CASSAGNOL, GINDINET, PONTCHARRAT
PONTCHARRAT (entrant par le fond, une lettre à la main. )
Mais c'est absurde! ça n'a pas de nom! c'est de la tyrannie !
CASSAGNOL (voulant l'embrasser.)
Cher oncle… permettez-moi…
PONTCHARRAT
Cassagnol!… que le diable t'emporte ! d'où viens-tu ? Je n'ai pas le temps de te mettre à la porte… mais ça se retrouvera.
CASSAGNOL
Merci. (A part.)
Je m'attendais à être plus mal reçu.
GINDINET (bas à PONTCHARRAT.)
Dites donc, j'ai surpris cet étranger embrassant votre nièce.
PONTCHARRAT
Il s'agit bien de cela! Gindinet, Cassagnol, donnez-moi un conseil.
CASSAGNOL
Qu'y a-t-il ?
PONTCHARRAT
Il y a que je suis en butte aux haines du pouvoir. Mes amis, je suis la victime des proconsuls, je viens de recevoir une lettre de Farouchot… c'est la troisième… Ecoutez. (Lisant.)
"Citoyen maire, je prends la plume pour vous dire que la moutarde me monte; vous flanquez-vous de la République ?"
GINDINET
C'est bien écrit.
PONTCHARRAT (continuant.)
"Pour la troisième et dernière fois, convoquez votre club, nom d'un nom!"
CASSAGNOL
Style administratif.
PONTCHARRAT (continuant.)
"Les élections approchent. Si vous n'avez pas aujourd'hui même entendu des candidats pendant deux heures au moins, je me propose de vous la faire danser. Salut et fraternité ! Signé FAROUCHOT."
GINDINET
Tiens! j'ai connu un cordonnier de ce nom-là.
CASSAGNOL
Un cordonnier? allons donc! il y mettrait des formes.
PONTCHARRAT
Malheureux!… tu fais des mots sur les hommes en place…
CASSAGNOL
Pourquoi pas ? (AIR)
Quand sous les coups du bon sens irrité Tombe à jamais maint et maint privilège, Il en est un, celui de la gaîté, Que le Français malin avec raison protège. Du quolibet les droits sont contestés, Qui donc voudrait aujourd'hui les proscrire ? En proclamant toutes les libertés N'oublions pas la liberté de rire. Ah ! gardons bien la liberté de rire.
PONTCHARRAT
Rire ! lorsqu'un Farouchot se propose de vous la faire danser ? C'est très élastique ce mot-là et en temps de révolution… ces diables de Girondins ne me sortent pas de la tête.
CASSAGNOL
Convoquez votre club.
PONTCHARRAT
Si tu crois que c'est facile. Et puis où se procurer des candidats? la Champagne en manque.
CASSAGNOL
Ah ! voilà un pays privilégié.
GINDINET
Qu'est-ce que vous dites donc ? il y en a trois dans le canton.
PONTCHARRAT
Lesquels ?
GINDINET
Nous avons d'abord Jean-Louis, dit le Corinthien, un ouvrier; puis le citoyen Grand-Bagout, un économiste; et enfin, l'illustre général Chauvinancourt, et…
PONTCHARRAT
Les connais-tu ?
GINDINET
Non.
PONTCHARRAT
Ni moi non plus. D'ailleurs, ils ne se dérangeraient pas pour nous… Ah! il y a des moments où je comprends l'émigration ; mes amis, si nous partions pour Coblentz ?
GINDINET
Et mon école ?
PONTCHARRAT
Ah ! à celui qui m'apporterait des candidats, vois-tu, je donnerais…
CASSAGNOL
Quoi ?
PONTCHARRAT
Mille poignées de main!
CASSAGNOL
Tout ça!… je vais me coucher.
(Fausse sortie.)
PONTCHARRAT (le ramenant.)
Comment ? est-ce que tu aurais un moyen ?
CASSAGNOL
Peut-être.
GINDINET
Voyons.
PONTCHARRAT
Parle, que veux-tu ? ma fortune ? Non, je te ferai faire mon portrait à l'huile.
CASSAGNOL
J'ai horreur des corps gras… je vais me coucher.
(Même jeu.)
PONTCHARRAT (le ramenant.)
Malheureux! parle, mais que veux-tu ?
CASSAGNOL
Je veux… je veux la main de ma cousine.
GINDINET
Eh bien, et moi ?
PONTCHARRAT
C'est impossible… j'ai promis à Gindinet…
CASSAGNOL
Alors, que Gindinet vous sauve… ça le regarde.
PONTCHARRAT
C'est juste… ça te regarde, Gindinet… sauve-moi… As-tu une idée ?
GINDINET (cherchant.)
Pas encore.
PONTCHARRAT (à part.)
Ah ! mon Dieu ! d'un côté la veuve Tropical… de l'autre, Farouchot… (Haut.)
As-tu trouvé ton idée, Gindinet ?
GINDINET
Pas encore.
PONTCHARRAT
J'en suis fâché; mais le devoir d'un maire est de se conserver à ses administrés; en conséquence, je vais rendre un arrêté ; "Celui de vous deux qui m'amènera le plus de candidats épousera ma nièce."
CASSAGNOL
Tope! ça va! enfoncé Gindinet!
GINDINET
Ah! c'est comme ça… Eh bien, j'accepte le défi; je relève le gant.
CASSAGNOL
Bravo !
GINDINET
Le temps de donner congé à ma classe… j'enfourche le cheval du brigadier et fouette cocher!
PONTCHARRAT
Partez, jeunes combattants!… la lice est ouverte!
CHOEUR (AIR )
Il faut courir vite (Chœur de Grand-Mère)
. Sans vous arrêter, courez vite, bien vite, A vaincre un rival ici tout vous invite. Songez que pour prix de ce tournoi d'amour Une jeune beauté vous attend au retour. (GINDINET sort par la droite, et CASSAGNOL par la gauche.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...