(M. de Sallus Mme de Sallus.)
M. de Sallus (se jetant dans un fauteuil.)
Il est ici depuis longtemps, M. Jacques de Randol ?
Madame de Sallus
Mais non… depuis une demi-heure, environ.
M. de Sallus
Une demi-heure, plus une heure, cela fait une heure et demie. Le temps vous semble court avec lui.
Madame de Sallus
Comment, une heure et demie ?
M. de Sallus
Oui. Comme j'ai vu devant la porte une voiture, j'ai demandé au valet de pied : "Qui est ici ?" il m'a répondu : "M. de Randol. — Il y a longtemps qu'il est arrivé ? — Il était dix heures, Monsieur." En admettant que cet homme se soit trompé d'un quart d'heure à votre avantage, cela fait une heure quarante, au minimum.
Madame de Sallus
Ah çà ! qu'est-ce que vous avez ? Je n'ai plus le droit de recevoir qui bon me semble maintenant ?
M. de Sallus
Oh ! ma chère, je ne vous opprime en rien, en rien, en rien. Je m'étonne seulement que vous puissiez confondre une demi-heure avec une heure et demie.
Madame de Sallus
Est-ce une scène que vous voulez ? Si vous me cherchez querelle, dites-le. Je saurai quoi vous répondre. Si vous êtes simplement de mauvaise humeur, allez vous coucher, et dormez, si vous pouvez.
M. de Sallus
Je ne vous cherche pas querelle, et je ne suis pas de mauvaise humeur. Je constate seulement que le temps vous semble très court, quand vous le passez avec M. Jacques de Randol.
Madame de Sallus
Oui, très court, beaucoup plus court qu'avec vous.
M. de Sallus
C'est un homme charmant et je comprends qu'il vous plaise. Vous semblez d'ailleurs lui plaire aussi beaucoup, puisqu'il vient presque tous les jours.
Madame de Sallus
Ce genre d'hostilité ne me va pas du tout, mon cher, et je vous prie de vous exprimer et de vous expliquer clairement. Donc, vous me faites une scène de jalousie ?
M. de Sallus
Dieu m'en garde ! J'ai trop de confiance en vous et trop de respect pour vous, pour vous adresser un reproche quelconque. Et je sais que vous avez assez de tact pour ne jamais donner prise à la calomnie… ou à la médisance.
Madame de Sallus
Ne jouons pas sur les mots. Vous trouvez que M. de Randol vient trop souvent dans cette maison… dans votre maison ?
M. de Sallus
Je ne puis rien trouver mauvais de ce que vous faites.
Madame de Sallus
En effet, vous n'en avez pas le droit. Aussi bien, puisque vous me parlez sur ce ton, réglons cette question une fois pour toutes, car je n'aime pas les sous-entendus.
Vous avez, paraît-il, la mémoire courte. Mais je vais venir à votre aide. Soyez franc. Vous ne pensez plus aujourd'hui, par suite de je ne sais quelles circonstances, comme vous pensiez il y a deux ans. Rappelez-vous bien ce qui s'est passé. Comme vous me négligiez visiblement, je suis devenue inquiète, puis j'ai su, on m'a dit, j'ai vu, que vous aimiez Mme de Servières… Je vous ai confié mon chagrin… ma douleur… j'ai été jalouse ! Qu'avez-vous répondu ? Ce que tous les hommes répondent quand ils n'aiment plus une femme qui leur fait des reproches. Vous avez d'abord haussé les épaules, vous avez souri, avec impatience, vous avez murmuré que j'étais folle, puis vous m'avez exposé, avec toute l'adresse possible, je le reconnais, les grands principes du libre amour adoptés par tout mari qui trompe et qui compte bien cependant n'être pas trompé. Vous m'avez laissé entendre que le mariage n'est pas une chaîne, mais une association d'intérêts, un lien social, plus qu'un lien moral ; qu'il ne force pas les époux à n'avoir plus d'amitié ni d'affection, pourvu qu'il n'y ait pas de scandale. Oh ! vous n'avez pas avoué votre maîtresse, mais vous avez plaidé les circonstances atténuantes. Vous vous êtes montré très ironique pour les femmes, ces pauvres sottes, qui ne permettent pas à leurs maris d'être galants, la galanterie étant une des lois de la société élégante à laquelle vous appartenez. Vous avez beaucoup ri de la figure de l'homme qui n'ose pas faire un compliment à une femme, devant la sienne, et beaucoup ri de l'épouse ombrageuse qui suit de l'œil son mari dans tous les coins, et s'imagine, dès qu'il a disparu dans le salon voisin, qu'il tombe aux genoux d'une rivale. Tout cela était spirituel, drôle et désolant, enveloppé de compliments et pimenté de cruauté, doux et amer à faire sortir du cœur tout amour pour l'homme délicat, faux et bien élevé qui pouvait parler ainsi.
J'ai compris, j'ai pleuré, j'ai souffert. Je vous ai fermé ma porte. Vous n'avez pas réclamé, vous m'avez jugé intelligente plus que vous n'auriez cru et nous avons vécu complètement séparés. Voici deux ans que cela dure, deux longues années qui, certes, ne vous ont pas paru plus de six mois. Nous allons dans le monde ensemble, nous en revenons ensemble, puis nous rentrons chacun chez nous. La situation a été établie ainsi par vous, par votre faute, par suite de votre première infidélité, qui a été suivie de beaucoup d'autres. Je n'ai rien dit, je me suis résignée, je vous ai chassé de mon cœur. Maintenant c'est fini, que demandez-vous ?
M. de Sallus
Ma chère, je ne demande rien. Je ne veux pas répondre au discours agressif que vous venez de me tenir. Je voulais seulement vous donner un conseil — d'ami, — sur un danger possible que pourrait courir votre réputation. Vous êtes belle, très en vue, très enviée. On suppose vite une aventure…
Madame de Sallus
Pardon. Si nous parlons d'aventure, je demande à faire la balance entre nous.
M. de Sallus
Voyons, ne plaisantez pas, je vous prie. Je vous parle en ami, en ami sérieux. Quant à tout ce que vous venez de me dire, c'est fortement exagéré.
Madame de Sallus
Pas du tout. Vous avez affiché, étalé toutes vos liaisons, ce qui équivalait à me donner l'autorisation de vous imiter. Eh bien ! mon cher, je cherche…
M. de Sallus
Permettez.
Madame de Sallus
Laissez-moi donc parler. Je suis belle, dites-vous, je suis jeune, et condamnée par vous à vivre, à vieillir, en veuve. Mon cher, regardez-moi. (Elle se lève.)
Est-il juste que je me résigne au rôle d'Ariane abandonnée pendant que son mari court de femme en femme, et de fille en fille ? (S'animant.)
Une honnête femme ! Je vous entends. — Une honnête femme va-t-elle jusqu'au sacrifice de toute une vie, de toute joie, de toute tendresse, de tout ce pour quoi nous sommes nées, nous autres ? Regardez-moi donc. Suis-je faite pour le cloître ? Puisque j'ai épousé un homme, c'est que je ne me destinais pas au cloître, n'est-ce pas ? Cet homme, qui m'a prise, me rejette et court à d'autres… Lesquelles ! Moi je ne suis pas de celles qui partagent. Tant pis pour vous, tant pis pour vous. Je suis libre. Vous n'avez pas le droit de m'adresser un conseil. Je suis libre !
M. de Sallus
Ma chère, calmez-vous. Vous vous méprenez complètement. Je ne vous ai jamais soupçonnée. J'ai pour vous une profonde estime et une profonde amitié ; une amitié qui grandit chaque jour. Je ne peux pas revenir sur ce passé que vous me reprochez si cruellement. Je suis peut-être un peu trop… comment dirais-je ?
Madame de Sallus
Dites Régence. Je connais ce plaidoyer pour excuser toutes les faiblesses et toutes les fredaines. Ah oui ! le dix-huitième siècle ! le siècle élégant ! Que de grâce, quelle délicieuse fantaisie, que de caprices adorables ! C'est une rengaine, mon cher.
M. de Sallus
Non, vous vous méprenez encore. Je suis, j'étais surtout, trop… trop Parisien, trop habitué à la vie du soir, en me mariant, habitué aux coulisses, au cercle, à mille choses… on ne peut pas rompre tout de suite… il faut du temps. Et puis, le mariage nous change trop, trop vite. Il faut s'y accoutumer,… peu à peu… Vous m'avez coupé les vivres quand j'allais m'y faire.
Madame de Sallus
Grand merci. Et vous venez, peut-être, me proposer une nouvelle épreuve ?
M. de Sallus
Oh ! quand il vous plaira. Vrai, quand on se marie après avoir vécu comme moi, on ne peut s'empêcher de regarder d'abord un peu sa femme comme une nouvelle maîtresse, une maîtresse honnête,… ce n'est que plus tard qu'on comprend bien, qu'on distingue bien, et qu'on se repent.
Madame de Sallus
Eh bien ! mon cher, il est trop tard. Comme je vous l'ai dit, je cherche de mon côté. J'ai mis trois ans à m'y décider. Vous avouerez que c'est long. Il me faut quelqu'un de bien, de mieux que vous… C'est un compliment que je vous fais et vous n'avez pas l'air de le remarquer.
M. de Sallus
Madeleine, cette plaisanterie est déplacée.
Madame de Sallus
Mais non, car je suppose que toutes vos maîtresses étaient mieux que moi, puisque vous les avez préférées à moi.
M. de Sallus
Voyons, dans quelle disposition d'esprit êtes-vous ?
Madame de Sallus
Mais je suis comme toujours. C'est vous qui avez changé, mon cher.
M. de Sallus
C'est vrai, j'ai changé.
Madame de Sallus
Ce qui veut dire ?
M. de Sallus
Que j'étais un imbécile.
Madame de Sallus
Et que ?…
M. de Sallus
Que je reviens à la raison.
Madame de Sallus
Et que ?…
M. de Sallus
Que je suis amoureux de ma femme.
Madame de Sallus
Vous êtes donc à jeun ?
M. de Sallus
Vous dites ?
Madame de Sallus
Je dis que vous êtes à jeun.
M. de Sallus
Comment ça ?
Madame de Sallus
Quand on est à jeun on a faim, et quand on a faim, on se décide à manger des choses qu'on n'aimerait point à un autre moment. Je suis le plat, négligé aux jours d'abondance, auquel vous revenez aux jours de disette. Merci.
M. de Sallus
Je ne vous ai jamais vue ainsi. Vous me faites de la peine autant que vous m'étonnez.
Madame de Sallus
Tant pis pour nous deux. Si je vous étonne, vous me révoltez. Sachez que je ne suis pas faite pour ce rôle d'intermédiaire.
M. de Sallus (s'approche, lui prend la main et la baise longuement.)
Madeleine, je vous jure que je suis devenu amoureux de vous, très fort, pour de vrai, pour tout à fait.
Madame de Sallus
Il se peut que vous en soyez convaincu. Quelle est donc la femme qui ne veut pas de vous, en ce moment ?
M. de Sallus
Madeleine, je vous jure…
Madame de Sallus
Ne jurez pas. Je suis sûre que vous venez de rompre avec une maîtresse. Il vous en faut une autre, et vous ne trouvez pas. Alors vous vous adressez à moi. Depuis trois ans, vous m'avez oubliée, de sorte que je vous fais l'effet de quelque chose de nouveau. Ce n'est pas à votre femme que vous revenez, mais à une femme avec qui vous avez rompu et que vous désirez reprendre. Ce n'est là, au fond, qu'un jeu de libertin.
M. de Sallus
Je ne me demande pas si vous êtes ma femme ou une femme : vous êtes celle que j'aime, qui a pris mon cœur. Vous êtes celle dont je rêve, celle dont l'image me suit partout, dont le désir me hante. Il se trouve que vous êtes ma femme, tant mieux ou tant pis ! je ne sais pas, que m'importe ?
Madame de Sallus
C'est vraiment un joli rôle que vous m'offrez là. Après Mlle Zozo, Mlle Lili, Mlle Tata, vous offrez sérieusement à Mme de Sallus de prendre la succession vacante et de devenir la maîtresse de son mari, pour quelque temps ?
M. de Sallus
Pour toujours.
Madame de Sallus
Pardon. Pour toujours, je redeviendrais votre femme, et ce n'est pas de cela qu'il s'agit, puisque j'ai cessé de l'être. La distinction est subtile, mais réelle. Et puis l'idée de faire de moi votre maîtresse légitime vous enflamme beaucoup plus que l'idée de reprendre votre compagne obligatoire.
M. de Sallus (riant.)
Eh bien ! pourquoi une femme ne deviendrait-elle pas la maîtresse de son mari ? J'admets parfaitement votre point de vue. Vous êtes libre, absolument libre, par ma faute. Moi, je suis amoureux de vous et je vous dis : "Madeleine, puisque votre coeur est vide, ayez pitié de moi. Je vous aime."
Madame de Sallus
Vous me demandez la préférence, à titre d'époux ?
M. de Sallus
Oui.
Madame de Sallus
Vous reconnaissez que je suis libre ?
M. de Sallus
Oui.
Madame de Sallus
Vous voulez que je devienne votre maîtresse ?
M. de Sallus
Oui.
Madame de Sallus
C'est bien entendu ? Votre maîtresse ?
M. de Sallus
Oui.
Madame de Sallus
Eh bien !… j'allais prendre un engagement d'un autre côté, mais puisque vous me demandez la préférence, je vous la donnerai, à prix égal.
M. de Sallus
Je ne comprends pas.
Madame de Sallus
Je m'explique. Suis-je aussi bien que vos cocottes ? Soyez franc.
M. de Sallus
Mille fois mieux.
Madame de Sallus
Bien vrai ?
M. de Sallus
Bien vrai.
Madame de Sallus
Mieux que la mieux ?
M. de Sallus
Mille fois.
Madame de Sallus
Eh bien ! dites-moi combien elle vous a coûté, la mieux, en trois mois ?
M. de Sallus
Je n'y suis plus.
Madame de Sallus
Je dis : "Combien vous a coûté, en trois mois, la plus charmante de vos maîtresses, en argent, bijoux, soupers, dîners, théâtre, etc., etc., entretien complet, enfin ?
M. de Sallus
Est-ce que je sais, moi ?
Madame de Sallus
Vous devez savoir. Voyons, faisons le compte. Donniez-vous une somme ronde, ou payiez-vous les fournisseurs séparément ? Oh ! vous n'êtes pas homme à entrer dans le détail, vous donniez la somme ronde.
M. de Sallus
Madeleine, vous êtes intolérable.
Madame de Sallus
Suivez-moi bien. Quand vous avez commencé à me négliger, vous avez supprimé trois chevaux dans vos écuries : un des miens et deux des vôtres ; plus un cocher et un valet de pied. Il fallait bien faire des économies intérieures pour payer les nouvelles dépenses extérieures.
M. de Sallus
Mais ce n'est pas vrai.
Madame de Sallus
Oui, oui. J'ai les dates ; ne niez pas, je vous confondrai. Vous avez cessé également de me donner des bijoux, puisque vous aviez d'autres oreilles, d'autres doigts, d'autres poignets et d'autres poitrines à embellir. Vous avez supprimé un de nos deux jours d'opéra, et j'oublie beaucoup de petites choses moins importantes. Tout cela, à mon compte, doit faire environ cinq mille francs par mois. Est-ce juste ?
M. de Sallus
Vous êtes folle.
Madame de Sallus
Non, non. Avouez. Celle de vos cocottes qui vous a coûté le plus cher arrivait-elle à cinq mille francs par mois ?
M. de Sallus
Vous êtes folle.
Madame de Sallus
Vous le prenez ainsi, bonsoir !
(Elle va sortir. Il la retient.)
M. de Sallus
Voyons, cessez ces plaisanteries-là.
Madame de Sallus
Cinq mille francs ! Dites-moi si elle vous coûtait cinq mille francs ?
M. de Sallus
Oui, à peu près.
Madame de Sallus
Eh bien ! mon ami, donnez-moi tout de suite cinq mille franc, et je vous signe un bail d'un mois.
M. de Sallus
Mais vous avez perdu la tête !
Madame de Sallus
Bonsoir ! Bonne nuit !
M. de Sallus
Quelle toquée ! Voyons, Madeleine, restez, nous allons causer sérieusement.
Madame de Sallus
De quoi ?
M. de Sallus
De… de… de mon amour pour vous.
Madame de Sallus
Mais il n'est pas sérieux du tout, votre amour.
M. de Sallus
Je vous jure que oui.
Madame de Sallus
Blagueur ! Tenez, vous me donnez soif à force de me faire parler.
(Elle va au plateau portant la théière et les sirops et se verse un verre d'eau claire. Au moment où elle va boire, son mari s'approche sans bruit et lui baise le cou.)
(Elle se retourne brusquement et lui jette son verre d'eau en pleine figure.)
M. de Sallus
Ah ! c'est stupide !
Madame de Sallus
Ça se peut. Mais ce que vous avez fait, ou tenté de faire, était ridicule.
M. de Sallus
Voyons, Madeleine.
Madame de Sallus
Cinq mille francs.
M. de Sallus
Mais ce serait idiot.
Madame de Sallus
Pourquoi ça ?
M. de Sallus
Comment, pourquoi ? Un mari, payer sa femme, sa femme légitime ! Mais j'ai le droit…
Madame de Sallus
Non. Vous avez la force… et moi, j'aurai… ma vengeance.
M. de Sallus
Madeleine…
Madame de Sallus
Cinq mille francs.
M. de Sallus
Je serais déplorablement ridicule si je donnais de l'argent à ma femme ; ridicule et imbécile.
Madame de Sallus
Il est bien plus bête, quand on a une femme, une femme comme moi, d'aller payer des cocottes.
M. de Sallus
Je le confesse. Cependant si je vous ai épousée, ce n'est pas pour me ruiner avec vous.
Madame de Sallus
Permettez. Quand vous portez de l'argent, votre argent qui est aussi mon argent par conséquent, chez une drôlesse, vous commettez une action plus que douteuse : vous me ruinez, moi, en même temps que vous vous ruinez, puisque vous employez ce mot. J'ai eu la délicatesse de ne pas vous demander plus que la drôlesse en question. Or, les cinq mille francs que vous allez me donner resteront dans votre maison, dans votre ménage. C'est une grosse économie que vous faites. Et puis, je vous connais, jamais vous n'aimerez tout à fait ce qui est droit et légitime ; or, en payant cher, très cher, car je vous demanderai peut-être de l'augmentation, ce que vous avez le droit de prendre, vous trouverez notre… liaison beaucoup plus savoureuse… Maintenant, Monsieur, bonsoir, je vais me coucher.
M. de Sallus (d'un air insolent.)
Voulez-vous un chèque ou des billets de banque ?
Madame de Sallus ( avec hauteur.)
Je préfère les billets de banque.
M. de Sallus (ouvrant son portefeuille.)
Je n'en ai que trois. Je vais compléter avec un chèque.
(Il le signe, puis tend le tout à sa femme.)
Madame de Sallus (prend, regarde son mari avec dédain, puis d'une voix dure.)
Vous êtes bien l'homme que je pensais. Après avoir payé des filles vous consentez à me payer comme elles, tout de suite, sans révolte. Vous avez trouvé que c'était cher, vous avez craint d'être grotesque. Mais vous ne vous êtes pas aperçu que je me vendais, moi, votre femme. Vous me désiriez un peu pour vous changer de vos gueuses, alors je me suis avilie à devenir semblable à elles ; vous ne m'avez pas repoussée, mais désirée davantage, autant qu'elles, même plus puisque j'étais plus méprisable.
Vous vous êtes trompé, mon cher, ce n'est pas ainsi que vous auriez pu me conquérir. Adieu !
(Elle lui jette son argent au visage et sort.)
« Mme Bonderoi.— Oui, Mme Bonderoi.— Pas possible ?— Je — vous — le — dis.— Mme Bonderoi, la vieille dame à bonnets de dentelle, la dévote, la sainte, l’honorable...
« Le Réveillon ! le Réveillon ! Ah ! mais non, je ne réveillonnerai pas ! »Le gros Henri Templier disait cela, d’une voix furieuse, comme si on lui eût...
« Puisque je vous dis qu’on ne la croira pas.— Racontez tout de même.— Je le veux bien. Mais j’éprouve d’abord le besoin de vous affirmer que mon histoire est...
Paris était bloqué, affamé et râlant. Les moineaux se faisaient bien rares sur les toits, et les égouts se dépeuplaient. On mangeait n’importe quoi.Comme il se promenait tristement par un...
Est-il un sentiment plus aigu que la curiosité chez la femme ? Oh ! savoir, connaître, toucher ce qu’on a rêvé ! Que ne ferait-elle pas pour cela ? Une...