et je m'abrite
Sous le toit paternel !

Tourterot et Gélinotte
Sans nous, là-bas sa vie
Etait remplie (bis)
D'ennui mortel !
Mais par la fuite,
César s'abrite
Sous le toit paternel !

Poupardin et Camille
Blâmant déjà sa vie,
je l'ai flétrie (bis)
Arrêt cruel !
Car, son mérite
Dément bien vite
Le portrait paternel !

Poupardin
Comment ! C'est là M. Votre fils ?

Tourterot
Oui, sans doute… (À César.)
M. Poupardin et sa fille.

César
(saluant.)
Monsieur… mademoiselle…

Tourterot
(bas à César.)
Allons, ho ! du combustible !

César
Excusez-moi de me présenter dans un pareil négligé… mais, vous le savez, les voyageurs ont des privilèges…

Camille
(à part.)
Il est beaucoup mieux que son signalement.

César
Et si quelque chose peut me consoler de m'offrir ainsi à vous avec tout le sans-gêne du débotté, c'est que les rigueurs de l'étiquette auraient retardé le bonheur que j'éprouve à me trouver au milieu de vous.

Tourterot
(à part.)
Est-il devenu fadard !

Poupardin
(à sa fille.)
Mais il a l'air très convenable, ce jeune homme.

Tourterot
(à César.)
Sais-tu que nous t'attendons depuis ce matin… tu nous as fait droguer.

César
(bas.)
Mon père !

Gélinotte
Ces médecins, ils arrivent toujours trop tard !

César
Gélinotte… (À part.)
Diable ! (Haut.)
Toi, ici ?…

Gélinotte
Bonjour, César !
(Ils se donnent la main.)

Tourterot
Qu'est-ce que c'est que celui-là ?

César
Un de mes amis, que je ne m'attendais pas à retrouver ici… Depuis quand as-tu quitté Paris ?

Gélinotte
Depuis un an.

César
Ah !… (À part.)
Voilà qui me rassure sur sa discrétion

Gélinotte
Dis donc, je suis avoué ici.

Tourterot
(à part.)
Ca, un avoué ?… oh ! ce coquillage !

César
Mon compliment sincère.

Tourterot
(bas, à César.)
Dis donc, la petite te guigne… Allume ! allume !

César
(à Tourterot.)
Chut !
(Gélinotte remonte.)

Tourterot
(bas à César.)
Quelle carnation ? ah ! méchant ! (À Poupardin.)
Il n'est pas encore bien à son gobelet, mais laissez-lui prendre son pivot… vous verrez comme il se met ! Je vous laisse ensemble, vous allez le creuser, creusez-le… (À César.)
Hardi là !… du pavillon, du pavillon à mort !

Gélinotte
(à Poupardin.)
Je vais retenir les trois places de coupé, et je reviens !… (À Camille.)
À bientôt, mademoiselle.

Tourterot
(à César.)
Décidément, il me gêne des entournures, ton avoué !
(Ensemble)

Tourterot
(à Poupardin)
(Air : Je vous fais mon compliment - Paris voleur)
Il vous plaît assurément,
Avec lui, causez un moment,
Vous vous convaincrez aisément
Qu'il doit faire un mari charmant.

Poupardin et Camille
(à part)
Il peut plaire, assurément ;
Mais je doute qu'en un moment
Il me prouve facilement
Qu'il doit être un mari charmant !

César
(à part)
Elle est charmante, vraiment ;
Mais je doute qu'en un moment
Je lui prouve facilement
Que je suis un futur charmant !

Gélinotte
(à part)
Je lui plais, assurément,
Il m'aura suffi d'un moment
Pour lui prouver facilement
Que je suis un futur charmant !
(Tourterot sort par la droite, et Gélinotte par la gauche.)


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