(Les mêmes, Mme de Sallus.)
M. de Sallus ( très gai.)
Eh bien ! ma chère, il reste… il reste… et c'est moi qui ai obtenu ça.
Madame de Sallus
Mes compliments… Et comment avez-vous fait ce miracle ?
M. de Sallus
Bien facilement, en causant.
Madame de Sallus
Et de quoi avez-vous parlé ?
Jacques de Randol
Du bonheur qu'on éprouve à rester tranquillement chez soi.
Madame de Sallus
Je goûte peu ce bonheur-là, moi, j'adore voyager.
Jacques de Randol
Mon Dieu ! Il y a temps pour tout. Les voyages sont parfois intempestifs.
Madame de Sallus
Et votre rendez-vous, si important, à neuf heures ? Vous y avez renoncé, monsieur de Randol ?
Jacques de Randol
Oui, madame.
Madame de Sallus
Vous êtes changeant.
Jacques de Randol
Mais non ! mais non ! je suis opportuniste.
M. de Sallus
Vous permettez que j'écrive un mot.
(Il va s'asseoir à son bureau, à l'autre bout du salon.)
Madame de Sallus (à Jacques de Randol.)
Que s'est-il passé ?
Jacques de Randol
Rien, tout va bien.
Madame de Sallus
Quand partons-nous, alors ?
Jacques de Randol
Nous ne partons plus.
Madame de Sallus
Vous êtes fou. Pourquoi ?
Jacques de Randol
Ne me le demandez pas.
Madame de Sallus
Je suis sûre qu'il nous tend un piège.
Jacques de Randol
Mais non. Il est très tranquille, très content, sans aucun soupçon.
Madame de Sallus
Alors, quoi ?
Jacques de Randol
Soyez calme. Il est heureux.
Madame de Sallus
Ça n'est pas vrai.
Jacques de Randol
Mais oui. Il a répandu son bonheur dans mon sein.
Madame de Sallus
C'est une feinte, il nous veut espionner.
Jacques de Randol
Mais non. Il est confiant et pacifique, il n'a peur que de vous.
Madame de Sallus
De moi ?
Jacques de Randol
Mais oui. Comme vous aviez peur de lui tout à l'heure.
Madame de Sallus
Vous perdez la tête. Mon Dieu ! que vous êtes léger !
Jacques de Randol
Tenez, je parierais que c'est lui qui va sortir ce soir.
Madame de Sallus
En ce cas, partons aussitôt.
Jacques de Randol
Mais non. Je vous dis qu'il n'y a plus rien à craindre.
Madame de Sallus
Oh ! vous finirez par m'exaspérer avec votre aveuglement.
M. de Sallus (de loin.)
Ma chère amie, j'ai une bonne nouvelle à vous annoncer. J'ai pu reprendre chaque semaine votre loge à l'Opéra.
Madame de Sallus
Vous êtes vraiment trop aimable de me donner le moyen d'applaudir souvent Mme Santelli.
M. de Sallus (de loin.)
Elle a beaucoup de talent.
Jacques de Randol
Et on la dit charmante.
Madame de Sallus (nerveuse.)
Il n'y a que ces filles-là pour plaire aux hommes.
Jacques de Randol
Vous êtes injuste.
Madame de Sallus
Oh ! mon cher monsieur, il n'y a qu'elles pour qui on fasse des folies. Et c'est là, entendez-vous, la seule mesure de l'amour.
M. de Sallus (de loin.)
Pardon, ma chère amie, on ne les épouse pas ; et c'est la seule vraie folie qu'on puisse faire pour une femme.
Madame de Sallus
La belle avance ! On subit tous leurs caprices.
Jacques de Randol
N'ayant rien à perdre, elle n'ont rien à ménager.
Madame de Sallus
Ah ! les hommes sont de tristes êtres ! On épouse une jeune fille parce qu'elle est sage, — et on l'abandonne le lendemain, — et on s'affole d'une fille qui n'est pas jeune, uniquement parce qu'elle n'est pas sage et que tous les hommes connus et riches ont passé par ses bras. Plus elle en a eu, plus elle est cotée, plus elle vaut cher, plus on la respecte, de ce respect particulier de Paris qui ne distingue pas autre chose que le degré de renommée, dû uniquement au tapage qu'on fait, d'où qu'on le fasse. Ah ! vous êtes gentils, messieurs.
M. de Sallus (souriant de loin.)
Prenez garde ! On croirait que vous êtes jalouse.
Madame de Sallus
Moi ? Pour qui donc me prenez-vous ?
Un domestique (, annonçant.)
Madame la comtesse est servie !
(Il remet une lettre à Sallus.)
Madame de Sallus (à Jacques de Randol.)
Votre bras, monsieur.
Jacques de Randol (bas.)
Je vous aime !
Madame de Sallus
Si peu !
Jacques de Randol
De toute mon âme !
M. de Sallus (qui lit sa lettre.)
Allons, bon ! Il va falloir que je sorte ce soir.
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