Scène XII


Blanche (seule)
 ; puis Claire et Prudenval

Blanche (seule, et venant s'asseoir rêveuse à droite.)
Il est bien, ce capitaine… l'air distingué et une barbiche ! Toute la tête de mon Romulus !…
Prudenval. ort de sa chambre avec Claire. ; il tient des jouets d'enfant et un grand bonhomme de pain d'épice ; Claire. tient à la main un petit bonnet d'enfant.

Prudenval (à Claire bas)
Viens !… la petite doit être éveillée ; nous allons lui offrir notre cadeau…

Claire
J'ai mon petit bonnet…

Blanche (à part)
Encore ce monsieur !…

Prudenval (à Claire, bas)
C'est la bonne-maman… Elle est très forte au whist… Je vais te présenter…
Saluant Blanche. Madame…

Blanche (froidement.)
Monsieur… (À part)
Quelle rage a-t-il de m'appeler madame ?

Prudenval (présentant sa tabatière.)
Peut-on vous offrir une prise ?

Blanche (sèchement.)
Merci…

Prudenval
Voici ma fille…

Blanche (froidement.)
Ah ! (Saluant.)
Mademoiselle…

Prudenval (appuyant.)
Ma fille… Claire. Prudenval… de Reims… la future…

Blanche
Plaît-il ?

Prudenval
La future…

Blanche
La future de qui ?…

Prudenval
Eh bien, de monsieur votre fils.

Blanche (se gendarmant.)
Je n'ai pas de fils, monsieur !

Claire et Prudenval
Comment ?

Blanche
Je suis demoiselle !

Prudenval
Ah bah !… Je vous demande pardon… Nous vous avons prise pour la grand-mère…

Blanche (révoltée.)
La grand'mère !

Prudenval
Excusez une erreur… bien naturelle…

Blanche (à part)
Malhonnête !

Prudenval
La marmotte est-elle réveillée ?

Blanche
Quelle marmotte ?

Prudenval (à part)
Elle ne comprend rien, cette femme-là. (Haut.)
La fille de Trébuchard. mon gendre…

Blanche
Sa fille !… Mais c'est moi, monsieur !

Claire (stupéfaite.)
Ah ! par exemple !

Prudenval (de même)
Comment ! la marmotte, c'est vous ? ( (À part) la regardant ébahi.)
Ah diable ! ah bigre ! ah ! sapristi !…

Claire (à part)
C'est trop fort !

Prudenval (montrant son pain d'épice.)
Et moi qui vous apportais… (Il mord dedans.)
Et ma fille qui vous avait brodé…

Blanche
Quoi ?

Claire (mettant vivement le bonnet dans sa poche.)
Rien !

Prudenval (regardant Blanche)
C'est bizarre ! vous paraissez plus vieille… non ! moins jeune que monsieur votre père…

Blanche
Oh ! de très peu !…

Prudenval
De si peu que ce soit… c'est toujours bien extraordinaire…

Blanche
Je suis d'un premier lit…

Prudenval
C'est donc ça… (À Claire.)
Tout s'explique…

Claire (avec dépit.)
Oui, c'est bien agréable…

Prudenval (avec éclat.)
Mais, j'y pense, vous allez être la fille de ma fille !

Blanche
Moi ?

Claire (révoltée.)
Je ne veux pas !

Prudenval
Dame ! puisque tu épouses son papa… tu ne peux pas te dispenser d'être sa maman.
Claire (de même)
 : :
Sa maman ?

Prudenval
C'est très curieux… nous le ferons mettre dans le journal de Reims.

Claire (à part)
Il ne manquerait plus que ça !

Prudenval
Midi !… je vous laisse… je cours chez mon médecin… (À Claire.)
Adieu !

Claire
Papa, je sors avec toi.

Prudenval
Non… tu me gênerais pour ma consultation… je compte entrer dans des détails… Causez… faites connaissance…

Claire
Mais, papa…

Prudenval (la faisant passer près de Blanche)
Puisqu'elle va être ta fille… causez !…
Claire (avec dépit, toisant Blanch)
e:
C'est inutile !
(Elle remonte et redescend à gauche.)

Blanche (à part)
Est-ce que papa m'aurait donné une marâtre ?
(Chœur Air de la Vicomtesse Lolotte)

Prudenval
Toutes deux pour bien vous connaître,
Causez ici bien tendrement ;
Puisque bientôt vous allez être,
Vous, sa fille, et toi, sa maman.

Claire (à part)
Est-il besoin de mieux connaître
Cette aimable et charmante enfant !
Je ne veux pas de cette ancêtre
Devenir jamais la maman !

Blanche (à part)
Dans leurs regards je vois paraître
La froideur et l'étonnement.
Leur cœur se fait assez connaître,
Et m'éloigner est plus prudent.

Prudenval (à part)
C'est drôle ! comme demoiselle, je lui trouve de moins beaux vestiges. (Haut.)
Peut-on vous offrir une prise ?

Blanche (furieuse.)
Monsieur !
(Reprise du Chœur)
(Prudenval sort par le fond et Blanche rentre chez elle.)


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