Une auberge sur la route de Munich.
Entrent LE PRINCE DE MANTOUE et MARINONI.
Le Prince
Eh bien, colonel ?
Marinoni
Altesse ?
Le Prince
Eh bien, Marinoni ?
Marinoni
Mélancolique, fantasque, d'une joie folle, soumise à son père, aimant beaucoup les pois verts.
Le Prince
Écris cela ; je ne comprends clairement que les écritures moulées en bâtarde.
Marinoni (écrivant)
Mélanco…
Le Prince
Écris à voix basse : je rêve à un projet d'importance depuis mon dîner.
Marinoni
Voilà, altesse, ce que vous demandez.
Le Prince
C'est bien ; je te nomme mon ami intime ; je ne connais pas dans tout mon royaume de plus belle écriture que la tienne. Assieds-toi à quelque distance. Vous pensez donc, mon ami, que le caractère de la princesse, ma future épouse, vous est secrètement connu ?
Marinoni
Oui, altesse ; j'ai parcouru les alentours du palais, et ces tablettes renferment les principaux traits des conversations différentes dans lesquelles je me suis immiscé.
Le Prince (se mirant)
Il me semble que je suis poudré comme un homme de la dernière classe.
Marinoni
L'habit est magnifique.
Le Prince
Que dirais-tu, Marinoni, si tu voyais ton maître revêtir un simple frac olive ?
Marinoni
Son altesse se rit de ma crédulité.
Le Prince
Non, colonel. Apprends que ton maître est le plus romanesque des hommes.
Marinoni
Romanesque, altesse ?
Le Prince
Oui, mon ami — je t'ai accordé ce titre — ; l'important projet que je médite est inouï dans ma famille ; je prétends arriver à la cour du roi mon beau-père dans l'habillement d'un simple aide de camp ; ce n'est pas assez d'avoir envoyé un homme de ma maison recueillir les bruits sur la future princesse de Mantoue — et cet homme, Marinoni, c'est toi-même —, je veux encore observer par mes yeux.
Marinoni
Est-il vrai, altesse ?
Le Prince
Ne reste pas pétrifié. Un homme tel que moi ne doit avoir pour ami intime qu'un esprit vaste et entreprenant.
Marinoni
Une seule chose me paraît s'opposer au dessein de votre altesse.
Le Prince
Laquelle ?
Marinoni
L'idée d'un tel travestissement ne pouvait appartenir qu'au prince glorieux qui nous gouverne. Mais si mon gracieux souverain est confondu parmi l'état-major, à qui le roi de Bavière fera-t-il les honneurs d'un festin splendide qui doit avoir lieu dans la galerie ?
Le Prince
Tu as raison ; si je me déguise, il faut que quelqu'un prenne ma place. Cela est impossible, Marinoni ; je n'avais pas pensé à cela.
Marinoni
Pourquoi impossible, altesse ?
Le Prince
Je puis bien abaisser la dignité princière jusqu'au grade de colonel ; mais comment peux-tu croire que je consentirais à élever jusqu'à mon rang un homme quelconque ? Penses-tu d'ailleurs que mon futur beau-père me le pardonnerait ?
Marinoni
Le roi passe pour un homme de beaucoup de sens et d'esprit, avec une humeur agréable.
Le Prince
Ah ! ce n'est pas sans peine que je renonce à mon projet. Pénétrer dans cette cour nouvelle sans faste et sans bruit, observer tout, approcher de la princesse sous un faux nom, et peut-être m'en faire aimer ! — Oh ! je m'égare ; cela est impossible. Marinoni, mon ami, essaye mon habit de cérémonie ; je ne saurais y résister.
Marinoni (s'inclinant)
Altesse !
Le Prince
Penses-tu que les siècles futurs oublieront une pareille circonstance ?
Marinoni
Jamais, gracieux prince.
Le Prince
Viens essayer mon habit.
(Ils sortent.)
(FIN DE L'ACTE PREMIER.)
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