Frémissin, Cécile
Frémissin
Il est parti !… et je n'ai pas trouvé un mot !… Imbécile… brute !… âne !… crétin !…
Cécile (entrant gaiement du fond)
Eh bien, monsieur Jules ?
Frémissin
Elle !
Cécile
Vous avez causé avec mon père ?
Frémissin
Oui, mademoiselle…
Cécile
Et… avez-vous été content de l'entrevue ?
Frémissin
Enchanté !… Et la preuve c'est qu'il est allé me chercher ce que je lui demandais…
Cécile (naïvement)
Il me cherche ?
Frémissin
Non ! pas vous… des greffes de rosier !
Cécile (étonnée)
Des greffes !
Frémissin
Oui, mademoiselle… pendant un quart d'heure … c'est à ne pas y croire ! nous n'avons parlé que du Géant des batailles et du Triomphe d'Avranches.
Cécile
Mais pourquoi cela ?
Frémissin
Ah ! parce que… parce que je suis possédé d'une infirmité déplorable : je suis timide !…
Cécile
Vous aussi ?
Frémissin
Mais timide jusqu'à l'idiotisme, jusqu'à l'imbécilité ! Ainsi, on me tuerait plutôt que de me faire dire tout haut que ce je me dis tout bas depuis trois mois… c'est-à-dire que je vous aime ! que je vous adore ! que vous êtes un ange !…
Cécile
Mais il me semble que vous le dites très bien !
Frémissin (stupéfait de son audace)
Je l'ai dit !… Oh ! pardon ! ça ne compte pas, ça m'a échappé !… Je ne vous le dirai plus… jamais… je vous le jure !…
Cécile (vivement)
Ne jurez pas… Je ne vous demande pas de serment !… Timide… un avocat ! ça doit bien vous gêner pour plaider.
Frémissin
Aussi je ne plaide jamais !… ça m'est arrivé une fois… et ça ne m'arrivera plus.
Cécile
Que s'est-il donc passé ?
Frémissin
Ma tante m'avait procuré un client… car Dieu m'est témoin que je n'ai pas été le chercher. C'était un homme violent… il avait laissé tomber sa canne sur le dos de sa femme…
Cécile
Et vous le défendiez ?
Frémissin
Vous allez voir si je l'ai défendu !… Le grand jour arrive… tous mes camarades étaient à l'audience… J'avais préparé une plaidoirie brillante… Je la savais par cœur… Tout à coup, un grand silence se fait… et le président me dit en m'adressant un geste bienveillant : "Avocat, vous avez la parole ! " Je me lève… Je veux parler… impossible ! rien, pas un mot ! pas un son ! Le tribunal me regardait, le président me répétait : "Vous avez la parole…" Je ne l'avais pas du tout ! Mon client me criait : "Allez donc ! allez donc ! " Enfin, je fais un effort ! quelque chose d'inarticulé sort de mon gosier : "Messieurs, je recommande le prévenu à… toute la sévérité du tribunal." Et je retombe sur mon banc !
Cécile
Et votre client ?
Frémissin
Il a été condamné au maximum : six mois de prison !
Cécile
C'est bien fait !
Frémissin.- C'était trop peu pour ce qu'il m'avait fait souffrir ! Aussi je n'ai jamais voulu recevoir d'honoraires… Il est vrai qu'il a négligé de m'en offrir… Et maintenant que vous me connaissez… voyez s'il m'est possible d'adresser moi-même à M. votre père… une demande…
Cécile
Je ne puis pourtant pas lui demander ma main pour vous…
Frémissin (naïvement)
Non ! ça ne serait pas convenable ; alors, j'attendrai que ma tante soit guérie !
Cécile (vivement)
Attendre ! mais vous ne savez donc pas qu'il y a ici un autre prétendu ?
Frémissin (tressaillant)
Un autre ?
Cécile
Installé… accueilli par mon père !
Frémissin
Ah ! mon Dieu ! une lutte ! un rival !
Cécile
Mais je ne l'aime pas, et, si l'on me force à l'épouser, je mourrai certainement de chagrin !
Frémissin
Mourir, vous ? (Avec résolution.)
Où est votre père ? qu'il vienne !
Cécile
Vous parlerez ?
Frémissin
Oui, je parlerai !
Cécile
À la bonne heure !
Frémissin
Envoyez-moi M. votre père !
Cécile
Je vais le chercher !… Courage ! courage !
(Elle sort par le fond et tourne à gauche.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...