Manicamp
Ce bon Folleville !… je sens une larme perler sous mes longs cils bruns.
Chatenay
(entrant, très vivement par le fond à droite.)
Il est essoufflé. Enfin ! je vous trouve !
Manicamp
Le vicomte de Chatenay !… j'ai eu l'honneur de me présenter chez vous.
Chatenay
Moi aussi… je suis venu ce matin.
Manicamp
Ah ! je suis désolé.
Chatenay
On m'a dit que vous étiez chez votre notaire, je suis allé chez votre notaire… vous veniez de repartir, je suis reparti, j ai pensé que je vous trouverais ici, je vous y trouve, tout est pour le mieux.
Manicamp
Asseyez-vous donc, je vous en prie ! que de peine vous prenez… (Ils s'asseyent.)
Croyez que je regrette sincèrement l'injure…
Chatenay
Quelle injure ?
Manicamp
Hier, au bal…
Chatenay
Ce n'est pas une injure… c'est une faveur !
Manicamp
Oh ! c'est trop de bonté… mais je l'ai arrangée de la belle façon, allez… je l'ai traitée de sotte…
Chatenay
Qui ça ?
Manicamp
Ma fille.
Chatenay
Elle ! oh ! mais un instant ! je ne souffrirai pas…
Manicamp
Comment ?
Chatenay
Votre fille est une ange, monsieur !
Manicamp
Je le sais bien… mais elle est trop vive, c'est un défaut.
Chatenay
Ce n'est pas un défaut… c'est une qualité !
Manicamp
Cependant…
Chatenay
J'ai reçu un soufflet ! après ?… si je les aime, si je ne m'en plains pas, ça ne regarde personne.
Manicamp
Convenez pourtant qu'elle a eu tort…
Chatenay
Je n'en conviens pas… quand on promet un menuet on ne livre pas une fricassée ! et j'ai livré une fricassée !
Manicamp
(à part.)
Il a livré une fricassée !… (Haut.)
Enfin, monsieur, que voulez-vous ?
Chatenay
Monsieur, j'aime votre fille !
Manicamp
Ça ne m'étonne pas. On ne peut pas ne pas aimer Berthe. Après ?
Chatenay
J'ai cinquante mille écus de rente, je suis vicomte (Se levant.)
et j'ai l'honneur de vous demander sa main !
Manicamp
(se levant aussi.)
Monsieur… j'ai cinquante mille écus de rente, je suis marquis, je suis son père, et j'ai le regret de vous dire que c'est impossible.
Chatenay
Pourquoi ?
Manicamp
Je suis engagé avec Folleville.
Chatenay
Vous vous dégagerez.
Manicamp
N'y comptez pas.
Chatenay
(se contenant.)
Marquis, je vous prie de remarquer que j'y mets des formes… j'ai l'honneur de vous demander la main de mademoiselle votre fille.
Manicamp
Et moi, j'ai l'honneur de vous la refuser.
Chatenay
(se montant peu à peu.)
Ne me poussez pas à bout, je vous préviens que je suis très vif.
(Il repousse son fauteuil.)
Manicamp
Qu'est-ce que ça me fait ?… moi aussi, je suis vif
(Il repousse son fauteuil.)
Chatenay
Voyons, ne nous emportons pas. Pourquoi ne voulez-vous pas être mon beau-père ?
Manicamp
Parce que… parce que vous ne me plaisez pas.
Chatenay
Mais si je plais à votre fille ?
Manicamp
Vous ? c'est faux.
Chatenay
Marquis, je vous prie de remarquer que vous êtes malhonnête.
Manicamp
Je suis comme je suis !
Chatenay
Ah !… Eh bien, alors, je l'épouserai malgré vous.
Manicamp
Vous ne l'épouserez pas.
Chatenay
Je l'épouserai !
Manicamp
Ah çà ! suis-je son père, oui, ou non ?
Chatenay
Parbleu ! pour la peine que ça vous a donné ! Manicamp. — Vous êtes un faquin !
Chatenay
Et vous un Cassandre !
Manicamp
Un Cassandre ?… oh ! c'est trop fort ! m'insulter chez moi… Monsieur ! vous m'en rendrez raison.
Chatenay
Quand vous voudrez !
Manicamp
Tout de suite !
Chatenay
Me refuser sa fille ! (Dégainant.)
En garde !
Manicamp
(dégainant aussi.)
Un Cassandre ! en garde !
(Ils croisent le fer.)
Chatenay
(abaissant son épée.)
Marquis, pour la dernière fois, j'ai l'honneur de vous demander la main de votre fille.
Manicamp
Vicomte ! pour la dernière fois, allez vous coucher !
Chatenay
(Air des quadrilles du Cadeau du Diable)
(pastourelle)
En garde… défendez-vous.
Manicamp
Redoutez tout mon courroux.
Chatenay
Et je serai son époux.
Manicamp
Oui, si je meurs sous tes coups.
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...