(LABARONNE, L'ABBÉ, CÉCILE.Au château. Un salon.Entrent la Baronne et l'Abbé.)
LA BARONNE
Dieu soit loué, ma fille est enfermée ! Je crois que j'en ferai une maladie.
L'ABBÉ
Madame, s'il m'est permis de vous donner un conseil, je vous dirai que j'ai grandement peur. Je crois avoir vu en traversant la cour un homme en blouse et d'assez mauvaise mine, qui avait une lettre à la main.
LA BARONNE
Le verrou est mis ; il n'y a rien à craindre. Aidez-moi un peu à ce bal ; je n'ai pas la force de m'en occuper.
L'ABBÉ
Dans une circonstance aussi grave, ne pourriez-vous retarder vos projets ?
LA BARONNE
Êtes-vous fou ? Vous verrez que j'aurai fait venir tout le faubourg Saint-Germain de Paris, pour le remercier et le mettre à la porte ! Réfléchissez donc à ce que vous dites.
L'ABBÉ
Je croyais qu'en telle occasion on aurait pu, sans blesser personne…
LA BARONNE
Et au milieu de ça, je n'ai pas de bougies ! Voyez donc un peu si Dupré est là.
L'ABBÉ
Je pense qu'il s'occupe des sirops.
LA BARONNE
Vous avez raison : ces maudits sirops, voilà encore de quoi mourir. Il y a huit jours que j'ai écrit moi-même, et ils ne sont arrivés qu'il y a une heure. Je vous demande si on va boire ça !
L'ABBÉ
Cet homme en blouse, madame la baronne, est quelque émissaire, n'en doutez pas. Il m'a semblé, autant que je me le rappelle, qu'une de vos femmes causait avec lui. Ce jeune homme d'hier est mauvaise tête, et il faut songer que la manière assez verte dont vous vous en êtes délivrée…
LA BARONNE
Bah ! des Van Buck ? des marchands de toile ? qu'est-ce que vous voulez donc que ça fasse ? Quand ils crieraient, est-ce qu'ils ont voix ? Il faut que je démeuble le petit salon ; jamais je n'aurai de quoi asseoir mon monde.
L'ABBÉ
Est-ce dans sa chambre, madame, que votre fille est enfermée ?
LA BARONNE
Dix et dix font vingt ; les Raimbaut sont quatre ; vingt, trente. Qu'est-ce que vous dites, l'abbé ?
L'ABBÉ
Je demande, madame la baronne, si c'est dans sa belle chambre jaune que mademoiselle Cécile est enfermée ?
LA BARONNE
Non ; c'est là, dans la bibliothèque ; c'est encore mieux, je l'ai sous la main. Je ne sais ce qu'elle fait, ni si on l'habille, et voilà la migraine qui me prend.
L'ABBÉ
Désirez-vous que je l'entretienne ?
LA BARONNE
Je vous dis que le verrou est mis ; ce qui est fait est fait ; nous n'y pouvons rien.
L'ABBÉ
Je pense que c'était sa femme de chambre qui causait avec ce lourdaud. Veuillez me croire, je vous en supplie ; il s'agit là de quelque anguille sous roche qu'il importe de ne pas négliger.
LA BARONNE
Décidément il faut que j'aille à l'office ; c'est la dernière fois que je reçois ici.
(Elle sort.)
L'ABBÉ(seul.)
Il me semble que j'entends du bruit dans la pièce attenante à ce salon. Ne serait-ce point la jeune fille ? Hélas ! ceci est inconsidéré !
CÉCILE(en dehors.)
Monsieur l'abbé, voulez-vous m'ouvrir ?
L'ABBÉ
Mademoiselle, je ne le puis sans autorisation préalable.
CÉCILE(de même.)
La clef est là, sous le coussin de la causeuse ; vous n'avez qu'à la prendre, et vous m'ouvrirez.
L'ABBÉ(prenant la clef.)
Vous avez raison, mademoiselle, la clef s'y trouve effectivement ; mais je ne puis m'en servir d'aucune façon, bien contrairement à mon vouloir.
CÉCILE(de même.)
Ah, mon Dieu ! je me trouve mal !
L'ABBÉ
Grand Dieu ! rappelez vos esprits. Je vais quérir madame la baronne. Est-il possible qu'un accident funeste vous ait frappée si subitement ? Au nom du ciel ! mademoiselle, répondez-moi, que ressentez-vous ?
CÉCILE(de même.)
Je me trouve mal ! je me trouve mal !
L'ABBÉ
Je ne puis laisser expirer ainsi une si charmante personne. Ma foi ! je prends sur moi d'ouvrir ; on en dira ce qu'on voudra.
(Il ouvre la porte.)
CÉCILE
Ma foi, l'abbé, je prends sur moi de m'en aller ; on en dira ce qu'on voudra.
(Elle sort en courant.)
Un caprice, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1837, explore les subtilités des sentiments et les jeux d’amour dans un cadre bourgeois. L’histoire met en scène...
On ne saurait penser à tout, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1849, explore les petites absurdités de la vie conjugale et les quiproquos liés aux...
On ne badine pas avec l’amour, drame en trois actes écrit par Alfred de Musset en 1834, raconte une histoire d'amour tragique où les jeux de séduction et de fierté...
Louison, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1849, met en scène une situation légère et pleine de malice autour des thèmes de l’amour, de la jalousie...
Lorenzaccio, drame romantique écrit par Alfred de Musset en 1834, raconte l’histoire de Lorenzo de Médicis, surnommé Lorenzaccio, un jeune homme partagé entre ses idéaux de liberté et le cynisme...