Lenglumé, Mistingue
Lenglumé (courant ouvrir les rideaux)
Madame !… Mademoiselle !… sortez !…
Mistingue (se réveillant)
Hein !… heu !…
(Il a le nez très rouge.)
Lenglumé
Un homme !
Mistingue (se mettant sur son séant)
Qu'est-ce que vous demandez, monsieur ?
Lenglumé
Comment, ce que je demande ?… Que faites-vous là… dans mon lit ?…
Mistingue
Votre lit ?… (Regardant autour de lui.)
Tiens !… où suis-je donc ici ?
Lenglumé
Chez moi, monsieur ! rue de Provence.
Mistingue (sautant vivement à bas du lit. Il a un pantalon)
Rue de Provence ?… et moi qui demeure près de l'Odéon !
Lenglumé
Voyons, parlez !
Mistingue
De quel droit, monsieur, me retenez-vous prisonnier ?
Lenglumé
Ah ! je trouve ça joli, par exemple !
Mistingue
J'espère que vous allez m'expliquer comment je me trouve dans vos oreillers ?… Je ne vous connais pas, moi !
Lenglumé
Ni moi non plus ! (À part.)
D'où tombe-t-il, cet animal-là ?
Mistingue
Sapristi, que j'ai soif !
(Il va à la carafe et boit à même.)
Lenglumé
Eh bien, monsieur !… ne vous gênez pas !… (Tout à coup.)
Ah ! quelle idée !… Pardon, jeune homme… n'auriez-vous pas banqueté hier chez Véfour ?
Mistingue
Oui… Qu'est-ce que ça vous fait ?
Lenglumé
Alors, vous êtes un labadens… Moi aussi !
Mistingue
Ah bah !
Lenglumé
Deux labadens !… tout s'explique ! Lenglumé !… Oscar Lenglumé !
Mistingue
Ah oui, une grosse bête !
Lenglumé
C'est ça !… il me reconnaît !
Mistingue
Et moi, Mistingue !
Lenglumé
Ah ! très bien : un piocheur !… Il me semble que j'y suis encore : premier prix de vers latins, l'élève Mistingue, né à Chablis…
Mistingue
C'est pourtant vrai !… Est-on bête quand on est jeune !
Lenglumé (à part)
Un prix de vers latins !… Il doit être dans une très bonne position, ce gaillard-là.
Mistingue (à part)
Il est crânement meublé !
Lenglumé (lui tendant la main)
Comment te portes-tu ?
Mistingue
Pas mal. Et toi ?
Lenglumé
Ce brave Mistingue !
Mistingue
Ce brave Lenglumé !
Lenglumé (à part)
C'est singulier comme il a le nez rouge !
Mistingue (de même)
Vrai, je ne le reconnais pas du tout !
Lenglumé
Ce brave Mistingue !
Mistingue
Ce brave Lenglumé !
Lenglumé (à part)
C'est drôle, quand on ne s'est pas vu depuis vingt-sept ans et demi… on n'a presque rien à se dire. (Haut.)
Ce brave Mistingue !
Mistingue
Ce brave Lenglumé !
Lenglumé
Mais explique-moi comment tu te trouves dans mon alcôve ?
Mistingue
Ça… je n'en sais rien… je ne te cacherai pas qu'à partir du turbot, j'étais dans les brindezingues…
Lenglumé
Moi, ça ne m'a pris qu'à la salade.
Mistingue
Qu'avons-nous fait pendant ce laps ?
Lenglumé
On ne le saura jamais. Tout ce que je sais, c'est que j'ai perdu mon parapluie… surmonté d'une tête de singe…
Mistingue (gaiement)
Comme moi, mon mouchoir… Nous avons peut-être commis des atrocités !
Lenglumé
Moi, d'abord, j'ai le vin tendre… j'ai le falerne tendre !… comme dit Horace… Horatius !…
Mistingue
Coclès…
Lenglumé
Non… Flaccus ! Tu dois connaître ça, un prix de vers latins !
Mistingue
Faiblement !… faiblement !…
Lenglumé
Sapristi ! que j'ai soif !…
(Il prend la carafe et boit à même.)
Mistingue
Dis donc, après toi la carafe.
(Lenglumé la lui repasse ; il boit à son tour.)
Lenglumé
Ah çà ! j'espère que nous ne nous quitterons pas comme ça ? Deux labadens !… Tu déjeunes avec moi ?
Mistingue
Ça va !
Lenglumé
Où ai-je mis la clef de la cave ? (Il fouille à sa poche et en retire une poignée de noyaux.)
Tiens ! qu'est-ce que c'est que ça ? des noyaux de cerises !
Mistingue (même jeu)
Et moi, des noyaux de prunes !
Lenglumé
D'où vient cette plantation ?
Mistingue
Ça m'intrigue ! (Avec philosophie.)
Après ça, qui est-ce qui n'a pas son petit noyau ici-bas ?
Lenglumé (lui tendant la main, Mistingue y dépose ses noyaux)
Merci de cette bonne parole ! (À part.)
Comme il a le nez rouge !
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